" C'est vraiment très curieux, continua-t-il d'une voix sombre et monotone, cette question du mal... ce que c'est, où ça se trouve, si c'est une réalité ou simplement une fiction de l'esprit. Si c'est une maladie comme le cancer, quelque chose qu'on peut arracher, détruire, le spécialiste du cerveau jouant le rôle du chirurgien, ou si c'est quelque chose d'incurable, sur lequel il faut mettre le pied comme sur une puce transmetteuse de peste bubonique, détruisant à la fois la maladie et la porteuse. Autrefois, il n'y a pas si longtemps, - vous avez fait votre droit, vous savez cela aussi bien que moi - on aurait pendu un gosse de dix ans pour avoir volé deux sous de bonbons. Dans l'aimable Angleterre, en France aussi. C'était la théorie de la peste, je suppose. Mettez le pied sur le mal. Écrasez-le. Maintenant, le gosse vadrouille dans les rues - il n' a même plus dix ans, il en a vingt, plus vraisemblablement, et il sait foutre bien ce qu'il fait - et il commet un crime sauvage, dénué de sens, un meurtre peut-être, et on le considère comme un malade, et on appelle le psychiatre, d'après la théorie que le mal est... eh bien, disons un habitant temporaire du cerveau, pas autre chose. Et les deux théories sont aussi nocives que le mal qu'elles prétendent détruire et guérir. Du moins, c'est à ces conclusions que je suis arrivé. Et cependant, je en vois pas quel pourrait être la bonne solution possible entre les deux." ( William Styron, La proie des flammes 1960, trad. Coindreau, p.229-230, Folio)
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