Marie-Odile Goulet-Cazé dans le Dictionnaire des philosophes antiques consacre cette notice à Agathoboulos:
"Ce cynique d'Alexandrie, à qui Pérégrinus Proteus (un chrétien cynique ) rendit visite en Egypte (Lucien Pérégrinus 17) pratiquait un ascétisme rigoureux. Il fut un des maîtres de Démonax, tout comme Epictète et Démétrius (Lucien Démonax 3). La Chronique d'Eusèbe-Jérôme (p.198, 1-3 Helm) le présente, aux côtés de Plutarque de Chéronée, Sextus et Oenomaos, comme l'un des philosophi insignes connus en l'année 119 ap. J.-C. A titre d'hypothèse, D.R.Dudley (A History of cynicism p.175 n.3) suggère que cet Agathobule pourrait être le "fameux sophiste de Rhodes" sous la conduite duquel Démétrius de Sounion s'exerça à l'ascèse cynique à Alexandrie (cf. Lucien Toxaris 27)."
De Lucien, je tire ces lignes traduites par Talbot en 1912:
" Un troisième voyage, entrepris par lui (Pérégrinus) à cette époque, le conduit en Egypte auprès d'Agathobule, qui l'initia à la belle profession qu'il exerçe aujourd'hui. La tête à moitié rasée, le visage barbouillé de boue, il n'a pas honte de porter les mains sur lui-même au milieu d'une nombreuse assemblée et d'accomplir un acte que les Cyniques osent qualifier d'indifférent; il se frappe ou fait frapper le derrière avec une férule, et commet mille autres indécences." (Sur la mort de Pérégrinus 17)
On n'a donc accès à Agathobule qu'à travers les lignes d'un écrivain railleur et sceptique.
Mais évoquent-elles vraiment "un ascétisme rigoureux" ? La pratique publique de la masturbation suggère moins l'ascèse que le respect d'une tradition sinon fondée, du moins illustrée par Diogène de Sinope.
Lucien, reprenant un concept stoïcien, qualifie l'attouchement en question d'indifférent.
J'ai l'idée que les cyniques peuvent aussi bien la condamner quand il l'identifie non au plus court chemin pour satisfaire un besoin mais à l'expression du relâchement. Ils paraissent en effet avoir moins jugé l'action en elle-même que l'intention qui la commande, cette dernière sauvant les pires actions et condamnant les meilleures (pires et meilleures étant entendus ici du point de vue des évaluations ordinaires).
Revenons à la masturbation: associée au plaisir, elle est nécessairement condamnée par les cyniques. Vue comme une forme d'indépendance et d'économie des dépenses, elle va dans la même direction que la consommation du cru, le tonneau comme logement etc.
Mais évoquent-elles vraiment "un ascétisme rigoureux" ? La pratique publique de la masturbation suggère moins l'ascèse que le respect d'une tradition sinon fondée, du moins illustrée par Diogène de Sinope.
Lucien, reprenant un concept stoïcien, qualifie l'attouchement en question d'indifférent.
J'ai l'idée que les cyniques peuvent aussi bien la condamner quand il l'identifie non au plus court chemin pour satisfaire un besoin mais à l'expression du relâchement. Ils paraissent en effet avoir moins jugé l'action en elle-même que l'intention qui la commande, cette dernière sauvant les pires actions et condamnant les meilleures (pires et meilleures étant entendus ici du point de vue des évaluations ordinaires).
Revenons à la masturbation: associée au plaisir, elle est nécessairement condamnée par les cyniques. Vue comme une forme d'indépendance et d'économie des dépenses, elle va dans la même direction que la consommation du cru, le tonneau comme logement etc.
Quant au traitement du visage et de la tête (que veut dire "à moitié rasée" ? On peut l'entendre de deux manières...), il correspond en tout cas moins à l'image qu'on se fait de l'ascèse qu'à quelque chose comme un ensauvagement très artificiel de l'apparence. En somme il s'agit moins de mettre le corps au pas que d'en faire le porteur ostentatoire des valeurs de l'esprit.
Restent les fessées dont le sens ne doit pas tromper: elles ne servent qu'à entraîner celui qui les subit à supporter la douleur. Doit-on en plus aller jusqu'à identifier l'endroit choisi à l'envers de la haine que les Cyniques éprouvent pour l'inversion ?
Restent les fessées dont le sens ne doit pas tromper: elles ne servent qu'à entraîner celui qui les subit à supporter la douleur. Doit-on en plus aller jusqu'à identifier l'endroit choisi à l'envers de la haine que les Cyniques éprouvent pour l'inversion ?
Pour finir, un autre passage consacré par Lucien de Samosate à Agathoboulos:
" Démonax était né dans l'île de Chypre, d'une famille distinguée par le rang qu'elle occupait et par ses richesses. Supérieur toutefois à ces avantages, et se sentant entraîné vers les hautes régions du bien, il s'appliqua à la philosophie, sans y être poussé par Agathobule, par son devancier Démétrius ou par Épictète. Il vivait dans leur commerce, et suivait de plus les leçons de Timocrate d'Héraclée, homme éclairé, plein de savoir et d'éloquence. Mais, ainsi que je l'ai dit, ce ne furent pas ces maîtres qui l'appelèrent à l'étude de la sagesse. Il y fut conduit, dès son enfance, par un penchant naturel vers la vertu et par un amour inné de la philosophie." (3 trad. Talbot)
Agathoboulos exemplifie ici une étrange figure: celle d'un maître qui ne forme pas de disciple, non par impuissance mais à cause de la maîtrise naturelle du disciple virtuel, Démonax représentant quelque chose comme "le philosophe par création spontanée".
Commentaires
Agathoboulos is to us little more than a name, but there is evidence that he was a person of importance in bis own day. Eusebius names him with Plutarch, Sextus, and Oenomaus as the most notable philosophers flourishing about A.D. 120; 1 and that he was one of the most prominent Cynics is to be inferred from the fact that he' taught ' both Demonax I and Peregrinus. N othing more can be said about his life except that it extended beyond A.D. 155, the date of Peregrinus' visit.8 He practised Cynicism in its most ascetic form, laying particular stress on its squalor,4 on the public exhibition of , à'JIa{~eta (mot grec = sans honte)and of the endurance of pain.l These austerities however, were not the sole activity of the Cynics of Alexandria ln the Oration to the Alexandrians Dio Chrysostom 2 speak: of them as being a bad influence on the populace, and suggesti that their speeches inflamed the excitable temper of the cit~ mob and so helped to cause the frequent riots which brokj out in Alexandria, a notable example of which had occurre( just before his visit in A.D. 105. Rostovtseff 3 gives the bes explanation of the peculiar turbulence of Alexandrian politici throughout the early Empire j according to him, the usua social struggle between rich and poor was complicated by ar anti-Roman feeling, and since the Roman government sup. ported the richer classes, the outbreaks of the city mob, thougl they might take the form of J ewish pogroms, were reall~ demonstrations against the Roman authority. Nor is docu. mentary evidence lacking to show that the Cynics encourage( the anti-Roman feeling of the Alexandrian lower classes That curious document known as the' Acts of the Heather Martyrs " though a compilation of the age of Commodus contains, according to Rostovtseff , much material of an earliei date. He points out how its whole tone is anti-Roman, an( also how Cynic influence is to be seen in the denunciation o tyrants. Now immediately after his stay with Agathoboulo: Peregrinus went to Rome and began to abuse the Emperor and afterwards stirred up anti-Roman feeling to the point o armed rebellion in Achaea. AlI indications point in the samc direction-that Agathoboulos was the most prominent of thesc Alexandrian Cynics who throughout the second century werc notorious for their anti-Roman attitude and for their influencc on the city mob.4
Vide Dem., I.
Note 3 : Perhaps he came from Rhodes, and was the. famous Rhodian , from whom Demetrius of Sunium learned the Cynic philosophy (8ee Lucian, Toxaris). I agree with Zeller that Demetrius of Sunium can hardly be identical with the famous Cynic of the first century A.D. Zeller's reason for doubt on this point is the uncertainty of the Toxaris belonging to the Lucianic corpus. More recently the editors of Lucian have been inclined to regard it as genuine, but there are other reasons for doubt about Demetrius of Sunium. The name Demetrius is a particularly common one, nearly one hundred persona of that name are listed in Pauly- Wissowa. Moreover, we nowhere hear of the first-century Demetrius as going to Egypt, atiU les8 to India, as Demetrius of Sunium is said to have done. Con- nexion with the Brachmani of India was a feature of the Cynicism of Peregrinus and Theagenes ; if Demetrius of Sunium was a pupil of Agathoboulos, he may weIl have been their link with the Eastern sages. We know of no. famous ' Cynic, Rhodian or otherwiae, from whom the first-century Demetrius could have leamed the philosophy. The most satisfactory inference is that Demetrius of Sunium ia not the same person as the friend of Seneca, but lived considerably later and was the pupil of Agathoboulos.
, 1.~'OlAtvo, ~è n17),Cp TO n~o(7Wnov, Luc., vit. Per., 17. -
2 D.C., Or. 33 (657 R).
3.Social and Economic History of the Roman Empire, $.v. Alexandria .A revoIt broke out in Egypt short I y before the visit of Peregrinus
probably in 153. But since it was in Upper Egypt it is hardly likelJ that the Cynics of Alexandria can have been directly involved.