Dans ce type d'assertion, il y a un contenu de réalité objective, ne serait-ce que quand les malheurs arrivent en nuage. C'est tellement exact que ce sont aussi les autres qui disent de vous que cela n'arrive qu'à vous. Détenir la vérité rend orgueilleux. C'est aussi le revers du stoïcisme. En disant à l'individu qu'il est cause de ses malheurs, on lui accorde une importance démesurée. La sagesse populaire dit aussi que celui qui a des malheurs à répétition les cherche. Tout cela est affaire de psychologie, mais sur un plan épistémique on retrouve la logique du principe d'identité. Cela n'arrive qu'à moi, puisque le monde est ce qu'il est.
Les malheurs dont se plaint l'orgueilleux de Ramón n'en sont pas pour le stoïcien, ils sont comme toute la réalité, nécessaires et justifiés. Le seul malheur est le mauvais usage de la raison, conduisant à appeler à tort malheureux ou heureux des événements qui, bien compris, ne causent en rien directement l' insatisfaction ou la satisfaction. Que les événements nous tombent dessus sans aucune responsabilité ou qu'on ait une part dans leur survenue est une distinction qu'on peut garder dans le stoïcisme mais la chose certaine est que le jugement qualifiant ces événements de malheureux ou non est de notre totale responsabilité. Le stoïcisme n'a donc pas eu le problème de la théodicée à régler, c'est-à-dire celui de savoir comment un dieu juste est compatible avec les malheurs injustes, pour faire vite. Car le stoïcisme ne reconnaît pas de malheur injuste ; l'expérience du malheur est toujours causée par une erreur qu'on n'aurait pas commise si on avait mieux contrôlé ses jugements. En juger ainsi ne donne un plaisir d'orgueil que pour celui qui ne comprend pas que la possibilité d'un jugement vrai est donné à tout homme.
Cela ne pose-t-il pas le problème de l'indifférence aux maux que l' on cause à autrui ? On peut se dire que s'il est éduqué au stoïcisme, il le prendra forcément bien.
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