À l'origine, la philosophie a bien eu comme ennemi la religion. Certes la formule est un peu simple mais elle résume la situation que je vais présenter.
À Athènes, au cinquième siècle avant Jésus-Christ, Platon dans ses dialogues parle pour la première fois de la philosophia (φιλοσοφια) et du philosophos (φιλοσοφος), donc de la philosophie et du philosophe. Socrate, qui a réellement existé, est aussi, dans les dialogues, le philosophe par excellence.
Étymologiquement, le philosophe est celui qui aime, recherche, poursuit - on traduit par ces trois mots le sens du verbe philein (φιλέω) - la sagesse, mot qui traduit ordinairement le mot grec sophia (σοφια). Philosopher, c'est donc chercher. En effet le philosophe reconnaît ne pas avoir ce qu'il aimerait avoir, la sagesse, et donc la recherche activement.
Or, avec l' histoire racontée par Homère dans l'Iliade et l'Odyssée, les Grecs ont, depuis bien longtemps avant l'apparition de la philosophie, une explication du monde et des hommes, un guide de vie, une forme de sagesse, qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de mythologie et qu'on peut voir comme la religion des Grecs anciens. C'est, à l'école, dans l'Iliade et l'Odyssée que les enfants grecs apprennent à lire et à découvrir la réalité.
C'est donc clair que si les philosophes partent à la recherche de la sagesse, alors que eux aussi ont découvert le monde dans Homère, c'est qu'ils ne donnent pas de valeur à la mythologie, autrement dit à leur religion. En effet si les histoires d'Homère ne leur suffisent pas, c'est qu'ils recherchent des vérités qu'ils peuvent comprendre par eux-mêmes en s'appuyant sur la raison et l'expérience. Or, les mythes sont des récits auxquels on doit croire parce que Homère les a transmis mais ni la raison ni l'expérience ne peuvent les justifier.
À partir de là, on comprend que les philosophes vont dénoncer la religion chaque fois que celle-ci condamne la philosophie comme inutile, vu que, elle, la religion apporte la Réponse à tous les problèmes posés par la philosophie. Contre le fanatisme religieux, les philosophes vont s'appuyer sur la raison et l'expérience pour obtenir une forme de sagesse qui reposera donc sur la réflexion et non sur la croyance aveugle dans plusieurs dieux ou dans un seul.
Bien sûr penser cela ne revient pas à dire que les croyants ne peuvent pas raisonner, argumenter, observer à partir de leurs croyances religieuses (par exemple, ceux qui voient dans tout être humain un être à l'image de Dieu, peuvent conclure qu'ils doivent condamner toutes les conduites qui rabaissent les humains). Le cadre religieux n'empêche donc en rien la réflexion approfondie, mais ce que veulent les philosophes, c'est réfléchir hors-cadre, si on peut dire : les cadres religieux vont toujours les intéresser (la religion est une notion au programme) mais ils ne veulent pas se limiter à raisonner dans les limites de ces cadres, car tous reposent sur une foi, une croyance aveugle.
Certains philosophes, au cours de la longue histoire de la philosophie - environ 2500 ans - ont cependant donné une grande importance au cadre religieux et y ont eux-mêmes cru (il y a donc des philosophes musulmans, juifs, chrétiens : Pascal au 17ème siècle est un philosophe chrétien de première importance). Mais, dans la mesure où ils philosophent, ils ne se contentent pas de leur religion pour régler les problèmes qui se posent à leur intelligence, ils avancent aussi grâce à leur capacité personnelle de raisonner et à leur réflexion sur l'expérience du monde qui est la leur.
Pour résumer, la religion est une cible des philosophes principalement quand elle se présente sous la forme d'opinions religieuses toutes faites, hostiles à la libre réflexion.
À ce stade, on peut se demander si les philosophes ne ressemblent pas aux scientifiques. Ceux-ci, comme Galilée au 17ème siècle ou Darwin au 19ème siècle, ne se sont-ils pas aussi opposés aux opinions toutes faites et aux religions quand elles font obstacle à la recherche scientifique ?
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