On connaît Socrate, disant au Livre VII de La République :
" Je pense en effet que tu t'es rendu compte que les très jeunes gens, lorsqu'ils goûtent pour la première fois aux dialogues argumentés, en font mauvais usage, comme s'il s'agissait de jeux d'enfants. Ils y recourent sans cesse dans le seul but de contredire et, en imitant ceux qui les réfutent, ils en réfutent eux-mêmes d'autres, se réjouissant comme de jeunes chiens à tirer et à mettre en pièces par la parole ceux qui se trouvent dans leur entourage.
- Oui, dit-il, ils en raffolent.
- Dès lors, lorsqu'ils ont eux-mêmes réfuté beaucoup de gens, et lorsqu'ils ont été réfutés par plusieurs, ils basculent avec une brutale rapidité dans le scepticisme à l'endroit de ce qu'ils croyaient auparavant. Et compte tenu de cela, justement, ils deviennent eux-mêmes, comme tout ce qui touche à l'exercice de la philosophie, objets de mépris de la part de tous les autres." (539 bc, édition Brisson, pp. 1705-06)
Qui enseigne du Nietzsche à de jeunes esprits donne raison à Platon sur ce point. Mais Nietzsche lui-même fait écho à Platon en écrivant dans Le Gai Savoir (I,28) à propos de la transmission de ce que certains ont de meilleur :
" (...) justement avec ce qu'ils ont de meilleur, avec ce qu'eux seuls savent faire, ils ruinent beaucoup d'êtres faibles, incertains, qui sont encore dans le devenir et le vouloir - et c'est par cela qu'ils sont nuisibles. Le cas peut même se présenter où, somme toute, ils ne font que nuire, puisque ce qu'ils ont de meilleur n'est absorbé, en quelque sorte dégusté, que par ceux qui y perdent leur raison et leur ambition, comme sous l'influence d'une boisson forte : ils sont mis dans un tel état d'ivresse que leurs membres se briseront sur tous les faux chemins où les conduira leur ivresse." (édition Lacoste et Le Rider, pp. 72-73)
La philosophie qui n'enivre pas ennuie, celle qui enivre nuit : où est la solution ?