Garcia et Villalobos (2008) ne le mentionnent même pas...
Néanmoins Marie-Odile Goulet-Cazé lui consacre la notice suivante dans le Dictionnaire des philosophes antiques (1994):
Néanmoins Marie-Odile Goulet-Cazé lui consacre la notice suivante dans le Dictionnaire des philosophes antiques (1994):
" On croit reconnaître un cynique dans le personnage, inconnu par ailleurs, qu'évoque Horace dans sa Satire II, 2, v.55-62. Cet Avidienus, "à qui s'attache le surnom bien mérité de Chien" mène une vie des plus sordide, qu'Horace se plaît à décrire avec des détails concrets de la vie quotidienne: il mange des olives vieillies de cinq ans, boit du vin tourné et cuisine avec de l'huile rance et du vieux vinaigre..." (p.688)
Dans son Ascèse cynique (1986), Goulet-Cazé le classait dans les cyniques dont l'existence historique est attestée.
Voyons d'abord les vers d'Horace (il vient de longuement dénoncer celui qui ne recherche que les nourritures rares et chères, c'est le loup de la fin du passage)
Voyons d'abord les vers d'Horace (il vient de longuement dénoncer celui qui ne recherche que les nourritures rares et chères, c'est le loup de la fin du passage)
" Avidiénus, à qui le surnom de Chien a été si bien donné, se nourrit d'olives de cinq ans et de cornouilles sauvages. Il ne met point son vin en perce avant qu'il soit tourné; et, un lendemain de noces, un jour natal, ou pour toute autre fête qu'il célèbre vêtu de blanc, il laisse couler lui-même, sur des choux, goutte à goutte, d'une corne qui en contient deux livres, une huile dont tu ne pourrais supporter l'odeur, mais non pas avare de vinaigre vieux. De quel régime usera donc le sage? qui imitera-t-il des deux? Ici menace le loup, là le chien, comme on dit. "
C'est la traduction que Leconte de Lisle a donnée de:
"(...) Auidienus,
cui Canis ex uero dictum cognomen adhaeret,
quinquennis oleas est et siluestria corna
ac nisi mutatum parcit defundere uinum et
cuius odorem olei nequeas perferre, licebit
cui Canis ex uero dictum cognomen adhaeret,
quinquennis oleas est et siluestria corna
ac nisi mutatum parcit defundere uinum et
cuius odorem olei nequeas perferre, licebit
ille repotia, natalis aliosue dierum
festos albatus celebret, cornu ipse bilibri
caulibus instillat, ueteris non parcus aceti.
quali igitur uictu sapiens utetur et horum
utrum imitabitur? hac urget lupus, hac canis, aiunt."
festos albatus celebret, cornu ipse bilibri
caulibus instillat, ueteris non parcus aceti.
quali igitur uictu sapiens utetur et horum
utrum imitabitur? hac urget lupus, hac canis, aiunt."
Dommage que Montaigne, qui aimait et citait tant Horace, n'ait pas fait un sort à cet obscur cynique...
A mes yeux, Avidienus exemplifie davantage l'avarice pathologique que le cynisme mais d'un côté c'est normal qu'Horace à la sensiblité plutôt épicurienne - au sens large - peigne le mode de vie d'un adversaire philosophique sous les traits d'un défaut. Et puis y a-t-il vraiment des conduites qui exemplifient le cynisme ? Ne serait-ce pas plutôt des raisons ?
Ce qui fera l'unité d'un cynique se comportant comme un dépensier ou comme un avare ou en suivant le juste milieu, ce sera la justification. Alors que pourrait-on mettre dans la bouche d'Avedienus ?
A mes yeux, Avidienus exemplifie davantage l'avarice pathologique que le cynisme mais d'un côté c'est normal qu'Horace à la sensiblité plutôt épicurienne - au sens large - peigne le mode de vie d'un adversaire philosophique sous les traits d'un défaut. Et puis y a-t-il vraiment des conduites qui exemplifient le cynisme ? Ne serait-ce pas plutôt des raisons ?
Ce qui fera l'unité d'un cynique se comportant comme un dépensier ou comme un avare ou en suivant le juste milieu, ce sera la justification. Alors que pourrait-on mettre dans la bouche d'Avedienus ?
"Olives pourries, huile rance, qu'importe ! Je ne me nourris ni pour le plaisir ni pour vous faire envie ! Si seulement chacun d'entre vous pouvait se contenter de ce que mangent les chiens errants !"
Petite question érudite: qu'est-ce qui permet à Marie-Odile Goulet-Cazé d'assurer qu'Avidienus n'est pas une fiction ? Si on ne dispose d'aucune source ? Serait-ce qu' Horace a comme habitude de ne mentionner que des personnes réelles ? Aïe, là encore, je n'en sais pas assez...
Commentaires
2/ Quels sont les critères permettant de le classer parmi les philosophes cyniques ?
a/ Premier critère utilisé la fréquentation d’un maître cynique. Athénodore, comme vous le remarquez pourrait être classé parmi eux. C’est aussi le cas de Bétion par exemple ou d’Androsthène et son frère.
Une entorse : sans que la relation maître-disciple soit prouvée, Anaximène est classé dans le répertoire.
Personnellement je remettrais en cause tous les personnages de Lucien. Je ne suis pas le seul. Il existe une étude en ce qui concerne Démonax (voir le dico des philosophes antiques)
Proclus, Commentaire sur le Parménide suivi de la vie d’Isidore (Damascius) et de la souda.
§89. Salluste qui appartenait à la secte Cynique, ne marchait pas dans les voies ordinaires de la philosophie, mais dans une voie qu’il avait comme creusée lui-même et dirigée vers la critique, poussée jusqu’aux plus violentes injures, mais aussi et surtout vers l’effort laborieux qu’exige la vertu. Il portait rarement des chaussures, et celles qu’il portait étaient des Iphicrates attiques, ou des sandales vulgaires. Pendant sa longue vie, il ne laissa jamais voir d’infirmités corporelles, ni de souffrances de l’âme ; mais comme dit le proverbe, il supportait le régime ascétique en dressant le cou.
§92. Il dit que Salluste, rien qu’à regarder les yeux de ceux qu’il rencontrait, prédisait chaque fois à chacun d’eux la mort violente qui les menaçait. Il ne pouvait pas expliquer lui-même la cause de cette science divinatoire : cependant quand on l’interrogeait à ce sujet, il l’expliquait par un certain état sombre des yeux, remplis d’une humeur qui les couvrait comme d’un brouillard, comme celui qui se répand dans les grandes douleurs, sur les pupilles mêmes.
§250. Salluste ne porta plus son esprit vers les affaires judiciaires, mais se donna à la vie sophistique. Il avait appris par cœur toutes les harangues politiques de Démosthène. Il avait un beau talent de parole, mais il n’imitait pas les sophistes modernes ; il voulait plutôt rivaliser avec la force négligée du style archaïque, et il est certain qu’il a écrit des discours qui ne sont pas sensiblement inférieurs à ces écrivains.
§251. Il parcourut la terre entière, pour ainsi dire nu-pieds.
La souda
Salluste vint d’Athènes à Alexandrie avec Isidore, le philosophe. Sa façon d’être était contraire à tous les hommes ; car sa philosophie consistait d’une part à s’endurcir aux maux, de l’autre de se moquer et à railler, au-delà, à mon sens, des bornes convenables. Sa vie mérite autant que celle d’aucun autre philosophe, qu’on la connaisse. Du côté de son père, Salluste était originaire de Syrie ; du côté de sa mère, il était d’Emèse sur l’Oronte (capitale de la Syrie où se trouvait le grand temple du soleil, dont Hélagabal voulut être le Grand prêtre) où Alexandre Sévère était né, et où Aurélien en 273 battit Zénobie. Son père s’appelait Basilidès, sa mère Théoclia. Son esprit était également bien doué pour tous les genres d’études ; ses mœurs étaient austères, son âme était avide de gloire. Il se dirigea d’abord du côté des fonctions judiciaires alors fort recherchées, et étudia l’éloquence sous le sophiste Eunoios qui était alors à Emèse. Plus tard il quitta le barreau, s’adonna à la vie sophistique, et les écrits et discours qu’il composa dans ce genre ne firent pas moins admirer son génie naturel que l’art laborieux du talent. Il savait par cœur les harangues politiques de Démosthène. Outre cela, il avait un beau talent de parole ; il n’imitait pas les sophistes modernes, mais sous le rapport du style, rivalisait avec les formes négligées et austères des anciens : et cependant ses œuvres écrites ne sont pas inférieure aux leurs. (…) Salluste qui avait déjà fait de grands progrès dans l’art, voyant qu’Eunoios n’était pas en état de le mener plus loin, il s’en alla à Alexandrie pour essayer des maîtres alexandrins.
Salluste : philosophe. Il disait qu’il était non seulement difficile, mais encore impossible d’être philosophe. Ayant entendu ce propos, j’en éprouvé une véritable indignation ; car il n’est ni vrai ni digne d’être exprimé. Mais pour exprimer mon sentiment, Salluste, voulait dire autre chose ; car il n’attaquait pas distinction ni réserve les malhonnêtes gens, comme Héraclite se plaisait à poursuivre de ses railleries mordantes la tourbe humaine, s’en prenant à toutes les erreurs, de quelque nature qu’elles fussent, et saisissant toutes les occasions pour réfuter et tourner en ridicule chaque individu. Salluste au contraire le prenait parfois sur un ton sérieux et grave. Mais le plus souvent il préférait le tour plaisant, aimait les mots et les saillies satiriques. Car il avait beaucoup d’esprit, un esprit très alerte et très prompt, enfin un vrai génie satirique. Il tenait de famille, cette grâce dans l’art de plaisanter, mais il la possédait aussi par une qualité toute personnelle. Car celui qui a nommé la cinquième vertu, l’opinion vrai à l’égard des Dieux, et qui soutenait qu’elle se trouve parfois chez les plus malhonnêtes gens, c’est Salluste. Les étrangers, tout en louant ses autres qualités, ne trouvaient à lui reprocher qu’une seule chose, à savoir qu’il ne partageait pas, sur les Dieux, les sentiments de la plupart des hommes ; à quoi il répondait : laissez-moi ce défaut en l’honneur et pour la défense de Némésis. Ayant rencontré Pamprépius, qui jouissait déjà de toute la puissance de son talent, celui-ci, voulant faire le bel esprit, lui dit : qu’est-ce que les Dieux ont à se soucier des hommes ? A quoi l’autre répondit : qui ne sait que je n’ai jamais été Dieu, ni toi jamais homme ? Voilà en ce qui concerne Salluste. Sa philosophie était la philosophie cynique.
Mais Salluste a détourné les jeunes hommes de la philosophie, pour l'une ou l'autre de ces deux raisons : soit parce qu'ils s'opposent aux professeurs, en tramant contre eux, avec haine, à travers les diatribes philosophiques, soit parce que, en considérant la grandeur de la conquête, il finissent par considérer tous les hommes indignes de la philosophie.
Bien sûr ce sont les deux derniers paragraphes du dernier texte qui retiennent mon attention.
Précisément les deux raisons justifiant le "détournement de disciple". La première invoque donc la haine et la seconde, semble-t-il, le mépris: haine des professeurs (identifiés à des rivaux ?) et mépris du genre humain (trop médiocre pour accéder à la vérité philosophique ?).
Il me semble y avoir une certaine ressemblance avec les raisons que Platon donne dans La République pour ne pas enseigner aux jeunes gens la philosophie (elle servirait juste à détruire les opinions communes et à justifier les passions ardentes). Certes la raison donnée par Platon est distincte mais dans les deux cas on insiste sur les effets moraux négatifs de la philosophie.
Ce qu'on ne sait pas, c'est si dans l'argumentation de Salluste ces effets sont des effets de la philosophie (autant cynique que néo-platonicienne par exemple) ou des effets de la philosophie cynique. J'ai l'impression que le cynique adopte un point de vue méta-cynique et dénonce les mauvais effets de l'enseignement cynique (en effet la diatribe n'est-elle pas un genre cynique ?). A lire ce texte cependant, on ne sait pas si l'arrêt de la philosophie est un retour à la case départ (l'homme ordinaire avant l'actualisation de ses potentialités - mais quelqu'un qui a ces potentialités est-il un homme ordinaire ?-) ou si c'est un meilleur accès à la case arrivée (le seul accès si la pratique de la philosophie entraînait inévitablement le développement de ces mauvaises passions ?). Autrement dit le cynisme ayant été défini comme un accès court à la vertu, y aurait-il un accès hypercourt justifié par la connaissance des limites de l'accès court ? Mais serait-ce alors une philosophie sans théorie ni pratique déterminées ? Quelle différence y a-t-il alors entre cette dernière et l'absence disons naïve de philosophie ?