jeudi 21 novembre 2019

Greguería n° 212

" Tal era la descarada naturalidad de aquel cuadro con montañas y luna que grité para ver si me contestaba el eco. Después de eso no me volvió a invitar aquella marquesa."
" Ce tableau avec montagnes et lune imitait si insolemment la nature que j'ai crié pour voir si l'écho me répondait. Après cela, la marquise ne m'a plus invité."

Commentaires

1. Le samedi 23 novembre 2019, 20:41 par gerardgrig
Quelle étrange mécène Ramón avait-il choisie ! Il aurait plutôt dû choisir la vicomtesse de Noailles. Chez elle, les surréalistes pouvaient à peu près tout se permettre, et même de mal se tenir.
2. Le dimanche 24 novembre 2019, 09:11 par Philalèthe
À moins que la marquise ne fût hostile aux béotiens incapables de distinguer le représentant du représenté !

mercredi 20 novembre 2019

Greguería n° 211

" Cuidado con lo que se hace al entrar en una floresta virgen, porque madre Naturaleza es la suegra."
" Attention à ce qu'on fait quand on entre dans une forêt vierge, parce que madame la Nature est la belle-mère."

mardi 19 novembre 2019

Greguería n° 210

" Gastrónomo es el astrónomo que usa el tenedor en vez del telescopio."
" Le gastronome est un astronome qui utilise une fourchette à la place du télescope."

lundi 18 novembre 2019

Greguería n° 209

" Hay una manera de poner la mano sobre el volante del automóvil como si se descansase del dominio del mundo y se tuviera la displicencia de haber alcanzado su término, su saciedad."
" Il y a une manière de mettre la main sur le volant de la voiture qui fait croire qu'on se repose d' avoir conquis le monde et qu'on prend avec indifférence le fait d'avoir atteint son but, d' être assouvi."

dimanche 17 novembre 2019

Greguería n° 208

" Soy un conocedor de los etcéteras y sé cuando no hay nada detrás de alguno."
" Je suis un connaisseur des et cetera et je sais quand derrière certains il n'y a rien."

samedi 16 novembre 2019

Greguería n° 207

" Enterramos al perro, pero el ladrido quedó en otro perro que ladraba a lo lejos."
" Nous enterrâmes le chien, mais son aboiement resta dans un autre chien qui aboyait au loin."

Le spiritualiste déçu, peut-être sur le chemin du matérialiste.

" La plupart des marmots veulent surtout voir l'âme, les uns au bout de quelque temps d'exercice, les autres tout de suite. C'est la plus ou moins rapide invasion de ce désir qui fait la plus ou moins grande longévité du joujou. Je ne me sens pas le courage de blâmer cette manie enfantine : c'est une première tendance métaphysique. Quand ce désir s'est fiché dans la moelle cérébrale de l'enfant, il remplit ses doigts et ses ongles d'une agilité et d'une force singulières, L'enfant tourne, retourne son joujou, il le gratte, il le secoue, le cogne contre les murs, le jette par terre. De temps en temps, il lui fait recommencer ses mouvements mécaniques, quelquefois en sens inverse. La vie merveilleuse s'arrête. L'enfant, comme le peuple qui assiège les Tuileries, fait un suprême effort ; enfin il l'entrouvre, il est le plus fort. Mais où est l'âme ? C'est ici que commencent l'hébétement et la tristesse." (Baudelaire, Morale du joujou, 1853, Oeuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1975, p. 587)

Commentaires

1. Le samedi 16 novembre 2019, 15:11 par Arnaud
Ne pensez-vous pas que cette "tendance métaphysique" qui anime l'enfant, lorsqu'il agite, malmène, voire éventre son joujou, n'est pas déjà d'inspiration matérialiste ? Ce n'est peut-être rien d'autre chez lui que la recherche d'un éventuel mécanisme interne, y compris dans un joujou inanimé, susceptible d'engendrer la vie qu'il lui prête dans ses jeux...
2. Le samedi 16 novembre 2019, 16:08 par Philalèthe
Pourquoi pas ? Ce matérialiste en herbe ferait alors une erreur de catégorie, comme qui, ayant visité chacune des Facultés, est déçu de ne pas avoir découvert l'Université.
3. Le samedi 16 novembre 2019, 17:37 par Arnaud
Souvenir ému et émouvant de Ryle !
Mais il est surtout déçu de découvrir qu'il n'y a rien à découvrir : rien à l'intérieur qui soit foncièrement différent de l'extérieur, de quoi se convertir au ... behaviorisme !
4. Le samedi 16 novembre 2019, 17:41 par Philalèthe
Logique !

vendredi 15 novembre 2019

Greguería n° 206

" La felicidad consiste en ser un desgraciado que se cree feliz."
" Le bonheur consiste à être un malheureux qui se croit heureux."

Une rime bien déraisonnable ?

Relisant Le vampire de Baudelaire, je m'aperçois d'une étrange anomalie :
" (...)
— Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne.
Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l’ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
— Maudite, maudite sois-tu !"
En toute logique, le poète aurait dû écrire " comme à la charogne les vermines ". Mais les contraintes de la rime l'ont emporté sur les exigences de la raison ! D'ailleurs ce n'est qu'à la rime que pense Antoine Adam dans sa belle édition des Fleurs du mal :
" On notera la disposition des rimes, embrassées dans ce quatrain,alors qu'elles étaient croisées dans les deux premières strophes." (Classiques Garnier, 1959, p. 314). Rien non plus dans l'édition de la Pléiade.
En tout cas, de cette irrégularité naît l'image rare d'un cadavre addict aux vers, telle une bouteille à la recherche désespérée de qui la boira.

Commentaires

1. Le vendredi 15 novembre 2019, 17:34 par sok
Il me semble qu'il n'y a rien d'illogique dans ces vers, que l'analogie est simple : la vermine ronge la charogne de la même manière que la bouteille ronge l'ivrogne, ou que le jeu ronge le joueur têtu.
D'ailleurs, si la rime avait été un problème pour Baudelaire, il lui restait la possibilité d'une simple permutation syntaxique : "comme la charogne aux vermines".
Est-ce que je rate quelque chose ?
2. Le vendredi 15 novembre 2019, 17:55 par Philalèthe
Si on fait entrer en jeu l' imaginaire ronger, on crée un nouveau poème. 
Moi, je suis parti de la relation exprimée par ce qui est dit : être lié à. Le poète est lié à la femme qui le vampirise comme le forçat est lié à la chaîne, le joueur au jeu, l'ivrogne à la bouteille et... la vermine à la charogne et non la charogne à la vermine. À part le forçat qui est contraint physiquement, poète, joueur, ivrogne sont dépendants par le plaisir qu'ils prennent à l'objet de leur passion. Il y a un sujet dépendant, humain ou non, et un objet, vivant ou non, dont il dépend. Or la formule baudelairienne fait dépendre bizarrement la charogne de la vermine, comme si la charogne pouvait avoir la passion de la vermine.
3. Le vendredi 15 novembre 2019, 22:21 par sok
Je me trompe peut-être, mais je ne suis pas convaincu. Le forçat est lié à la chaîne, cela veut simplement dire qu'il ne peut s'en défaire. Le joueur ne peut se défaire du jeu, l'ivrogne ne peut se défaire de la bouteille, la charogne ne peut se défaire de la vermine.
Avant la bouteille et le jeu, pas vraiment de relation de dépendance, d'ailleurs ; plutôt une relation entre un vainqueur envahissant et un humilié plaintif. Le vainqueur : la vermine, la bouteille, le jeu, la chaîne, tu ; l'humilié : la charogne, l'ivrogne, le joueur, le forçat, je.
Après, si on garde votre hypothèse et qu'il s'agit d'une relation de dépendance, Baudelaire n'aurait eu pas vraiment eu un problème de rime, car il pouvait bien inverser l'ordre syntaxique... mais il aurait eu un problème de mètre... qu'il aurait pu résoudre par un pluriel : "comme les vermines aux charognes".
4. Le vendredi 15 novembre 2019, 23:20 par gerardgrig
Quel est l'ingénieur littéraire qui a dit que le fond, c'est la forme ? Boileau recommandait de ne pas laisser filer la rime, parce qu'ensuite le sens court derrière elle. Baudelaire, poète rompu aux recettes de l'ingénierie littéraire, utilise la contrainte de la rime pour faire une inversion hardie, qui nous plonge dans un abîme de perplexité sémantique, avant l'imprécation de la "punchline" mortelle de la strophe, qui "achève" le lecteur.
5. Le samedi 16 novembre 2019, 13:42 par Philalèthe
En somme, ca fait partie de la raison poétique de ne pas toujours suivre la raison logique.
6. Le dimanche 17 novembre 2019, 09:16 par Arnaud
"... There is a sense in which paradox is the language appropriate and inevitable to poetry."
Cleanth Brooks, The Language of Paradox, 1956.
http://seas3.elte.hu/coursematerial...
A coup sûr, Oscar Wilde (et d'autres) adhérai(en)t à cette perspective...
7. Le dimanche 17 novembre 2019, 10:22 par Philalèthe
Certes, mais c'est ici un paradoxe singulièrement dissimulé.

jeudi 14 novembre 2019

Greguería n° 205

" Hay cosas con tapadera y cosas sin tapadera : el amor tiene tapadera y el azucarero también:"
" Il y a des choses avec couvercle et des choses sans couvercle : l'amour a un couvercle et le sucrier aussi."