Le texte suivant est la première version d'un article, qui, accompagné de notes, est accessible sur le site de la Vie des idées.
Pour une conception plus équilibrée des relations entre la philosophie et la science.
Reprenant une série d’articles de « journalisme scientifique » parus dans Science et Avenir entre 1996 et 2006, Épistémologie pour une marquise comprend essentiellement vingt entretiens distribués en trois groupes : les plus nombreux, douze précisément, portent sur « la philosophie naturelle » (ils sont centrés sur les sciences expérimentales) ; un deuxième groupe, constitué de quatre entretiens, a pour objet « l’histoire naturelle » (entendez par là, la biologie : trois sont consacrés aux animaux et un aux gènes) ; enfin les quatre derniers traitent de la science, de la morale et de la religion (au centre la question de la vérité).
Le lecteur n’aura pas manqué d’être surpris par l’usage que fait l’auteur d’expressions désuètes comme « philosophie naturelle » ou « histoire naturelle ». On se sera aussi sans doute interrogé, à propos du titre, sur le lien, un brin surprenant, fait entre l’épistémologie et une marquise. C’est que Pascal Engel prend comme illustre modèle de son livre les Entretiens sur la pluralité des mondes habités (1686) de Fontenelle, ouvrage dans lequel, à travers un dialogue avec la Marquise de G., le narrateur expose la nouvelle physique copernicienne.
On notera cependant une différence majeure entre les deux marquises : à la différence de la marquise de Fontenelle, qui n’ayant « nulle teinture de science, ne laisse pas d’entendre ce qu’on lui dit » , la marquise de Pascal Engel a beaucoup lu , défend souvent les thèses des adversaires du philosophe, en tout cas, permet toujours, par opposition à son interlocuteur, de préciser ce qu’il pense. Dans cette mesure, Épistémologie pour une marquise ressemble à La Dispute (1997), dialogue aussi, où le philosophe analytique, Analyphron, défendait ses thèses par opposition à celle du philosophe continental, Philoconte.
Mais il n’y a pas seulement une ressemblance formelle (et cela jusque dans certains caractères typographiques !) entre les deux textes . En effet Engel reprend mot pour mot le but que visait déjà Fontenelle : divertir les savants et instruire et divertir les ignorants .
Si l’on cherche où est le divertissement, on le trouve, identique, dans les deux livres : c’est la mise en scène de l’argumentation qui est plaisante et pas l’argumentation elle-même. D’ailleurs Engel expose nettement, dans la préface, son hostilité radicale à une philosophie « populaire » : « j’ai essayé d’être clair, je ne prétends pas populariser » . Cette hostilité vise aussi ce à quoi tendent précisément les philosophes quand ils veulent avant tout pouvoir être lus par tous sans aucune difficulté : la réduction de la philosophie à des conseils éthiques en vue de la sagesse ou du bonheur. Engel n’est certes pas hostile à la philosophie morale mais il dénonce deux illusions qui vont de pair avec le courant populaire permettant de vendre de prétendus ouvrages de philosophie comme des best-sellers : la première illusion est de croire que la philosophie morale peut se passer de recherches théoriques ; or, pour être en mesure de se justifier, elle doit disposer de fondements théoriques ; la seconde est de penser que tous les problèmes théoriques sont réglés, ou du moins le seront un jour, par les sciences, ce qui ne laisserait à la philosophie que les questions éthiques. Or c’est au fond adopter une position scientiste, qu’ Engel refuse (en effet les sciences ne fournissent, entre autres, aucune théorie de la connaissance, scientifique ou non : ainsi « qu’est-ce que la connaissance ? » est un problème de philosophie).
Le lecteur n’aura pas manqué d’être surpris par l’usage que fait l’auteur d’expressions désuètes comme « philosophie naturelle » ou « histoire naturelle ». On se sera aussi sans doute interrogé, à propos du titre, sur le lien, un brin surprenant, fait entre l’épistémologie et une marquise. C’est que Pascal Engel prend comme illustre modèle de son livre les Entretiens sur la pluralité des mondes habités (1686) de Fontenelle, ouvrage dans lequel, à travers un dialogue avec la Marquise de G., le narrateur expose la nouvelle physique copernicienne.
On notera cependant une différence majeure entre les deux marquises : à la différence de la marquise de Fontenelle, qui n’ayant « nulle teinture de science, ne laisse pas d’entendre ce qu’on lui dit » , la marquise de Pascal Engel a beaucoup lu , défend souvent les thèses des adversaires du philosophe, en tout cas, permet toujours, par opposition à son interlocuteur, de préciser ce qu’il pense. Dans cette mesure, Épistémologie pour une marquise ressemble à La Dispute (1997), dialogue aussi, où le philosophe analytique, Analyphron, défendait ses thèses par opposition à celle du philosophe continental, Philoconte.
Mais il n’y a pas seulement une ressemblance formelle (et cela jusque dans certains caractères typographiques !) entre les deux textes . En effet Engel reprend mot pour mot le but que visait déjà Fontenelle : divertir les savants et instruire et divertir les ignorants .
Si l’on cherche où est le divertissement, on le trouve, identique, dans les deux livres : c’est la mise en scène de l’argumentation qui est plaisante et pas l’argumentation elle-même. D’ailleurs Engel expose nettement, dans la préface, son hostilité radicale à une philosophie « populaire » : « j’ai essayé d’être clair, je ne prétends pas populariser » . Cette hostilité vise aussi ce à quoi tendent précisément les philosophes quand ils veulent avant tout pouvoir être lus par tous sans aucune difficulté : la réduction de la philosophie à des conseils éthiques en vue de la sagesse ou du bonheur. Engel n’est certes pas hostile à la philosophie morale mais il dénonce deux illusions qui vont de pair avec le courant populaire permettant de vendre de prétendus ouvrages de philosophie comme des best-sellers : la première illusion est de croire que la philosophie morale peut se passer de recherches théoriques ; or, pour être en mesure de se justifier, elle doit disposer de fondements théoriques ; la seconde est de penser que tous les problèmes théoriques sont réglés, ou du moins le seront un jour, par les sciences, ce qui ne laisserait à la philosophie que les questions éthiques. Or c’est au fond adopter une position scientiste, qu’ Engel refuse (en effet les sciences ne fournissent, entre autres, aucune théorie de la connaissance, scientifique ou non : ainsi « qu’est-ce que la connaissance ? » est un problème de philosophie).
Voyons maintenant, sans pouvoir entrer dans le détail des vingt entretiens, les grands traits de la philosophie de la connaissance que cet ouvrage présente.
D’abord, si Engel est rationaliste et à coup sûr, comme on l’a vu, indemne de tout scientisme , cependant il ne conçoit pas que la philosophie puisse être de bonne qualité quand elle traite de problèmes éclairés par la science sans prendre en compte cet éclairage. La position de l’auteur implique donc une valeur accordée à la science, valeur que l’ouvrage justifie et précise. Qu’est-ce donc que la connaissance scientifique pour l’auteur ?
À la différence de ceux qui pensent que l’accès à la vérité passe exclusivement par l’accès à la philosophie et/ou à la science, Engel, en cela en accord avec le sens commun, ne met pas en question le fait que nous disposons de connaissances ordinaires, d’ « un savoir de base » , quand bien même nous sommes ignorants philosophiquement ou scientifiquement . Certes les connaissances scientifiques ne sont pas conformes aux croyances ordinaires mais c’est parce que le sens commun est en mesure de réviser ses croyances spontanées que les connaissances scientifiques sont possibles. Engel n’est donc pas tenté par un fondationnalisme de type cartésien jugeant que le savoir doit être construit à partir d’une remise en cause de toutes nos opinions (en effet l’auteur pense que nous disposons déjà d’un savoir vrai) ; il ne reprend pas non plus la thèse bachelardienne soutenant l’existence d’une différence radicale entre la pensée commune et la pensée scientifique (différence pensée en termes de rupture et d’obstacle épistémologiques).
Mais de quoi la connaissance scientifique est-elle donc connaissance ? Les sciences fournissent une connaissance des faits. Philosophe réaliste , Engel tient à la réalité de faits indépendants de nous par rapport auxquels on est en mesure de juger de la pertinence de nos hypothèses. Pour soutenir cela, l’auteur doit donc lutter contre l’idée, devenue fréquente aujourd’hui, qu’on ne peut pas distinguer ce qu’on perçoit de ce qu’on sait et qu’il n’y donc pas de perceptions détachées de connaissances antérieures . Ainsi les faits sont-ils autant au point de départ d’hypothèses destinées à les expliquer qu’au terme de la compétition entre des théories rivales quand ils permettent de sélectionner la meilleure d’entre elles (cela va de soi, Engel ne dit pas qu’un tel partage grâce aux faits est toujours réalisable). On voit donc que l’auteur défend une conception classique de la vérité comme correspondance entre des propositions et des faits . Les faits en question sont bel et bien réels sans être pour autant « bruts » ou « purs » au sens où de tels faits seraient des choses qu’on pourrait percevoir dans une indépendance totale par rapport à tout arrière-plan cognitif. L’auteur choisit ainsi, comme souvent dans cet ouvrage, la voie du milieu entre une conception réaliste naïve et une conception idéaliste extrême, pour laquelle les faits ne sont qu’une construction du discours .
D’abord, si Engel est rationaliste et à coup sûr, comme on l’a vu, indemne de tout scientisme , cependant il ne conçoit pas que la philosophie puisse être de bonne qualité quand elle traite de problèmes éclairés par la science sans prendre en compte cet éclairage. La position de l’auteur implique donc une valeur accordée à la science, valeur que l’ouvrage justifie et précise. Qu’est-ce donc que la connaissance scientifique pour l’auteur ?
À la différence de ceux qui pensent que l’accès à la vérité passe exclusivement par l’accès à la philosophie et/ou à la science, Engel, en cela en accord avec le sens commun, ne met pas en question le fait que nous disposons de connaissances ordinaires, d’ « un savoir de base » , quand bien même nous sommes ignorants philosophiquement ou scientifiquement . Certes les connaissances scientifiques ne sont pas conformes aux croyances ordinaires mais c’est parce que le sens commun est en mesure de réviser ses croyances spontanées que les connaissances scientifiques sont possibles. Engel n’est donc pas tenté par un fondationnalisme de type cartésien jugeant que le savoir doit être construit à partir d’une remise en cause de toutes nos opinions (en effet l’auteur pense que nous disposons déjà d’un savoir vrai) ; il ne reprend pas non plus la thèse bachelardienne soutenant l’existence d’une différence radicale entre la pensée commune et la pensée scientifique (différence pensée en termes de rupture et d’obstacle épistémologiques).
Mais de quoi la connaissance scientifique est-elle donc connaissance ? Les sciences fournissent une connaissance des faits. Philosophe réaliste , Engel tient à la réalité de faits indépendants de nous par rapport auxquels on est en mesure de juger de la pertinence de nos hypothèses. Pour soutenir cela, l’auteur doit donc lutter contre l’idée, devenue fréquente aujourd’hui, qu’on ne peut pas distinguer ce qu’on perçoit de ce qu’on sait et qu’il n’y donc pas de perceptions détachées de connaissances antérieures . Ainsi les faits sont-ils autant au point de départ d’hypothèses destinées à les expliquer qu’au terme de la compétition entre des théories rivales quand ils permettent de sélectionner la meilleure d’entre elles (cela va de soi, Engel ne dit pas qu’un tel partage grâce aux faits est toujours réalisable). On voit donc que l’auteur défend une conception classique de la vérité comme correspondance entre des propositions et des faits . Les faits en question sont bel et bien réels sans être pour autant « bruts » ou « purs » au sens où de tels faits seraient des choses qu’on pourrait percevoir dans une indépendance totale par rapport à tout arrière-plan cognitif. L’auteur choisit ainsi, comme souvent dans cet ouvrage, la voie du milieu entre une conception réaliste naïve et une conception idéaliste extrême, pour laquelle les faits ne sont qu’une construction du discours .
Je ne peux pas, dans les limites de cette recension, rendre compte de la richesse et de la finesse de toutes les positions épistémologiques défendues dans la première série d’entretiens ; en revanche, vu que fleurissent aujourd’hui les livres où la valeur des animaux est largement révisée à la hausse, il me paraît intéressant de présenter la position de l’auteur à leur sujet, telle qu’elle transparaît à travers la seconde série d’entretiens.
Les doutes de l’auteur portent autant sur la capacité humaine de comprendre les animaux que sur la croyance selon laquelle chaque espèce animale a, en quelque sorte, son monde à elle . D’abord l’auteur met en question la possibilité pour la psychologie animale de pouvoir dépasser un jour une description d’un point de vue objectif, comme on dit souvent, à la 3ème personne et donc suggère indirectement que toute étude des animaux reposant sur l’empathie risque de n’être qu’une forme totalement illusoire d’anthropomorphisme. Mais l’auteur va ensuite plus loin en doutant que les animaux aient des qualia, un ressenti, comme on dit aujourd’hui . Ont-ils cependant un monde conceptuel ? Peut-on accorder aux animaux le concept d’objet ? L’auteur reste ici encore prudent . Même réserve concernant la question de savoir si les animaux ont un monde objectif : en effet la capacité à s’orienter dans l’espace environnant n’implique pas que l’espace est environnant pour eux et donc distinct d’eux. Mais les animaux n’ont-ils pas un esprit au moins ? L’auteur envisage la possibilité que les animaux aient des représentations sans « une instance de contrôle unique des représentations » . Cette vue encourage à penser l’esprit animal comme de multiples modules affectés à des tâches distinctes sans unité de représentation .
Concernant la question du langage animal, l’auteur redonne aussi – et cela contre le courant dominant - de la force à la distinction homme / animaux : plutôt enclin à adopter « un chauvinisme de la communication humaine » , l’auteur, méfiant par rapport à « l’optimisme de certains primatologues » juge que les signes des primates sont « essentiellement expressifs et rarement descriptifs » . Engel reste aussi dubitatif concernant la question des sociétés animales dans la mesure où, à la différence des sociétés humaines, leur fait défaut un savoir partagé par chacun et portant sur les intentions communes aux membres du groupe.
Cependant, de la prudence du philosophe par rapport aux efforts contemporains destinés à trouver dans l’animal ce qu’on jugeait jusqu’alors être le propre de l’homme, on ne doit surtout pas tirer la conclusion qu’il plaide en faveur d’une essence humaine irréductible à l’animalité. Tout au contraire, ce qui frappe à la lecture de l’ouvrage est à quel point Engel est naturaliste au sens où il prend au sérieux, du point de vue de la philosophie, l’évolutionnisme . Certes, il ne pense en aucune manière que ce dernier est en mesure d’expliquer totalement par exemple les mathématiques ou l’éthique, mais en revanche il défend que l’évolutionnisme permet de connaître l’ancrage naturel sans lequel le développement culturel n’aurait pas eu lieu .
Les doutes de l’auteur portent autant sur la capacité humaine de comprendre les animaux que sur la croyance selon laquelle chaque espèce animale a, en quelque sorte, son monde à elle . D’abord l’auteur met en question la possibilité pour la psychologie animale de pouvoir dépasser un jour une description d’un point de vue objectif, comme on dit souvent, à la 3ème personne et donc suggère indirectement que toute étude des animaux reposant sur l’empathie risque de n’être qu’une forme totalement illusoire d’anthropomorphisme. Mais l’auteur va ensuite plus loin en doutant que les animaux aient des qualia, un ressenti, comme on dit aujourd’hui . Ont-ils cependant un monde conceptuel ? Peut-on accorder aux animaux le concept d’objet ? L’auteur reste ici encore prudent . Même réserve concernant la question de savoir si les animaux ont un monde objectif : en effet la capacité à s’orienter dans l’espace environnant n’implique pas que l’espace est environnant pour eux et donc distinct d’eux. Mais les animaux n’ont-ils pas un esprit au moins ? L’auteur envisage la possibilité que les animaux aient des représentations sans « une instance de contrôle unique des représentations » . Cette vue encourage à penser l’esprit animal comme de multiples modules affectés à des tâches distinctes sans unité de représentation .
Concernant la question du langage animal, l’auteur redonne aussi – et cela contre le courant dominant - de la force à la distinction homme / animaux : plutôt enclin à adopter « un chauvinisme de la communication humaine » , l’auteur, méfiant par rapport à « l’optimisme de certains primatologues » juge que les signes des primates sont « essentiellement expressifs et rarement descriptifs » . Engel reste aussi dubitatif concernant la question des sociétés animales dans la mesure où, à la différence des sociétés humaines, leur fait défaut un savoir partagé par chacun et portant sur les intentions communes aux membres du groupe.
Cependant, de la prudence du philosophe par rapport aux efforts contemporains destinés à trouver dans l’animal ce qu’on jugeait jusqu’alors être le propre de l’homme, on ne doit surtout pas tirer la conclusion qu’il plaide en faveur d’une essence humaine irréductible à l’animalité. Tout au contraire, ce qui frappe à la lecture de l’ouvrage est à quel point Engel est naturaliste au sens où il prend au sérieux, du point de vue de la philosophie, l’évolutionnisme . Certes, il ne pense en aucune manière que ce dernier est en mesure d’expliquer totalement par exemple les mathématiques ou l’éthique, mais en revanche il défend que l’évolutionnisme permet de connaître l’ancrage naturel sans lequel le développement culturel n’aurait pas eu lieu .
Le dernier groupe d’entretiens, portant sur la science, la morale et la religion, est avant tout une révision à la hausse de ce qu’est la vérité. Hostile aux approches relativistes et perspectivistes de la vérité (elles sont en effet auto-réfutantes), l’auteur défend que si la vérité est un fait , elle est aussi la valeur immanente à toute recherche de la connaissance . Engel est particulièrement soucieux de remettre à leur place les études, du type de celles de Bruno Latour, destinées à dévoiler la dimension sociale de toute pratique scientifique. Ce n’est pas parce qu’un laboratoire est un lieu de rapports de forces sociales que les résultats qui en sortent ne sont pas vrais : ils le sont s’ils sont justifiés objectivement. Mais ceci n’entraîne pas qu’ Engel idolâtre la science et ses conclusions. Assez proche de Popper et de son concept de vériproximité , Engel soutient que « la science procède par accumulation de théories, les anciennes étant remplacées par de nouvelles, qui ont plus de chances d’approcher la vérité que les précédentes » .
C’est à la lumière de cet engagement en faveur de la vérité que l’on comprend la position de l’auteur sur la religion, position qu’on est d’autant plus impatient de connaître que le retour du religieux a beaucoup d’échos aujourd’hui chez les íntellectuels. Précisément, ce sont les relations entre la science et la religion qui intéressent l’auteur. Fidèle à son réalisme, il attache du prix à ce qu’il appelle le « réalisme théologique » , c’est-à-dire la prétention de la théologie à dire la vérité sur la réalité, d’où sa sympathie affichée pour la philosophie analytique de la religion quand, en accord avec les connaissances scientifiques, elle s’efforce de formuler les meilleurs arguments rationnels possibles en faveur, par exemple, de l’existence de Dieu. Un dialogue est alors ouvert entre le croyant et l’athée sur la base du partage des règles du jeu de l’argumentation rationnelle.
On pouvait s’attendre à ce que l’engagement naturaliste de Pascal Engel le conduise à ne guère prendre au sérieux la religion. Or, ce qu’il ne prend pas au sérieux n’est pas la religion en tant qu’elle vise le vrai (et les conflits possibles avec la science que cela entraîne), mais la religion dépourvue de toute portée théorique et réduite à la formulation métaphorique de règles éthiques .
C’est à la lumière de cet engagement en faveur de la vérité que l’on comprend la position de l’auteur sur la religion, position qu’on est d’autant plus impatient de connaître que le retour du religieux a beaucoup d’échos aujourd’hui chez les íntellectuels. Précisément, ce sont les relations entre la science et la religion qui intéressent l’auteur. Fidèle à son réalisme, il attache du prix à ce qu’il appelle le « réalisme théologique » , c’est-à-dire la prétention de la théologie à dire la vérité sur la réalité, d’où sa sympathie affichée pour la philosophie analytique de la religion quand, en accord avec les connaissances scientifiques, elle s’efforce de formuler les meilleurs arguments rationnels possibles en faveur, par exemple, de l’existence de Dieu. Un dialogue est alors ouvert entre le croyant et l’athée sur la base du partage des règles du jeu de l’argumentation rationnelle.
On pouvait s’attendre à ce que l’engagement naturaliste de Pascal Engel le conduise à ne guère prendre au sérieux la religion. Or, ce qu’il ne prend pas au sérieux n’est pas la religion en tant qu’elle vise le vrai (et les conflits possibles avec la science que cela entraîne), mais la religion dépourvue de toute portée théorique et réduite à la formulation métaphorique de règles éthiques .
Terminons : décidément Engel est un penseur indispensable à lire pour qui veut nourrir sa méfiance par rapport aux idées dominantes. En effet l’auteur manifeste une grande réserve vis-à-vis de l’envahissante bioéthique. La nature n’a pas pour lui une valeur en soi, pas plus qu’elle n’aurait de droits ou une finalité que l’humanité devrait respecter . La technique a toujours modifié la nature et donc c’est puéril d’opposer une nature en accord avec laquelle il faudrait vivre et une technique qui pervertirait un ordre naturel bon. Aussi Engel est-il moins désireux de mettre des limites au développement de la technique que de fortifier la bioéthique du point de vue théorique : il s’agirait précisément de remplacer, ou du moins d’accompagner, les compromis finalement politiques auxquelles elle aboutit dans ses représentations institutionnelles par une réflexion plus poussée, de sa part, sur les rapports de la technique et de la nature, sur la relation inévitable entre le développement de la liberté humaine et celui de la technique.
Le lecteur aura compris, à travers la diversité des sujets traités dans cet ouvrage et imparfaitement rendue dans cette recension, qu’il constitue une excellente introduction à l’œuvre de l’auteur. Ce dernier a su trouver un ton juste, aussi loin de la vulgarisation démagogique que du traité savant, invitant ainsi agréablement le lecteur à travailler les textes plus ardus qui l’ont consacré comme un philosophe analytique français de première importance, à l’égal, pour n’en nommer que deux, de Jacques Bouveresse ou de Vincent Descombes.
Commentaires
A présent FC semble s'être référé au livre, mais s'il l'a fait, il aura vu que je ne me prononce pas sur ce point dans le livre. Donc il m'attribue cette position et une confusion entre le cas des sciences et celui de la philosophie. Je ne me suis pas prononcé sur le rôle de l'expertise, bien qu'en effet il me semble que ce qui se passe en philosophie, à la différence des jugements intuitifs e type " sortie des urnes", est que les gens ont développé une pratique, qui fait que les EP ont de multiples variations, que les études expérimentales ne peuvent pas toutes reproduire. Mais même si j'avais tort sur ce point, je ne vois pas trop pourquoi en sciences on aurait une sorte de compétence experte dans le maniement du raisonnement contrefactuel - à supposer donc, ce que semble m'accorder mon critique ,que les EP reposent sur ce type de raisonnement, alors qu'on ne l'aurait pas en philosophie, ou même dans la vie quotidienne. Quand je juge par exemple que "si l'arbre ne l'avait pas arrêté, le roc serait tombé sur la route", je fais, selon la conception en question un raisonnement basé sur l'observation de nombreuses régularités, mais aussi sur ma connaissance implicite de notions comme celles de cause, de loi , et d'autres principes de physique naive. Si je suis un expert, mettons, en ballistique, je peux faire le même jugement, mais cette fois informé, et en fait basé sur un avoir assez sophistiqué. Maintenant si un philosophe demande : " Si j'étais trompé par un malin génie , que percevrais je sans telles circonstances", FC me dit que le philosophe fait appel à ses intuitions naives. Certes il ne fait pas appel à unsavoir scientifique. Mais porquoi n'aurait il pas, tout comme l'expert en ballistique, acquis une compétence à faire ce genre d'hypothèses, en envisager les variations, en mesurer les conséquences, à les confronter à d'autres raisonnement contrefactuels , etc ?
X phi qui visent à critiquer l'usage des intuitions en philosophie sonnent à la mauvaise porte ( ou comme on dit en anglais " aboient au mauvais arbre").
seulement dire : solatium miseris, socios habuisse malorum