Dans les Entretiens avec le chancelier de Müller, Goethe, à propos de la fin de sa rencontre avec la pianiste Maria Agata Szymanovska, oppose deux manières de garder le souvenir d'un être :
" Tout ce qui nous arrive de grand, de beau, de marquant, ne doit pas être d'abord rappelé de l'extérieur, comme en lui donnant la chasse ; il faut qu'au contraire, cela s'unisse dès le début, produise en nous un nouveau moi meilleur, vive et crée en nous en continuant à nous former éternellement. Il n'y a point de passé vers quoi il soit permis de porter ses regrets, il n'y a qu'une éternelle nouveauté qui se forme des éléments grandis du passé : la vraie Sehnsucht (nostalgie) doit être toujours créatrice, produire à tout instant une nouveauté meilleure. Et (...) n'en avons-nous pas tous faits l'expérience en ces derniers jours ? Ne nous sentons-nous pas, tous tant que nous sommes, rajeunis, amendés, grandis par cette aimable apparition qui déjà veut nous quitter ? Non, elle ne peut nous échapper, elle a passé dans notre moi le plus intime, elle continue à vivre avec nous, en nous ; qu'elle s'y prenne comme elle voudra pour m'échapper, je la retiendrai toujours enfermée en moi." (trad. Béguin, Paris, 1931, p. 134)
Vieillissant, il arrive qu'on donne la chasse aux livres lus anciennement mais ils échappent. Alors il est rassurant de les penser enfermés en soi et nous rendant meilleurs, comme la pianiste dans l'esprit de Goethe.
Mais est-ce vrai ? Comme il est délicat de faire le partage entre les livres qui nous ont nourris et ceux qui ne nous ont pas fait grandir, voire nous ont empoisonnés !
Et la dette que nous avons vis-à-vis de telle ou telle oeuvre fortifiante n'absorbe-t-elle pas excessivement, exclusivement notre gratitude au point de ne nous faire sentir aucune reconnaissance à l'égard des textes qui vivent tant en nous qu' on les confond avec soi ?
Mais est-ce vrai ? Comme il est délicat de faire le partage entre les livres qui nous ont nourris et ceux qui ne nous ont pas fait grandir, voire nous ont empoisonnés !
Et la dette que nous avons vis-à-vis de telle ou telle oeuvre fortifiante n'absorbe-t-elle pas excessivement, exclusivement notre gratitude au point de ne nous faire sentir aucune reconnaissance à l'égard des textes qui vivent tant en nous qu' on les confond avec soi ?
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