MOI : - Et vous ne trouvez pas que la philosophie, c'est indispensable politiquement ?
ELLE : - En quel sens ?
MOI : - Dans le sens où philosophie rime avec démocratie et liberté !
ELLE : - Mais démocratie et liberté, au sens où vous l'entendez, je crois, c'est une affaire de politique.
MOI : - Justement, la politique est éclairée par la philosophie, non ?
ELLE : - Oui, mais pas spécialement la politique ! La philosophie cherche à connaître la réalité en général, donc en effet la réalité politique.
MOI : - Et elle la connaît ?
ELLE : - Ça va vous faire plaisir, je vais cesser un moment de faire le sceptique.
MOI : - Ah, la philosophie a réussi à savoir quelque chose, en politique donc ?
ELLE : - Ce n'est pas tant qu'elle a réussi à savoir quelque chose en politique qu'elle a réussi à comprendre qu'il ne faut pas confondre la politique avec la morale. C'est à Machiavel qu'on le doit.
MOI : - Si c'est ça la découverte de la philosophie, c'est plutôt décevant. Je suis fermement convaincu en effet que la politique devrait être morale, au lieu d'être immorale, comme elle l'est.
ELLE : - Mais Machiavel n'a pas dit qu'elle doit être immorale ! Elle doit choisir les meilleurs moyens en vue du bien commun.
MOI : - Le bien commun de qui ?
ELLE : - En premier lieu de ceux qui vivent à l'intérieur d'un même État.
MOI : - Et les étrangers ? Les réfugiés, par exemple ?
ELLE : - Le bien commun des États auxquels ils appartiennent englobe aussi le bien des citoyens qui les quittent.
MOI : - Et les apatrides ?
ELLE : - On peut alors envisager non seulement un bien commun national, mais un bien commun humain, pour le distinguer d'un bien commun international, qui renverrait au bien commun aux citoyens de toutes les nations. Mais le bien commun national est la fin première de l'État !
MOI : - Et comment alors la morale ne doit-elle pas guider la politique, si celle-ci vise le bien commun de tous les citoyens ?
ELLE : - Parce que le bien commun n'est pas nécessairement atteint par des moyens que la morale approuve !
MOI : - ?
ELLE : - Pensez par exemple aux services secrets qui ont pour fonction de protéger la sécurité nationale : leurs membres doivent mentir, voir commettre des actes pires.
MOI : - Mais ça ne veut pas dire que tous les moyens moraux sont inefficaces et tous les moyens immoraux efficaces ?
ELLE : - En effet et Machiavel n'a pas dit le contraire.
MOI : - Vous êtes bizarre ! Sceptique comme vous êtes, je m'attendais à vous voir enclin à l'anarchisme !
ELLE : - Vous voulez dire, enclin à organiser une vie commune sans un État qui contrôle tout et souvent diffuse des mensonges et commet des erreurs en vue de ce contrôle ?
MOI : - Exactement !
ELLE : - Vous oubliez que l'anarchisme est une philosophie politique particulière et que donc elle ne dispose pas d'un savoir affirmant que tout État est essentiellement mauvais.
MOI : - D'accord, mais pourquoi alors mettre au premier plan une autre philosophie, celle de Machiavel ?
ELLE : - Disons que je ne trouve pas d'objections sérieuses à l'idée qu'au niveau politique il peut être dangereux pour le bien commun de respecter la morale. L'exemple classique est celui des pacifistes qui, avant la deuxième guerre mondiale, par refus systématique de la violence, ont favorisé la montée du nazisme en Allemagne.
MOI : - Et quelles objections sérieuses avez-vous donc contre l'anarchisme ?
ELLE : - Il me semble faire porter excessivement à l'État la responsabilité des maux et des malheurs qui ruinent la vie des citoyens, sans assez prendre en compte la nature humaine.
MOI : - Je n'en crois pas mes oreilles ! Vous croyez à la nature humaine ? Mais c'est complètement ringard !
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