Je l'ai déjà évoqué, les stoïciens tenaient les chrétiens pour des fous furieux. Philippe Buc dans Guerre sainte, martyre et terreur. Les formes chrétiennes de la violence en Occident (2015) explique que Flavius Josèphe au 1er siècle dans sa Guerre des Juifs introduit, le premier, le personnage du "terroriste fou" (p.177, Gallimard, 2017) pour qualifier les juifs rebelles et hostiles au pouvoir romain. À ses yeux, les stoïciens ont repris cette figure pour qualifier les chrétiens :
" Due à Josephe, l'interprétation de la résistance à Rome comme folie trouve un écho dans des sources de peu postérieures, présentant le christianisme et ses martyrs. La victoire finale de la nouvelle religion explique que la documentation historique soit plus abondante en témoignages favorables, issus du christianisme , qu'en traces livrant le point de vue du paganisme gréco-romain. L'empereur stoïcien Marc Aurèle voyait les martyrs chrétiens comme le contraire de l' apatheia stoïcienne ; à la différence du sectaire, le sage était atragodos ; il évitait les postures tragiques - ce par quoi l'empereur entendait probablement l'opposition ostentatoire au pouvoir et (c'est une hypothèse) la passion excessive ou la folie. Épictète voyait dans les chrétiens un exemple propre à faire honte au sage et à l'exhorter au courage face aux tyrans. En ce cas, paradoxalement, la frénésie religieuse permettait de contrôler au moins une passion : si les Galiléens, écrivait Épcitète, ainsi transformés par la "manie" (hupo mania) ou par l' " habitude " (hupo ethous), peuvent résister à la peur quand ils affrontent un tyran, les philosophes le devraient d'autant plus en se fondant sur leur raison." (ibid., p.187)
Les chrétiens se sont vengés en faisant du Manuel d'Épictète un manuel pour les moines...
Commentaires
Les stoïciens n'ont pas condamné la guerre, pas plus que les chrétiens qui ont fait l'éloge de la paix et de la guerre (juste) - Philippe Buc est très instructif sur ce sujet, le côté sombre du christianisme.
Il est aussi intéressant de voir comment les Pères de l'Église ont fait leur marché dans la pensée stoïcienne. Le dernier Foucault l’a encore bien montré.
Sur la question du terrorisme, on ne peut qu'envier la sagesse des Stoïciens. Ils ne se posaient pas la question du partage entre terrorisme acceptable et terrorisme inacceptable, et celle de la frontière impossible à faire passer entre eux. Les Stoïciens ne faisaient pas de politique.