Francis Wolff a publié en 2007 une Philosophie de la corrida. Dans ce livre incontestablement brillant, il se propose de "faire d'un objet d'amour un objet de pensée" (p.9).
Dans le chapitre III "Être torero", il souligne longuement l'identité de l'éthique du torero et de celle du stoïcien:
" C'est une éthique de l'ascèse (par opposition aux morales du bien-être), c'est une éthique de l'être (par opposition aux morales de l'action), c'est une éthique de l'individu d'exception, sage ou héros (par opposition aux morales communes), c'est une éthique internaliste de l'identification à son office - son costume si l'on veut -, par opposition aux morales de l'obéissance à des commandements extérieurs. C'est une éthique de la mise en scène de son propre détachement vis-à-vis de l'accidentalité et de la mort (par opposition aux morales de l'authenticité). C'est une éthique de la liberté par le combat - contre soi et le monde, contre la vie et la mort -, par opposition à la liberté d'agir à sa guise. On voit que tous ces éléments forment bien un échafaudage proche du système stoïcien, plus particulièrement dans sa version romaine, telle qu'on la trouve formulée au mieux chez Épictète, l'esclave maître des empereurs." (p.168-169)
Je ne veux pas aujourd'hui porter de jugement sur un tel rapprochement, juste rappeler un texte que Wolff ne mentionne pas mais qui, 125 ans avant son apologie de la corrida, compare déjà les stoïciens à des toreros. Il s'agit du fragment 122 du troisième livre du Gai savoir auquel j'avais consacré le billet du 12 Février 2008.
La différence entre Wolff et Nietzsche est nette: Nietzsche rabaisse le stoïcien en l'identifiant au torero alors que Wolff élève le torero en le comparant au stoïcien.