En 1912, Kafka a écrit un court texte, intitulé Décisions (Entschlüsse), qui ne fait guère plus qu'une demie-page. Le thème en est l'impossibilité de " s'extraire d'un état misérable " et la manière de remédier à une telle impossibilité. C'est dans la description de cette solution à l'absence de Solution, si on peut dire, que je vois comme l'ombre déformée et hostile de l'apathie stoïcienne :
" C'est pourquoi le meilleur conseil demeure quand même de tout accepter, de se comporter comme une masse pesante, et si l'on se sent soi-même propulsé par un souffle (sich selbst fortgeblasen), de ne se laisser entraîner à aucun pas inutile, de regarder autrui avec un regard bestial (Tierblick), de n'éprouver aucun remords, bref d¨écraser de sa propre main ce qui subsiste encore fantomatiquement de la vie, c'est-à-dire d'accroître encore l'ultime repos tombal (die letzte grabmässige Ruhe) et de ne plus rien laisser persister d'autre que lui." (Nouvelles et récits, La Pléiade, p.16)
Se dessine ici une ataraxie mi-volontaire, mi-pathologique. En effet, si le stoïcien accepte tout, ce n'est pas à défaut de pouvoir tout fuir. S'il occupe le présent sans crainte ni espérance et n'a plus la légèreté incorporelle de qui vit dans le passé ou dans l'avenir, s'il laisse passer le souffle inévitable des premières émotions pertubatrices et ne compose avec son corps que les actions dues à ses devoirs, il regarde autrui non avec un regard d'animal, inexpressivement, mais avec des yeux humains, certes dépassionnés mais sans froideur. Ce qu'il écrase de sa propre main, c'est seulement ce qui subsiste encore machinalement de la vie passionnelle non maîtrisée et ce n'est que du point de vue de celui pour qui cette vie empathique, sensible, et emportée est la Vie, qu'on peut dire alors qu'il ne vit qu'à faire le mort.
Tout se passe en somme comme si, sans le vouloir, Kafka prêtait ici sa voix à un défenseur des passions, comme Diderot, par exemple, quand il écrit la cinquième de ses Pensées philosophiques (1746) :
" C'est le comble de la folie que de se proposer la ruine des passions. Le beau projet que celui d'un dévot qui se tourmente comme un forcené pour ne rien désirer, ne rien aimer, ne rien sentir, et qui finirait par devenir un vrai monstre, s'il réussissait." ( Oeuvres philosophiques, La Pléiade, p. 4)
Que pourrait-on ajouter à ce commentaire si on tenait compte de la dernière phrase de Kafka qui relève de la plus pure ironie, selon toute apparence :"Un geste caractéristique des états de ce genre consiste à se passer le petit doigt sur les sourcils". Voilà une façon bien ...prudente "d'écraser de ses propres mains le dernier fantôme de vie qui subsiste encore..."
RépondreSupprimerVotre commentaire me conduit à méditer sur ce que peut bien être une gestuelle stoïcienne qui ne serait causée par aucune passion. Il va de soi que les tics, ou autres mouvements machinaux, n'y entrent pas. Je crois qu'il faudrait n'y intégrer que les gestes qui accompagnent nécessairement les devoirs, qu'ils soient professionnels ou sociaux.
RépondreSupprimerDisons que Kafka était certainement apte à reconnaître la pertinence du stoïcisme, mais que son scepticisme, voire plutôt son pessimisme..., lui posait sans doute plus de problèmes à adhérer pleinement à la doctrine : Kafka et la question de la Providence Divine ..., forcément, il y a là un point névralgique.
RépondreSupprimerEt il n'est pas forcément interdit aujourd'hui, au risque cependant de perdre quelque chose de la spécificité rigoureuse de la doctrine, de proposer une combinaison moins sombre et dualiste que celle au moins de Kafka, en articulant peut-être le regard somme toute humain, et non dénué de clairvoyance, de Diderot, à ne pas trop négliger la part irréductible qui revient à l'affect ou l'émotionnel dans la maîtrise rationnelle plus surplombante qu'on peut en avoir et que propose le stoïcisme. Disons alors : un équilibre, non statique, un souci de réalisme et d'honnêteté quant à la mesure plus ajustée du degré réel d'accessibilité d'une sagesse exigeante pour notre condition humaine ? Car c'est bien la confiance en une forme de providence qui servait aussi d'appui au stoïcien, et il serait intéressant de garder du stoïcisme sa part résolument rationnelle et susceptible d'universalité, en écartant son aspect plus ... religieux. Mais certes, cela ne facilite pas pour l'homme contemporain, au contraire, la pleine mise en pratique de l'essentiel de la doctrine. Sans lui enlever ce qui reste de sa haute pertinence et portée venues du fond des âges jusqu'à nous.
La question est de savoir si le providentialisme stoïcien et la joie qu'il fonde peuvent être supprimés sans que pour autant on n'ait à cesser de parler de stoïcisme tout simplement, pour alors se référer à quelque chose qui ressemble au spinozisme, c'est-à-dire à une philosophie qui renonce à fonder le salut de soi sur autre chose que sur la compréhension rationnelle des causes et des effets qui font nécessairement de chacun de nous ce qu'il est, dans une totale et continue dépendance par rapport à l'ordre de la nature. C'est vrai que ce stoïcisme sans Sens, ni Raison gardera le cosmopolitisme qui en garantit l'universalisation au-delà de l'infinité des cultures et des particularités, dans la mesure où chaque homme a la même raison, nécessaire et suffisante pour raisonner juste sur la réalité. Ce qui veut dire que ce stoïcisme rénové sera un rationalisme que n'intimidera pas le rappel que chacun de nous pense et agit grâce à une langue donnée dans une culture donnée à un moment donné de l'histoire. Dit autrement, le stoïcisme doit faire sa place à la culture et à l'histoire mais sans sombrer dans le relativisme du culturalisme et de l'historicisme. Ce stoïcisme ne peut donc s'accomoder que d'une dose réduite de scepticisme, un scepticisme en somme modestement et simplement méthodique.
RépondreSupprimerIntéressant, indéniablement. Et plutôt d'accord sur l'ensemble. Je pressens en effet dans ce que vous dites un équilibre possible, mieux ajusté, entre héritage de certaine tradition et lecture plus propre à notre contemporanéité. Juste peut-être une proposition de précision : non seulement certes ce qu'implique la remise en cause de la conception téléologique à l'échelle du cosmos, mais aussi la nuance quant au déterminisme causal intégral à cette même échelle (spinoziste ou autre)..., déterminisme qui s'articulerait alors justement avec ce qui ne s'y réduit pas en tous points nécessairement (Ce qui rejoindrait le scepticisme modéré et méthodique dont vous parlez. Disons dans un cadre de conditions régulatrices mais qui ne soient pas que des causes exhaustives. Un soupçon de clinamen ... et peut-être aussi de survenance propre au vivant et à la spécificité humaine ?) ... C'est juste une proposition/supposition de ma part, dans le sens que vous avancez je crois, mais j'imagine que vous avez sans doute déjà du l'intégrer dans votre conception, pour le peu que j'ai lu de vous pour le moment. A voir si cela peut préserver suffisamment de rationalité cohérente et d'universalité commune pour une connaissance conséquente, tout en admettant une part de variables, de dynamisme, et d'imprévisibilité. Cela pourrait certes apparaître parfois acrobatique, bien qu'à mon avis simplement lucide, puisque nous ne disposons pas non plus, de toutes façons, de la connaissance susceptible de ramener la vie et l'être humain à une pure mécanique causale strictement nécessaire. Ce qui n'empêche pas néanmoins de disposer de repères stables et communs, mais pas forcément de les clore ou les fixer définitivement en tous points. Sans doute d'ailleurs bienheureusement ..., bien que cela puisse se discuter. Et l'ensemble pose aussi la question, par exemple, de savoir si toute raison humaine (je parle moins ici uniquement de LA faculté que des motivations à agir) se réduit forcément à un système causal ou plus subtilement à une compréhension des causes qui la déterminent, ou justement pas toujours ni totalement, sans être pour autant que subjective, ni accréditer non plus une conception purement téléologique, et cependant sans clore la question de la spécificité humaine quelque peu singulière au sein du cosmos. Encore une fois, c'est surtout des interrogations de ma part, non pas des assertions inscrites dans le marbre. Je reste pour le moment au stade de la recherche, de la tentative un peu exploratoire, quant à la combinaison possible ou non entre différentes conceptions philosophiques qui m'intéressent, en essayant toutefois de ne pas virer à l'auberge espagnole, jugulée par la visée d'une pratique de vie au quotidien un tant soit peu plus conséquente ... Merci en tous cas de votre éclairage qui porte un germe inspirant en ce sens, je trouve, et plus clairement que ma tentative ici.
RépondreSupprimerJe ne crois pas que la perspective déterministe appliquée à l'humain, comme on l'applique au minéral, au végétal, à l'animal (encore qu'aujourd'hui suggérer la liberté animale, pourquoi pas ? le libre-arbitre animal, serait par beaucoup, j'imagine, bien reçu), que la perspective déterministe, dis-je, rende incompréhensible " le dynamisme et l'imprévisibilité ". Reconnaître la réalité, sur un plan ontologique, du déterminisme et donc sa vérité sur le plan épistémologique aussi bien, n'implique pas d'affirmer que tout humain doit comprendre le réel, auquel il a affaire, comme statique et prévisible (par exemple, j'ai beau savoir que l'eau que je mets à bouillir dans ma cassserole est intégralement déterminée à se transformer et ça serait bien de la connaître ainsi, je ne peux en aucune manière prédire finement le lieu et le moment de l'apparition des premières bulles, aussi grand physicien que je sois).
SupprimerQuant à la question de savoir ce qui détermine en première instance toute réalité, l'adoption d'une position physicaliste d'un point de vue ontologique devrait être cohérente avec d'un point de vue épistémologique la reconnaissance de sciences spéciales comme la chimie, la géologie, la biologie, etc (et les déterminismes spécifiques qui vont avec) - ce qui veut dire que la survenance, sauf à tenir d' un miracle inintelligible, doit bel et bien être déterminée par le déterminisme de première instance, pour reprendre cette expression, sans doute trop connotée -.
Quant à la raison humaine, je crois qu'on peut ne pas avoir peur de la déterminer par un article défini singulier,
pourvu que cela ne rende pas aveugle à sa plasticité et à sa dépendance partielle par rapport aux formes culturelles par lesquelles et dans lesquelles elle se développe. Cette unité de la raison est en effet le garant d'une identité humaine universelle, même si, les mathématiques et la logique à part, on peine durablement à s'entendre sur les vérités morales, politiques, esthétiques, qu'elle permettrait de découvrir.
Quant au maintien de la forme hypothétique quand on traite de philosophie, il me paraît en effet entrer dans le scepticisme modéré à préconiser (à préconiser du moins quand on a en charge un enseignement de la philosophie ou un " dialogue constructif ", sauf à vouloir, bien sûr, transmettre un scepticisme radical, tâche sans doute contradictoire par ailleurs).
Osons exposer davantage ma confusion.
RépondreSupprimerCar néanmoins les éléments d'un ensemble expliquent-ils bien à eux-seuls leurs lois de liaison ? Ou disons plutôt : leur configuration l'explique, mais est-ce que les éléments expliquent tout de leur configuration, ou faut-il alors remonter plus en amont pour expliquer celle-ci. Les propriétés chimiques d'une molécule s'expliquent-elles intégralement par les propriétés des atomes qui la constituent et ceux avec qui elle entre en relation ? A partir de quel moment est-on bien dans une explication ou d'abord dans un constat ? Je n'ai pas suffisamment de connaissances scientifiques pour en juger, il est vrai, je me contente donc de poser la question. Mais j'imagine qu'il n'y a sans doute pas de réponse facile sans formation longue et rigoureuse.
Mais le principe qui guide la connaissance est une chose, son application nettement établie le confirmant systématiquement, indiscutablement, une autre, quand bien même elle serait la plus fréquente. Mais bah ... j'ai beau dire : la causalité reste de loin l'approche épistémique la plus complète et pertinente, à la portée prédictive incontestable. Disons alors que le gradualisme et le probabilisme, qui par leur souci de déceler tout de même des régularités et des lois statistiques, procèdent du principe de causalité ou le supposent au moins pour partie, par un lien toutefois moins strictement précis dans le détail, et n'interdisent pas non plus l'hypothèse d'un degré d'irréductibilité causale possible.
Si j'apprécie certes de prévoir la réaction de l'eau au contact d'une source de chaleur, je peux apprécier aussi l'imprévisibilité de la localisation précise de la première bulle, qu'elle n'est pas seulement insignifiante, mais participe à la signification, quand bien même il ne m'est pas très utile de remarquer cela la plupart du temps. Sans exclure la possibilité encore une fois que c'est peut-être bien là que je manque trop de clarté. Le caractère sensé avant tout par la causalité, je ne le nie pas... Mais peut-être mon parcours disons plus littéraire, avec tous les travers propres à l'autodidacte, tend encore trop à me ramener vers l'interprétation de type subjective ... plus souvent que je ne veux l'admettre ... Donc que je me situerais le plus souvent à une échelle insuffisante de compréhension précise de ce qu'implique la causalité. J'ai à y réfléchir. Votre rappel n'y est pas pour rien.
Merci pour votre souci patient d'explication la plus claire et complète possible dans le format de ce blog, et dont je me rends compte, malgré mes tentations récurrentes de raccourcis, au final un peu embrouillés.
Il manque la première partie que j'ai envoyé, la voici.
RépondreSupprimerJe trouve que la question de l'articulation du déterminisme et du libre-arbitre est un des sujets les plus subtils et complexes qui soient, même si oui : dans l'idée dominante tout de même qu'ils ne s'excluent pas l'un l'autre, que la liberté a même besoin du déterminisme pour avoir un caractère suffisamment sensé, sans pour autant peut-être réduire intégralement l'un à la compréhension de l'autre (c'est un point cependant où je suis sans doute fort discutable ...), mais là cela demanderait un certain travail pour décrire plus précisément leur articulation, justement (à mes débuts de lecture , j'ai plutôt adhéré au spinozisme, puis Hume et Wittgenstein sont passés par là par rapport à la notion de causalité ... alors même que ce sont des philosophes fort différents quant à la méthode et la conception qu'ils favorisent.).
C'est un projet de lecture que je remettais depuis un moment à plus tard, dans l'éventualité que je me sentirais plus philosophiquement aguerri et mieux formé, et dans la mesure où cela s'avèrerait encore possible aujourd'hui, ce dont je doute de plus en plus avec mes moyens seuls, tant j'accumule déjà trop de lectures avec une compréhension incomplète, bah peut-être un jour : le livre de Bouveresse, Dans le labyrinthe, etc...
Mais honnêtement, j'incline en ce moment, malgré mon pseudo, à laisser tomber la philosophie, malgré le temps passé dessus, trop peu de résultats et d'amélioration, surtout d'ailleurs de par une sous-estimation au départ de la difficulté qui fût dans le fond assez bêtement vaniteuse
Pour le rapport à notre conception de l'animalité : je crois qu'il nous faut naviguer entre trois risques d'écueils : la confusion anthropomorphiste, la réduction mécaniciste ou la spécification poussée jusqu'à la nette séparation avec l'humain de l'anthropocentrisme. L'éthologie, ces derniers 60 ans, a fait tout de même des découvertes remarquables, bousculant pas mal de certitudes bien ancrées quant à ce qui définirait la spécificité de l'homme par rapport à l'animal. Néanmoins, je tendrais tout de même à me méfier de l'enthousiasme parfois exagéré dans l'évaluation des facultés cognitives de certains animaux, voire de plantes...., et quand bien même certaines observations tendent à rendre plus floues certaines frontières jusqu'ici fort affirmées avec l'homme, il n'en demeure pas moins que ces facultés animales semblent rester assez limitées dans leur développement possible et la diversité des options qui leur sont accessibles. Mais il y a aussi des points encore mal compris : la question de certaines aptitudes différentes dans l'appréhension que tel animal ou plante aurait de son environnement, et celle du degré des capacités à anticiper qui lui seraient liées, que nous ne comprenons pas toujours bien, dès lors qu'il y a système physiologique, appareil de détection ou de perception, très éloignés du nôtre.
Je n'oppose certes pas forcément déterminisme causal à dynamisme, ni même peut-être complètement à survenance (Bien que oui je prends le risque ici de parier sur une part d'émergence non entièrement réductible. Limite à l'intelligible ne veut pas dire forcément appel à la mystique obscurantiste, plutôt : irréductibilité surtout, mais seulement peut-être, du qualifiable au calcul et à la quantification, moins affirmé sur le plan du principe épistémologique, que constaté dans l'état actuel de la connaissance. Qui certes progresse (moralement ne lui est pas toujours lié). Au demeurant, j'admets que c'est l'endroit où je prête le plus le flanc à une critique possible et où j'ai peut-être à me remettre fortement en ...cause ! De plus, je sais qu'on peut par exemple expliquer la propriété d'un ensemble, alors qu'aucun des éléments qui le constituent ne possède cette propriété, non pas justement par les éléments constitutifs, mais par leur mode de liaison ... Exemple connu : la solidité -et non la densité- d'un matériau par exemple. Ce qui est un argument très fort contre l'émergence forte et en faveur de la causalité.
Le déterminisme exclut le libre-arbitre, sur ce point Spinoza est définitif. J'entends bien sûr ici le libre-arbitre au sens cartésien (la volonté comme cause non causée). Reste que dans le cadre du déterminisme, on peut juger libre un humain non contraint de faire ce qu'il ne veut pas ou de ne pas faire ce qu'il veut. Facile de voir alors que le déterminisme n'est en rien incompatible avec une politique démocratique, la reconnaissance des droits et des devoirs (politiques, éthiques, déontologiques, etc).
SupprimerSur la philosophie, je me permets de vous renvoyer à mes billets intitulés " Ça commence mal ".
Concernant le rapport animal humain et animaux non-humains, voire végétaux, le cadre de réflexion ne peut être, à mes yeux, que le cadre scientifique, soit l'évolutionnisme. L'impossible, une fois donnée la connaissance scientifique de l'évolution, est de savoir ce qu'on doit faire des animaux non-humains quand on est un animal humain, du moins si on partage l'idée humienne que, du fait ne peut se déduire directement aucune norme, sauf à éclairer le fait en question par une norme implicite.
Sur la question de la causalité, ce qui me trouble le plus est le fait qu'identifier une cause d'une action est toujours en privilégier une seule, bien insuffisante apr elle-même : par exemple la cause du bris de la vitre est le ballon lancé, mais ce lancement de ballon peut être à son tour expliqué autant par une causalité physique (le corps et ses mouvements) que par une causalité psychique (intention, motif, etc.), sans compter sur le fait que la cause première (le ballon lancé) est inséparable des causes concomitantes comme la structure du ballon, l'état de la vitre, si bien que c'est tout l'ordre de la nature qui est cause du plus petit événement, ce qui est, je crois, tout à fait spinoziste. Or, cet ordre, lui, n'a pas de cause possible, puisqu'il est l'ensemble de toutes les causes possibles.
Enfin pour l'article singulier LA raison, je suis d'accord avec vous, mais effectivement à travers aussi certaines manifestations multiples de celle-ci pas toujours aisément réductibles. Ce qui ne signifie pas renoncer au principe d'unité, à un cadre universel de conditions communes, mais simplement reconnaître l'accès plus divers que nous pouvons parfois en avoir.
RépondreSupprimerL'équilibre n'excluerait pas la dominante décisive qui lui serait extérieur et le conditionnerait, pour l'essentiel à tendance universelle, un cadre et un fond stable suffisamment commun pour l'intelligible, mais rappellerait la difficulté en beaucoup d'applications manifestes à l'établir toujours exactement, de façon permanente, exhaustive, et exclusivement unilatérale. Ce n'est pas nécessaire pour que l'universel disons tendanciel... soit au moins suffisant, mais ne permet pas de clôre en tous points sa caractérisation définitive. Je reste cependant ouvert à toute critique éventuelle, du moment qu'on me l'explique et sous réserve que je puisse comprendre. Et je m'arrête là.
Merci de vos messages d'abord !
RépondreSupprimerCertes se référer à la raison pour justifier une croyance ou une action ne mange pas de pain et a masqué les croyances et les actions les plus indéfendables. Et il est vrai que concernant l'éthique, la raison paraît condamnée à ne s'exercer qu'à l'intérieur d'une éthique normative donnée (si je suis utilitariste, qu'est-il raisonnable de faire dans telle situation ? Et si je suis stoïcien, ou épicurien, ou kantien, etc., les raisons données par la raison donneront en général une réponse valable ou probablement valable pour ceux du camp en question). Cette situation ne paraît pas temporaire dans la mesure où tout raisonnement moral repose sur des principes qui, sauf risque d'une régression à l'infini, ne peuvent pas ne pas être objets d'une préférence, et non résultats d'une démonstration universellement valide. Plus fondamentalement, on ne dispose d'aucune définition vraie et rationnellement justifiée de la morale. D'où la possibilité de ne voir dans les morales que des expressions de passions, fournisseuses de préférences, la seule universalité étant alors un partage des préférences causé par l'identité - naturelle et/ou non - des passions en question. C'est, je crois, la solution humienne.
L' usage de la raison dans les techniques est moins problématique si du moins celles-ci ne sont jamais jugées à la lumière de la morale (il en va de même, je crois, pour la politique quand elle est définie comme une technique au service d'une fin posée comme indiscutable : par exemple, la politique au service de la domination - c'est en ce sens que les nazis ont pu être ou non rationnels dans telle ou telle situation passée).
Là ou l'usage de la raison est le moins sujet à disputes, c'est, je crois, dans sa dimension scientifique, ne serait-ce que par le caractère normatif de la logique. Les discussions sur les hypothèse engendrées par cet usage sont en général réglées par les faits, eux-mêmes établis par l'usage en question.