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dimanche 16 novembre 2025

Cours élémentaire de philosophie : qu'est-ce que la philosophie ? (2)

Comment donc définir en gros la philosophie ? Comment cerner ce qui unit tous les philosophes ?

D'abord depuis l' Antiquité, la philosophie  a un ennemi qu'elle déteste. En grec ancien, le mot qui désigne cet ennemi haïssable, c'est δοξα, doxa, la doxa. Ce mot, usuellement on le traduit en français par opinion
À première vue, on ne comprend pas pourquoi l'opinion serait ennemie. En effet on a plutôt tendance à aimer l'opinion, et même à aimer les opinions (il semble même que plus il y en a, mieux c'est). Spontanément on lui donne du prix, de la valeur. Aussi, quand soi-même on n'a pas d'opinion sur un sujet, on se sent généralement bête, on peut aller jusqu'à avoir honte par rapport à ceux qui en ont déjà une. Aussi, quand on la trouve cette opinion,  on y tient , on peut même la chérir et la défendre dans les discussions. En tout cas, même si on est timide et qu'on n'ose pas participer aux discussions, en général on donne de la valeur aux sociétés qui laissent leurs membres avoir les opinions qu'ils veulent et qui les autorisent aussi à dire leurs opinions en public et à en débattre. Vu tout cela, ça paraît étrange, voire inquiétant de faire de l'opinion un ennemi.
En réalité, l'opinion que les philosophes n'aiment pas, c'est l'opinion toute faite. celle qu'on n'aime pas plus qu'eux ! Celle qu'on reproche aux autres d'avoir, celle qu'on espère, soi-même, ne pas avoir : on aime en effet avoir une opinion personnelle, c'est-à-dire une opinion, correspondant à quelque chose que l'on a compris par soi-même. Et les philosophes n'ont rien contre l'opinion personnelle, pourvu qu'elle soit vraiment personnelle. Or on peut avoir des opinions qu'on appelle personnelles - parce qu'on y tient vraiment, parce qu'elles font corps avec soi - mais qui ne sont pas personnelles au sens où elles n'ont pas été élaborées, réfléchies par soi-même.
En effet, imaginons un effet naissant dans un milieu, disons, raciste. Pour sa famille, le racisme va de soi, est une évidence. Un tel enfant va donc être nourri d'opinions racistes : il va apprendre à parler et à lire dans un monde familial raciste ; en général, lui-même va finir par " parler raciste " car les premières opinions de l'enfant sont ordinairement celles de sa famille, d'autant plus qu'il n'entendra pas autour de lui d'autres opinions que celles de cette même famille. Donc, si on entend par opinion personnelle une opinion dont on ne veut pas, dont on ne peut pas se défaire, cet enfant a une opinion personnelle et dira peut-être  à la cantonnade qu'il en a bel et bien une. Pourtant, pour les philosophes (pour les sociologues aussi - les sociologues sont les scientifiques qui étudient les sociétés -), leur opinion est conformiste : c'est l'opinion d'un groupe, d'un milieu, d'une classe. On pourrait aller jusqu'à dire qu'elle est même impersonnelle.

Ce sont donc les opinions conformistes qui ont été, qui sont et qui seront toujours les ennemies de la philosophie, au sens où les philosophes n'aiment pas qu'elles se présentent comme indiscutablement vraies, mais aussi au sens où, souvent, les porteurs de telles opinions n'aiment pas la philosophie : en effet, pourquoi se mettraient-ils  à faire de la philosophie, c'est-à-dire  à faire quelque chose de nouveau, d'inconnu, s'ils  disposent déjà de la vérité à la maison, chez eux ?
On peut en effet affirmer que, si on se lance dans la philosophie, c'est qu'on n'a pas déjà la vérité à la maison. 
De cela, on peut déduire que la philosophie ne se confond pas avec la religion. Car en effet beaucoup de familles (musulmanes, juives, chrétiennes, etc.), en ayant la religion à la maison, pensent avoir du même coup la vérité à la maison. Mais alors peut-on aller jusqu'à dire que la religion est un deuxième ennemi de la philosophie ?