Jocelyn Benoist écrit dans Concepts. Introduction à l'analyse (Cerf 2010):
" La philosophie ne maîtrise, en règle générale, qu'une sphère assez limitée de concepts. Ordinairement, il s'agit de ceux du sens commun enrichis de quelques concepts qu'elle tient pour "techniques", qu'elle emprunte, en général dans une version simplifiée et déformée, à des disciplines ou savoirs de référence, plus ses propres concepts techniques qui, pour ne pas être toujours inutiles, sont souvent suspects. Il arrive aussi souvent qu'elle se prive de bon nombre des concepts du sens commun, qu'elle les adultère ou leur fasse porter le poids d'interprétations extravagantes. Cela ne signifie pas alors forcément qu'elle leur substitue d'autres concepts qu'elle serait capable de produire par elle-même. Trop souvent on l'a vue offrir en lieu et place de ces concepts de sens commun, dont nous ne savons pas trop ce qu'ils sont, mais dont, bon an mal an, nous disposons, de purs non-sens, et bien des concepts philosophiques proclamés sont en fait des pseudo-concepts dont, avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de comprendre ce qu'il faudrait penser par eux - comme si la pensée s'y était échappée et qu'ils n'avaient pas été pensés jusqu'au bout, exemptés de leur cohérence et/ou de leurs conditions d'application. Il se trouve, de ce point de vue, somme toute plutôt moins de vrais concepts dans la philosophie que dans d'autres disciplines ou que dans des modes de pensée plus ordinaires. Nous parlons cependant, bien sûr, de la mauvaise philosophie." (p.21)