Dans L'histoire naturelle de la religion, David Hume raconte l'anecdote suivante :
" Sextus Empiricus rapporte que dans son enfance Épicure lut avec son précepteur les vers suivants d' Hésiode :
" D'abord naquit le chaos, le plus ancien des êtres,
Puis la terre aux vastes étendues, siège de toute chose."
Puis la terre aux vastes étendues, siège de toute chose."
Le jeune étudiant manifesta pour la premiière fois son génie inquisiteur en demandant : et d'où naquit le chaos ? Mais son précepteur lui répondit qu'il devait s'adresser aux philosophes, pour obtenir une réponse à de telles questions." (traduction de Michel Malherbe, Vrin, 2016, p.105)
Certes les hypothèses de l'astrophysique ont remplacé le texte d'Hésiode, mais d'abord le rapport que beaucoup de nos contemporains ont avec elles ressemble à celui que maints Grecs ont eu avec le texte de la Cosmogonie, et puis la question d' Épicure réitérée par les moins scientistes des esprits scientifiques est renvoyée toujours aux philosophes, qui malgré le colossal héritage que leur offre leur discipline continuent de n'en pouvoir mais.
Commentaires
À ce type de questions métaphysiques de l'élève, si les philosophes seraient seuls à pouvoir répondre, c'est précisément parce qu'ils apprennent au moins à questionner les questions.
Pour le mystère de l'origine du monde, qui ne peut aboutir qu'à une forme paresseuse de déisme rudimentaire, les philosophes nous invitent à nous questionner sur notre point de vue. L'insecte sur le ballon de cuir, que les Anciens pratiquaient déjà, que pense-t-il de la naissance du chaos ? La méditation indienne de base apprend à se concentrer sur une goutte d'eau de l'océan, ou bien sur une fève. Est-il insensé de se concentrer sur l'insecte posé sur le gros ballon ?
La science moderne a formulé la théorie du Big Bang, qui n'a ni début, ni fin, ce qui pose un problème insurmontable au novice. Les philosophes lui diront que ce n'est qu'une hypothèse très riche, qui a permis de faire avancer les sciences, et qu'il importe de rester critique en permanence.
Si l'on se posait la question de savoir comment Stephen Hawking avait réussi à rester athée jusqu'à la fin, les philosophes répondraient qu'il y a une hiérarchie ou une urgence des questions. À la question "Comment peut-il y avoir un Big Bang sans Dieu ?", le génial physicien préférait sans doute se demander : "S'il y a un Dieu, pourquoi m'a-t-il infligé cette vie transhumaine ?".