vendredi 20 septembre 2019

Greguería n° 152

" Era tan pobre, que tenía que soñar sueños de segunda mano."
" Il était si pauvre, qu'il ne pouvait pas faire autrement que rêver des rêves d'occasion."

mercredi 18 septembre 2019

Greguería n° 150


" Estaba tan bella porque se había puesto como pendientes dos lágrimas antiguas."
" Pour avoir mis en boucles d'oreilles deux larmes du passé, elle était si belle."

mardi 17 septembre 2019

Greguería n° 149

" Lo que más indigna al lavaplatos es que lleguen como besos muertos las huellas del rouge."
" Ce qui indigne le plus le plongeur est que les traces de rouge à lèvre arrivent comme des baisers morts."

lundi 16 septembre 2019

Greguería n° 148

"Hay unos aficionados a los hoteles Términus que acaban en un manicomio, el hotel Términus por excelencia."
" Il y a des amateurs d'hôtels Terminus, qui finissent à l'asile, hôtel Terminus par excellence."

dimanche 15 septembre 2019

Greguería n° 147

" Un discurso, como un buen traje, tiene que estar hecho a la medida del auditorio. ¡Eso es lo malo!"
" Un discours, comme un bon costume, doit être fait à la mesure de l'auditoire. C'est le problème ! "

samedi 14 septembre 2019

Greguería n° 146


" Levántate y lávate."
" Lève-toi et lave-toi."

Commentaires

1. Le mardi 15 octobre 2019, 20:42 par gerardgrig
Il est intéressant de repérer les pulsions de philosophie antique chez Ramón. Ici, il fait un tropisme diogéniste.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 20:41 par Philalèthe
Diogène, lui, ne se levait pas, même quand il l'aurait dû.
3. Le lundi 28 octobre 2019, 14:34 par gerardgrig
Le problème du jeu de mots, ce jeu formel si fascinant auquel on ne sait pas résister, c'est qu'il a toujours une signification qui nous dépasse, un fond que l'on n'a pas voulu. Ramón ne cherchait peut-être qu'à faire de l'esprit, mais on ne peut s'empêcher de voir dans son bon mot un léger syndrome diogéniste. On peut faire pire, quand par exemple on dit en société qu'il ne faut pas confondre un percussionniste israélien et un percu sioniste. On prend parti, sans trop savoir où ni comment, dans la géopolitique du Proche-Orient.
4. Le lundi 4 novembre 2019, 19:22 par Philalèthe
Oui, la musique verbale à la différence de l'autre a toujours du sens...

Les aveux du professeur de philosophie : que vaut un enseignement sincère ?

Dans Courrier Sud (1929), Antoine de Saint-Exupéry décrit la rencontre du narrateur et de Jacques Bernis, deux pilotes aguerris de l'aviation civile, avec leurs anciens professeurs :
" Ils étaient faibles car ils devenaient indulgents, car notre paresse d'autrefois, qui devait nous conduire au vice, à la misère, n'était plus qu'un défaut d'enfant, ils en souriaient ; car notre orgueil, qu'ils nous menaient vaincre avec tant de fougue, ils le flattaient, ce soir, le disaient noble." (La Pléiade, 1959, p. 10).
Bien sûr, face à la possibilité de l'échec on ne dit pas la même chose qu'en présence de la réalité du succès. On enseigne la prudence aux apprentis et on félicite de leur audace les vainqueurs courageux. Mais c'est le discours du professeur de philosophie qui retient particulièrement mon attention :
" Nous tenions même des aveux du maître de philosophie.
Descartes avait, peut-être, appuyé son système sur une pétition de principe. Pascal... Pascal était cruel. Lui-même terminait sa vie, sans résoudre, malgré tant d'efforts, le vieux problème de la liberté humaine. Et lui, qui nous défendait de toutes ses forces contre le déterminisme, contre Taine, lui, qui ne voyait pas d'ennemi plus cruel dans la vie, pour des enfants qui sortent du collège, que Nietzsche, il nous avouait des tendresses coupables. Nietzsche... Nietzsche lui-même le troublait. Et la réalité de la matière... Il ne savait plus, il s'inquiétait..." (p. 11)
Ce professeur prépare les lycéens au bachot. Ces derniers découvrent la philosophie pour la première fois. Manifestement leur professeur n'a pas enseigné en toute sincérité : d'abord, il a présenté Descartes et Pascal non comme il les jugeait mais comme eux-mêmes se présentaient, le premier comme construisant une philosophie fondée sur une première vérité indubitable, le second comme animé par un esprit chrétien ; ensuite il a fait comme si les problèmes philosophiques pouvaient être réglés : plus exactement il a prétendu donner de bonnes raisons de croire à la supériorité de l'idéalisme indéterministe sur le matérialisme déterministe ; enfin, jugeant certains penseurs dangereux éthiquement et peut-être eudémoniquement (ici il s'agit de Nietzsche), il a détourné ses élèves de la lecture de leurs oeuvres.
Autrement dit, à des fins autant didactiques que morales, le professeur de philosophie a donné à ses cours un ton plus dogmatique et assuré que celui que dans son for intérieur il pensait justifié. Ce professeur applique à ses cours l'esprit de Platon tel qu'on le connaît dans La République, selon lequel la philosophie est bien dangereuse pour les jeunes esprits et que si on la livre à eux, ils s'en serviront moins pour fortifier leur pensée que pour en aiguiser leurs armes.
Presque un siècle plus tard, le professeur de philosophie éduquant des jeunes gens ayant désormais comme idées reçues certains legs de l' herméneutique du soupçon, peut être enclin à juger que les réticences à explorer en classe par exemple le dessous des choses, même si on pense une telle exploration épistémiquement légitime, ont pédagogiquement quelque chose de bon. Certes la distinction entre un enseignement qui se censure à des fins à première vue pédagogiques mais au fond épistémiques et un enseignement dégoulinant de moraline doit être toujours fermement maintenue.
En tout cas, plus largement encore, on ne doit pas confondre ne pas être sincère par respect de la vérité (précisément par souci de faire respecter la vérité par les élèves), ne pas être sincère par souci de la moralité des élèves et ne pas être sincère par souci du bonheur des élèves. Certes ces trois insincérités sont également nobles mais elles n'ont pas nécessairement la même valeur.

vendredi 13 septembre 2019

Greguería n° 145

" El niño grita : " ¡ No vale !..." " ¡ Dos contra uno ! " y no sabe que toda la vida es eso : dos contra uno."
" L'enfant crie : " Ça ne va pas ! ", " Vous êtes deux contre un ! ", il ne sait pas que toute la vie, c'est ça : deux contre un."

Commentaires

1. Le mercredi 18 septembre 2019, 13:14 par gerardgrig
Ramón était féru de psychanalyse. Cette gregueria est assez œdipienne. Elle triangule, avec un scénario familial qui s'applique à toute la vie d'un individu. Il y a du Freud, mais il y a aussi Adler, avec le complexe d'infériorité de celui qui a toujours le dessous. En outre, la gregueria décrit une situation stéréotypée, alors que la vie nous montre fréquemment le contraire, à savoir l'enfant désobéissant et agité, qui n'écoute pas, qui fait ce qu'il veut, et surtout des caprices, parce que les parents ne s'entendent pas sur son éducation, et qu'ils se critiquent réciproquement devant lui. Nous sommes beaucoup à avoir un peu raté notre éducation à cause de cela, si sympathiques qu'aient été nos parents.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 20:11 par Philalethe
Oui, c'est l'enfant d'antan avec un désir oedipien impossible à réaliser.

jeudi 12 septembre 2019

Greguería n° 144

" El amor nace del deseo repentino de hacer eterno el pasajero."
" L'amour naît du désir soudain de rendre éternel l'éphémère."

Commentaires

1. Le vendredi 18 octobre 2019, 16:06 par gerardgrig
Les Greguerias sont un travail d'ingéniérie littéraire passionnant. Ce n'est pas un hasard si Paul Valéry, qui notait aussi ses pensées en vrac de bonne heure le matin dans des cahiers, tenait Ramon pour l'un des grands auteurs du XXème siècle. Les Greguerias sont une oeuvre en train de se faire sous nos yeux. Dans cette gregueria, Ramon part volontairement d'un poncif éculé. Il est captivant de voir ensuite ce qu'il va en faire, s'il y revient.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 20:30 par Philalethe
Je doute que cette greguería nous livre le matériau brut d'une future démystification. Elle est plutôt d'une lucidité mélancolique.

mardi 10 septembre 2019

lundi 9 septembre 2019

Greguería n° 142

" ¡ Pobre ! Hasta la memoria le era infiel."
" Le pauvre ! Même la mémoire lui était infidèle."

dimanche 8 septembre 2019

Greguería n° 141

" Dejamos la ropa en la oscuridad de la alcoba como para ir a bañarnos en el río del sueño ; pero un día nos robarán el cuerpo y nos dejarán la ropa."
" Nous laissons nos vêtements dans l'obscurité de l'alcove comme pour aller nous baigner dans la rivière du rêve mais un jour on nous volera le corps et on nous laissera les vêtements."

samedi 7 septembre 2019

Greguería n° 140


" Buen turista : el que sabe dónde perdió los botones que le faltan al acabar el viaje."
" Le bon touriste est celui qui, le voyage fini, sait où il a perdu les boutons qui lui manquent."

Commentaires

1. Le mercredi 11 septembre 2019, 00:01 par gerardgrig
Si Ramón veut évoquer la bêtise touristique par le biais de son contraire, qui serait l'apanage du bon touriste, on est surpris. On s'attendrait plutôt à ce que le bon touriste oublie ses petits soucis de garde-robe, pour mieux s'immerger dans d'autres cultures afin de s'enrichir par leur découverte.
2. Le lundi 16 septembre 2019, 10:30 par Philalèthe
Mais si on sait où on a perdu les boutons, on a nécessairement identifié avec précision les lieux traversés. Certes on ne s' est pas immergé en eux au point de s'y oublier.

vendredi 6 septembre 2019

jeudi 5 septembre 2019

Greguería n° 138

" Hay en los andenes unos hombres " idos " y, sin embargo, estacionados allí que esperan que llegue en un tren un niño que no nació."
" Il y a sur les quais quelques hommes " qui déménagent " et qui, pourtant, stationnent là, à attendre qu' arrive dans un train un enfant qui n'est jamais né."

mercredi 4 septembre 2019

Greguería n° 137

" En los ojos está el carrete con el número exacto de las microfotografías que podremos hacer a lo largo de la vida."
" Dans les yeux il y a une pellicule avec le nombre exact de microphotographies que nous pourrons faire au cours de la vie."

mardi 3 septembre 2019

Greguería n° 136

À Théophile, en espérant qu'il aimera mots et lettres !
" El señor I... iba tan tranquilo cuando los ladrones le asaltaron y se convirtió en el señor Y."
" Monsieur I... marchait bien tranquillement quand les voleurs l'attaquèrent, c'est alors qu'il s'est transformé en monsieur Y."

lundi 2 septembre 2019

Greguería n° 135


" El Zoológico tiene algo de manicomio de animales."
" Le zoo a quelque chose d'un asile d'animaux fous."

dimanche 1 septembre 2019

Greguería n° 134

" Los nietos destiñen a los abuelos."
" Les petits-enfants déteignent sur les grands-parents."

samedi 31 août 2019

Greguería n° 133

" En el hall de los cines el vanidoso se coloca delante del programa y acepta como para él las miradas que son para detrás de él."
" Dans le hall des cinés, le vaniteux se place devant le programme et prend comme s'ils lui étaient destinés les regards qui sont pour ce qui est derrière lui."

Commentaires

1. Le samedi 31 août 2019, 14:33 par gerardgrig
Tout spectacle est plus ou moins immersif. Au cinéma et au théâtre, le spectacle est aussi dans la salle ou dans le hall d'attente. On pourrait même parler du musée. On ne voit pas les tableaux accrochés au musée, mais les gens qui parlent en groupe devant les tableaux. C'est le sort de la Joconde au Louvre.
2. Le lundi 16 septembre 2019, 18:07 par Philalèthe
Souvent aujourd'hui les oeuvres dans les musées ne sont qu'un fond pour les selfies. Le vaniteux de Ramón ne se détache plus : le modeste  circule sur fond de vanités.

vendredi 30 août 2019

Greguería n° 132

" Ningún orgullo como el de ese que en la desgracia repite : " Eso no le pasa más que a mí ""
" Pas d'orgueil pire que celui de qui dans le malheur répète : " Ça, ça n'arrive jamais qu' à moi." "

Commentaires

1. Le vendredi 30 août 2019, 14:54 par gerardgrig
Dans ce type d'assertion, il y a un contenu de réalité objective, ne serait-ce que quand les malheurs arrivent en nuage. C'est tellement exact que ce sont aussi les autres qui disent de vous que cela n'arrive qu'à vous. Détenir la vérité rend orgueilleux. C'est aussi le revers du stoïcisme. En disant à l'individu qu'il est cause de ses malheurs, on lui accorde une importance démesurée. La sagesse populaire dit aussi que celui qui a des malheurs à répétition les cherche. Tout cela est affaire de psychologie, mais sur un plan épistémique on retrouve la logique du principe d'identité. Cela n'arrive qu'à moi, puisque le monde est ce qu'il est.
2. Le vendredi 30 août 2019, 17:02 par Philalèthe
Les malheurs dont se plaint l'orgueilleux de Ramón n'en sont pas pour le stoïcien, ils sont comme toute la réalité, nécessaires et justifiés. Le seul malheur est le mauvais usage de la raison, conduisant à appeler à tort malheureux ou heureux des événements qui, bien compris, ne causent en rien directement l' insatisfaction ou la satisfaction. Que les événements nous tombent dessus sans aucune responsabilité ou qu'on ait une part dans leur survenue est une distinction qu'on peut garder dans le stoïcisme mais la chose certaine est que le jugement qualifiant ces événements de malheureux ou non est de notre totale responsabilité. Le stoïcisme n'a donc pas eu le problème de la théodicée à régler, c'est-à-dire celui de savoir comment un dieu juste est compatible avec les malheurs injustes, pour faire vite. Car le stoïcisme ne reconnaît pas de malheur injuste ; l'expérience du malheur est toujours causée par une erreur qu'on n'aurait pas commise si on avait mieux contrôlé ses jugements. En juger ainsi ne donne un plaisir d'orgueil que pour celui qui ne comprend pas que la possibilité d'un jugement vrai est donné à tout homme.
3. Le jeudi 17 octobre 2019, 15:17 par gerardgrig
Cela ne pose-t-il pas le problème de l'indifférence aux maux que l' on cause à autrui ? On peut se dire que s'il est éduqué au stoïcisme, il le prendra forcément bien.

Être sous l'ombre d'arbres encore lointains.

C'est un prisonnier de la caverne platonicienne, à demi-éclairé toutefois, à qui Jules Renard, sans le savoir, donne sa voix, quand il écrit à la date du 14 novembre 1887 :
" Parfois, tout, autour de moi, me semble si diffus, si tremblotant, si peu solide que je m'imagine que ce monde-ci n'est que le mirage d'un monde à venir, sa projection. Il me semble que nous sommes encore loin de la forêt et que, bien que l'ombre des grands arbres déjà nous enveloppe, nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant de marcher sous leur feuillage." (Journal, Gallimard, 1935, p. 14)

jeudi 29 août 2019

Greguería n° 131

" Un beso no es una huella, es una perforación."
" Un baiser n'est pas une empreinte, c'est une perforation."

Rapprochement spatial , rapprochement mental.

Dans une réflexion sur un voyage de Laval aux États-Unis, Georges Canguilhem écrit dans les Libres Propos en novembre 1931 :
" Jamais les hommes n'ont été spatialement si proches par les avions, les chemins de fer, les transatlantiques, la télégraphie, jamais peut-être ils n'ont été si extérieurs les uns aux autres par les tarifs et les traités, les intérêts et les prestiges. La capacité d'information n'a d'égale que l'incapacité d'objectivité. On se réjouit de pouvoir contrôler incessamment qu'est bien vrai ce qui se dit. Mais à quoi bon, s'il n'est pas dit que ce soit vrai ?" (Écrits philosophiques et politiques 1926-1939, Vrin, 2011, p. 375)
Le rapprochement qui fait défaut selon ce texte est certes politique, social, économique, mais le manque d'un tel rapprochement paraît fondé sur le manque de partage des mêmes vérités objectives, et non bien sûr des mêmes croyances, le partage des mêmes croyances étant ordinaire. Les esprits alors ne se rapprochent que s'ils ont connaissance des mêmes vérités. Mais quand est-ce possible ? À travers le partage des connaissances scientifiques et à travers celui des croyances basiques sur lesquelles Wittgenstein réfléchit dans De la certitude. Ainsi croyons-nous tous que la Terre n'est pas apparue le jour où nous sommes nés. À travers la philosophie, il n'y a pas de tel rapprochement, le scepticisme venant ajouter de la division aux divisions doctrinales et conceptuelles. Et, bien sûr, il ne faut surtout pas poser philosophiquement le problème de la science pour pouvoir écrire en toute naïveté que les sciences fournissent des connaissances objectives...

mercredi 28 août 2019

Greguería n° 130

" La tarde era tan infantil que los aviones que planeaban sobre el jardín parecían cometas unidas por un hilo a la mano de los niños."
" L'après-midi était tellement pour les enfants que les avions qui planaient au-dessus du jardin semblaient des cerfs-volants reliés par un fil à leur main."