Dans l'avertissement écrit par Julien Benda en 1928 à l'occasion de la réédition de Mon premier testament (1910), l'essayiste éclaire ce qui se passe quand un philosophe devient populaire, " médiatisé ", comme on dirait aujourd'hui. Ces lignes ont quelque chose, bien sûr, de désespérant si on englobe aussi dans le processus décrit l'enseignement à l'école de la philosophie, et bien sûr, avant tout, son enseignement au lycée :
" Une des pensées exprimées en cet écrit est que les doctrines des philosophes, n'étant adoptées par le vulgaire que dans la mesure où elles satisfont des passions, sont constamment déformées pour les satisfaire davantage et que ce sont les doctrines ainsi déformées qui constituent l'histoire des idées, en tant que les idées jouent un rôle dans l'histoire des hommes et non dans celle de quelques solitaires. Cette pensée pourrait, je crois, faire la base de tout un ordre de recherches importantes pour l'histoire humaine, mais dont je ne vois même pas le rudiment chez les savants modernes. Ce que je vois, chez ceux-ci, c'est au contraire l'application à montrer les doctrines dans ce qu'elles furent chez leurs auteurs et par opposition à la déformation qu'en font les séculiers ; l'on nous montre combien la pensée de Descartes est moins simple que ce qu'en disent les écoles ; l'autre combien celle de Kant diffère de ce qu'elle est dans les manuels laïques et pacifistes ; celui-ci combien Auguste Comte est autre chose que ce qu'en fait une secte politique ; celui-là combien Nietzsche dit plus de choses que ce que lui font dire les apôtres de la force. Certes je ne nie point l'intérêt de tels travaux, mais je voudrais qu'on fît aussi le travail en sens contraire. Je voudrais qu'ons'employât - que les maîtres y conviassent les élèves - à étudier délibérément les doctrines hors de leurs auteurs, dans les déformations mêmes
On ne devrait pas être désespéré à lire ces lignes car elles constituent l'application souhaitée de l'approche spinoziste : comprendre avec l'intelligence ce qui se passe. Ce qui est inattendu, c'est que Benda juge finalement secondaire l'histoire de la philosophie dans ce qu'elle de a de plus honnête, vu que la philosophie n'aurait un impact conséquent sur la réalité qu'en tant qu'elle est précisément différente de ce que l'historien de la philosophe s'acharne, une vie entière quelquefois à reconstituer.
très bien vu !
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