Suite à quelques réactions au précédent billet, je juge bon d'apporter les clarifications suivantes.
Mon intention était alors moins de rendre justice à Pierre Hadot, si célèbre déjà, que de faire connaître Gabriel Germain, oublié injustement peut-être.
J' ai découvert cet auteur grâce à une note de Victor Goldschmidt dans Le système stoïcien et l'idée de temps. P. 241, Victor Goldschmidt mentionne " cette belle étude, aussi compréhensive que personnelle que G.Germain a consacrée à Épictète et la spiritualité stoïcienne."
La lisant, je confirme sa valeur, pénétrante et originale, pionnière peut-être.
Au départ, je voulais intituler mon billet d'hier "Élément de généalogie d'une pensée" et j'ai changé d'avis, tant j'avais conscience de la modestie de l' apport !
Ce qui est surprenant en tout cas, est de ne trouver mention de Gabriel Germain dans aucun des index de noms propres des ouvrages suivants de Pierre Hadot : Qu'est-ce que la philosophie antique ? , Introduction aux "Pensées" de Marc-Aurèle et Études de philosophie antique. Pas plus de mention de son ouvrage dans la bibliographie des Exercices spirituels et philosophie antique. Plus étonnant encore : aucune mention de Gabriel Germain dans la bibliographie accompagnant l'édition de sa traduction du Manuel (2000) (en revanche Pierre Hadot y mentionne l'oeuvre de Th. Collardeau Étude sur Épictète (1903) que Germain mentionnait aussi en 1964). C'est moins étonnant de ne trouver le nom de G.Germain ni dans Le voile d'Isis, ni dans N'oublie pas de vivre.
Certes cela ne veut pas dire que Pierre Hadot ne s'y est jamais référé (je ne connais pas assez bien ses oeuvres pour l'assurer) mais je pense qu'on peut en conclure a minima que ce n'est pas une référence centrale pour lui.
Mon intention était alors moins de rendre justice à Pierre Hadot, si célèbre déjà, que de faire connaître Gabriel Germain, oublié injustement peut-être.
J' ai découvert cet auteur grâce à une note de Victor Goldschmidt dans Le système stoïcien et l'idée de temps. P. 241, Victor Goldschmidt mentionne " cette belle étude, aussi compréhensive que personnelle que G.Germain a consacrée à Épictète et la spiritualité stoïcienne."
La lisant, je confirme sa valeur, pénétrante et originale, pionnière peut-être.
Au départ, je voulais intituler mon billet d'hier "Élément de généalogie d'une pensée" et j'ai changé d'avis, tant j'avais conscience de la modestie de l' apport !
Ce qui est surprenant en tout cas, est de ne trouver mention de Gabriel Germain dans aucun des index de noms propres des ouvrages suivants de Pierre Hadot : Qu'est-ce que la philosophie antique ? , Introduction aux "Pensées" de Marc-Aurèle et Études de philosophie antique. Pas plus de mention de son ouvrage dans la bibliographie des Exercices spirituels et philosophie antique. Plus étonnant encore : aucune mention de Gabriel Germain dans la bibliographie accompagnant l'édition de sa traduction du Manuel (2000) (en revanche Pierre Hadot y mentionne l'oeuvre de Th. Collardeau Étude sur Épictète (1903) que Germain mentionnait aussi en 1964). C'est moins étonnant de ne trouver le nom de G.Germain ni dans Le voile d'Isis, ni dans N'oublie pas de vivre.
Certes cela ne veut pas dire que Pierre Hadot ne s'y est jamais référé (je ne connais pas assez bien ses oeuvres pour l'assurer) mais je pense qu'on peut en conclure a minima que ce n'est pas une référence centrale pour lui.
Concernant la relation entre théorie et pratique dans le stoïcisme, d'après les textes dont nous disposons, deux positions me semblent bien défendables (on m'excusera de ne pas mobiliser dans ce bref billet les textes venant à l'appui) :
1) le stoïcisme est un système dont la théorie (physique, logique, morale) justifie une mise en pratique d'elle-même. 2) sont condamnables dans le cadre du système stoïcien autant une théorie sans mise en pratique qu'une pratique aveugle. La vie éthique est fondée sur une connaissance vraie du réel et une connaissance vraie du réel engage à une vie éthique.
À ma connaissance, ce que j'ai lu de Pierre Hadot est fidèle à ces deux positions (et il m'a sans doute aidé à les formuler !) : c'est parce que le stoïcisme est vrai qu'il mérite d'être vécu (et non pas pragmatiquement "c'est parce qu'il rend service pratiquement qu'on va le tenir pour vrai").
Cette solidarité entre la théorie et la pratique fait bien sûr courir un risque à la pratique s'il se trouve que la théorie est théoriquement affaiblie, pire réfutée.
Reste que, par son insistance sur la pratique (le retour à la pratique !), Pierre Hadot a popularisé, vulgarisé, contre son gré peut-être, l'idée de la valeur essentiellement pratique de la philosophique (ce que des philosophes comme Pascal Engel ont contesté de manière justifiée).
1) le stoïcisme est un système dont la théorie (physique, logique, morale) justifie une mise en pratique d'elle-même. 2) sont condamnables dans le cadre du système stoïcien autant une théorie sans mise en pratique qu'une pratique aveugle. La vie éthique est fondée sur une connaissance vraie du réel et une connaissance vraie du réel engage à une vie éthique.
À ma connaissance, ce que j'ai lu de Pierre Hadot est fidèle à ces deux positions (et il m'a sans doute aidé à les formuler !) : c'est parce que le stoïcisme est vrai qu'il mérite d'être vécu (et non pas pragmatiquement "c'est parce qu'il rend service pratiquement qu'on va le tenir pour vrai").
Cette solidarité entre la théorie et la pratique fait bien sûr courir un risque à la pratique s'il se trouve que la théorie est théoriquement affaiblie, pire réfutée.
Reste que, par son insistance sur la pratique (le retour à la pratique !), Pierre Hadot a popularisé, vulgarisé, contre son gré peut-être, l'idée de la valeur essentiellement pratique de la philosophique (ce que des philosophes comme Pascal Engel ont contesté de manière justifiée).
Si maintenant je me centre sur la personne de Pierre Hadot , telle que je l'ai découverte dans ses entretiens avec Carlier et Davidson - et non plus sur ses oeuvres savantes -, je dois avouer avoir eu l'impression que l'importance donnée par Pierre Hadot à la vie stoïcienne (et pas seulement à la pensée stoïcienne) était dans la continuité de sa vie religieuse passée (à noter aussi que dans ce texte autobiographique. aucune mention n'est faite non plus de Gabriel Germain. D'où cette question : Pierre Hadot avait-il lu l'Épictète de Gabriel Germain ? Si c'est le cas, l'a-t-il considéré comme quantité négligeable ? Ce serait à mes yeux injuste).
Ceci dit, il va de soi qu'éclairer le contexte de découverte (c'est dans le cadre d'une pratique catholique que Pierre Hadot découvre le stoïcisme) n'éclaire pas le contexte de justification, pour reprendre la distinction de Hans Reichenbach. En effet les conditions de justification d'une thèse, ses raisons, ne sont pas identiques aux causes de sa découverte.
Commentaires
Félicitations et longue vie !..
Ceux qui y voient des billevesées pensent-ils comme Hadot et Foucault ?
Quant à Foucault, j'espère qu'il n'était pas foucaldien et que Hadot n'était pas hadiste ; je crois même qu'on peut trouver dans certains de leurs textes des passages anti-foucaldiens et anti-hadistes.
J'ai aimé par exemple lire Le courage de la vérité de Foucault sur le cynisme car j'ai eu l'impression que par endroits il cherchait à connaître le vérité (au sens ordinaire) sur le cynisme et qu'il éclairait en tout cas le chercheur.
Il ne faut pas que les mauvais disciples et leur intempérance théorique empêchent de chercher dans les maîtres ce qu'ils ont pu apporter de mieux.
C'est sûr que si on veut penser comme Foucault ou comme Hadot ou comme n'importe qui , aussi prestigieux qu'il soit, on est mal parti. On doit juste essayer de penser le mieux possible en respectant la vérité.
Quant aux auteurs Hadot ou Foucault , aussi subtils soient ils - subtils, forcément subtils - disent ils oui ou non que le but principal de la philosophie grecque n'est pas de parvenir à une connaissance théorique du monde, mais que la visée de cette philosophe a toujours été une sagesse pratique, celle du souci de soi, via des exercices spirituels ? Si c'est un simplification, alors il faut conclure que ce sont des auteurs simplistes.
Concernant la philosophie grecque, sa visée est la connaissance théorique du monde et grâce à cette connaissance qu'on peut appeler scientifique, de manière un peu anachronique, elle est en même temps de permettre d'accéder à une vie meilleure. En restant dans l'anachronisme, on pourrait parler de morale scientifique !
Si je lis pour aller vite la quatrième de couverture de Qu'est-ce que la philosophie antique ?, j'apprends que "la philosophie procède toujours d'un choix initial pour un mode de vie, d'une vision globale de l'univers, d'une décision volontaire de vivre le monde avec d'autres, en communauté ou en école". Hadot ajoute : " de cette conversion de l'individu découle le discours philosophique qui dira l'option d'existence comme la représentation du monde."
Un tel texte subordonne la théorie au rang de justification a posteriori (rationalisation ?) d'un choix existentiel (de type sartrien ?) qui en l'absence de bonnes raisons théoriques a quelque chose d'irrationnel.
Si on appelle hadiste une telle position, elle me paraît en effet non conforme à la philosophie grecque qui est une recherche de connaissance de la vérité en vue de vivre en accord avec celle-ci.
La position hadiste en question ne me paraît pas tenable, c'est pour cela que j'espére que Hadot n'a pas été complètement hadiste. Que ceux qui connaissent l'oeuvre de Hadot dans tous ses détails disent si ces formules citées plus haut gauchissent la position d'Hadot ou la reflètent parfaitement.
Quant à Foucault, reste que même s'il a pris cette position hadiste, ses cours sur la philosophie grecque abondent en remarques intéressantes, ce qui ne veut pas dire vraies, je vous l'accorde complètement ! C'est à voir au cas par cas.
si les travaux théoriques auxquels les plus grands philosophes grecs se sont consacrés ne sont que des manières de justifier leurs choix de vie et des annexes à leurs exercices spirituels et autres gymnastiques eudémoniques , alors pourquoi se sont ils consacrés aux mathématiques, à la physique, à la logique et à la spéculation métaphysique? En quoi ces activités ne sont elles pas théoriques, et si elles le sont, en quoi sont elles des instruments d'une sagesse seulement pratique? Certes les mathématiques et la métaphysique peuvent nous donner accès à un topos noetikos dans lequel le sage peut trouver son bonheur spirituel, mais ce sont des études difficiles. en quoi l'étude des syllogismes modaux par exemple contribue-t-elle à une quête spirituelle au sens de Hadot? Cela n'empêche pas Hadot d'avoir raison pour 50% de la production philosophique antique.
Rendre justice à Pierre Hadot était l'intention initiale : voilà maintenant qu'on se contente du cas par cas pour sauver ce qui peut l'être de sa philosophie. C'est ce qui s'appelle une manœuvre de repli...
Il est temps de passer à autre chose ?
Quant à passer à autre chose, je vous en prie, faites-le, en m'accordant par exemple une réponse à la question suivante : trouve-t-on comme je l'espère des textes non hadistes de Hadot ?
Ce que vous appelez manoeuvre de repli peut être plus aimablement vu comme gain de lucidité. Mais aux hadistes d'intervenir !
Quant à l'épicurien, comme vous le savez, il dénonce en effet le désir de la connaissance théorique comme fin en soi (à cause du souci incessant de découvrir de nouvelles vérités), il n'est donc pas un chercheur. En revanche c'est un scientifique réaliste qui justifie par sa connaissance vraie des atomes ses positions éthiques.
Certes, si on prend les oeuvres de Platon et d'Aristote, il y a manifestement une indépendance de la recherche théorique par rapport à la question du mode de vie juste.
Bien sûr dans l'Apologie de Socrate, le thème du souci de soi est explicite mais il est lié à une volonté de connaître la vérité. Cependant le Parménide est de la pure recherche métaphysique. Il faut donc prendre tout Platon au sérieux.
Mais je vous donne entièrement raison : ici on ne badine pas. Je vais donc jouer ailleurs...
Merci sincèrement pour vos réponses et votre patience.
Le stoicien renforce sans doute son sens de l'unité de la nature en l'étudiant. Mais pourquoi se fatiguerait il à faire de la spéculation logique s'il peut parvenir au même but sans se livrer à des travaux théoriques ?
Pourquoi, si je cherche la sagesse et l'unité du monde, ne monte-je pas plutôt sur le sommet du Taygète pour contempler la beauté du paysage, plutôt que de me casser la tête sur des sorites?
Pourquoi aller , comme Aristote, passer des jours entiers à faire de la biologie marine, si mon but est d'atteindre la paix spirituelle ?
Le gangster qui prépare le casse du siècle a un but. Le mathématicien aussi. Mais ce n'est pas le même.