« Il disait que la mort ne diffère en rien de la vie. « Et toi donc, dit quelqu’un, pourquoi ne meurs-tu pas ? » « Parce que ça ne fait aucune différence », dit-il » (I, 35)
Pour Montaigne, cet enseignement, Thalès l’a appris de la Nature elle-même qu’il fait parler ainsi :
« J’appris à Thalès, le premier de voz sages, que le vivre et le mourir était indifférent ; par où, à celuy qui lui demanda pourquoi donc il ne mourait, il répondit très sagement : « Par ce qu’il est indifférent. » (Essais, I, XXIV, Que philosopher, c’est apprendre à mourir)
Ce n’est pas, avant la lettre, la doctrine stoïcienne des indifférents. Pour n’importe quel philosophe du Portique, il y a bel et bien une différence entre passer de vie à trépas : c’est sortir de la scène, une fois le rôle joué.
« Certains disent que ce fut lui également qui le premier prétendit que les âmes étaient immortelles. » (24)
Ce qui éclaire l’indifférence : cela reviendrait en somme à dire que l’âme ne meurt pas à la mort. Mais la réponse que fait Thalès à cet interlocuteur qui veut le prendre en flagrant délit de contradiction met aussi en relief que la vie n’est pas dure à vivre et donc qu’il ne faut pas hâter la mort. Ce n’est pas le climat du Phédon de Platon, où, si le suicide est interdit, la mort est espérée comme délivrance de l’âme et garantie d’une plus complète contemplation du Vrai. J’imagine qu’il associait à l’âme le mouvement du corps :
« Aristote et Hippias disent qu’il attribuait des âmes même aux êtres inanimés, prenant comme indice la pierre magnétique et l’ambre. » (24)
Mais ni Diogène ni aucune autre source ne rapportent quoi que ce soit d’autre sur l’âme vue par Thalès. Je resterai donc sur ma faim.