dimanche 22 décembre 2019

Greguería n° 243

" Descartes : el que se descartó de muchas ideas para quedarse sólo con las buenas."
" Descartes : s'écarta de beaucoup d'idées pour garder seulement les bonnes."
Encore une traduction qui laisse à désirer... Descartar en espagnol veut dire écarter.

Commentaires

1. Le lundi 23 décembre 2019, 15:04 par gerardgrig
Il est toujours intéressant d'étudier pourquoi on limite un philosophe à une réflexion sur son nom. Quand on interrogeait Jules Renard sur Nietzsche, il disait qu'il y avait plein de lettres qui ne se prononcent pas dans son nom. Chez Ramón, le doute n'était pas cartésien. Comme Valéry, il aurait plutôt dit que le doute mène à la forme.
2. Le mercredi 25 décembre 2019, 16:56 par gerardgrig
Pierre Bayard a écrit "Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?". L'une des solutions pourrait être de méditer sur le nom de l'auteur. Ramón semble suggérer que si l'on parle autant des philosophes, c'est parce que presque tout le monde ne les connaît que de nom.

samedi 21 décembre 2019

Greguería n° 242

" Los niños gustan tanto del tobogán porque así quisieran de fácil su futura vida."
" Si les enfants prennent tant de plaisir au toboggan, c'est qu'ils voudraient que leur vie à venir soit aussi facile."

vendredi 20 décembre 2019

Greguería n° 241

" La inmortalidad de la rosa es que es la hermana gemela de las rosas futuras."
" L' immortalité de la rose vient de ce qu'elle est la soeur jumelle des roses futures."

jeudi 19 décembre 2019

Greguería n° 240

"¡ Que tragedia ! Envejecian sus manos y no envejecian sus sortijas. "
" Quelle tragédie ! Ses mains vieillissaient mais ses bagues ne vieillissaient pas."

mercredi 18 décembre 2019

Greguería n° 239

" Si el perro hablase, seria el mas terrible de los aduladores."
" Si le chien parlait, il serait le plus terrible des adulateurs."

mardi 17 décembre 2019

Greguería n° 238

" La ametralladora suena a maquina de escribir de la muerte."
" La mitrailleuse a des airs de machine à écrire de la mort."

lundi 16 décembre 2019

Greguería n° 237


" Lo maravilloso es que miramos por los ojos como si no tuviesemos ojos. "
" Le merveilleux, c'est que nous regardons à travers nos yeux comme si nous n'avions pas d'yeux."

dimanche 15 décembre 2019

Greguería n° 236

" ¡ Qué hubiera pasado si hubiese habido huelgas cuando existían las sillas de mano y los pajes huelguistas hubiesen dejado a sus señoras en medio del camino ! "
" Que se serait-il passé s'il y avait eu des grèves au temps des chaises à porteurs et si les valets grévistes avaient laissé leurs maîtresses au beau milieu du chemin ? "

samedi 14 décembre 2019

Greguería n° 235

" Se ponía los guantes, pero eran tan bellas sus manos, que las manos se quedaban fuera y los guantes dentro. "
" Elle se mettait des gants, mais ses mains étaient si belles que ce qui restait à l'extérieur, c'était elles et non les gants."

vendredi 13 décembre 2019

Comment être une victime intéressante ?

Wittgenstein écrit à propos de la notion freudienne de " scène primitive " :
" Celle-ci comporte l'attrait de donner à la vie de chacun une sorte de canevas tragique. Elle est tout entière la répétition du même canevas qui a été tissé il y a longtemps. Comme un personnage tragique exécutant les décrets auxquels le Destin l'a soumis à sa naissance, il l y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles sérieux - si sérieux qu'ils peuvent conduire à des idées de suicide. Une telle situation est susceptible d'apparaître à l'intéressé comme quelque chose de néfaste, quelque chose de trop odieux pour faire le thème d'une tragédie. Et il peut ressentir un immense soulagement si on est en mesure de lui montrer que sa vie a plutôt l'allure d'une tragédie - qu'elle est l'accomplissement tragique et la répétition d'un canevas qui a été déterminé par la scène primitive. " (Leçons et conversations, Folio Essais, 1992, p. 104-105)
Dans Les superbes (1933), Jules Romains présente ainsi la manière dont une femme adultère voit ses difficultés à céder à son amant :
" Une autre formule ne lui déplaisait pas. C'était d'admettre qu'elle était " le siège d'un conflit ". Être " le siège d'un conflit " n'a rien de déshonorant. C'est au contraire un signe de distinction, presque un privilège de classe. On ne conçoit guère qu'une femme du peuple soit le siège d'un conflit. (...) Même dans la bourgeoisie moyenne, les conflits doivent s'ébaucher tout juste ; ou tourner court. En tout cas, " être le siège d'un conflit " entre dans la définition de l'héroïne littéraire, et plus généralement de la femme intéressante. Du point de vue moral, si c'est une rançon de la faute, ce n'est pas loin d'en être une excuse. Enfin le propre d'un conflit est qu'il tend à se résoudre. Et les exemples littéraires nous donnent l'assurance secrète qu'il se résout neuf fois sur dix dans le sens du désir. Il est à présumer qu'alors la plus grande partie des troubles qui l'accompagnent disparaissent avec lui. L'on doit sourire, ce jour-là, de s'être crue atteinte d'une infirmité." (Les hommes de bonne volonté, Laffont, 1988, p. 651)
Bien sûr les deux textes ne disent pas la même chose. Entre autres, le texte du romancier introduit l'idée d'une distinction sociale, plaisante pour l'amour-propre. De ce point de vue, la justification par la scène primitive freudienne certes distingue aussi, mais sans le préalable d'une condition sociale aristocratique : en somme, elle démocratise l'accès au noble. Ajoutons que si le personnage de Jules Romains est rassuré par l'idée qu' un conflit est potentiellement réglable, la référence à la scène primitive emporte avec elle une nécessité autrement contraignante. Mais l'idée commune aux deux est que ce qui pourrait être interprété comme un signe de faiblesse , par exemple d'un manque de volonté, est au contraire non une marque de force mais d' élévation. Cette élévation est réalisée par l'identification de la personne à un Type glorieux, qu'il s'agisse du héros tragique ou de l'aristocrate à la hauteur dans sa vie de la figure littéraire. Dans les deux cas, la victime perd de son insignifiance et gagne en valeur.

Commentaires

1. Le samedi 14 décembre 2019, 11:27 par gerardgrig
Dans la gregueria du lit préparé pour nous faire subir l'opération du sommeil, Ramón semble regretter de ne pas être un héros de tragédie, qui ne dort ni ne mange.
2. Le lundi 16 décembre 2019, 16:20 par Arnaud
Wittgenstein a vu juste en estimant que « la psychanalyse est avant tout à la recherche de la « bonne histoire », c’est-à-dire celle qui, une fois acceptée par le patient, produira l'effet thérapeutique cherché et que ni l'accord du patient ni même le succès thérapeutique ne prouvent par eux-mêmes que cette histoire soit vraie ou même ait besoin d'être vraie » (Bouveresse, Philosophie, mythologie et pseudo-science, Wittgenstein lecteur de Freud, p.66 ). Si l'on adopte cette perspective, l'argument bien connu de Freud (cf. Métapsychologie) selon lequel l'hypothèse de l'inconscient est « nécessaire et légitime » ou selon lequel son existence est par là établie, parce qu'on peut fonder sur elle « une pratique couronnée de succès », devient fort fragile...
3. Le dimanche 22 décembre 2019, 17:49 par Philalèthe
Merci, Arnaud, pour cette contextualisation.  
Oui,  bien sûr, ce qui permet de rapprocher l'analyste du romancier : ils ont l'art d'écrire des vies qui plaisent. Reste que c'est une formidable révision à la baisse de la  psychanalyse de l'interpréter ainsi. 
4. Le dimanche 22 décembre 2019, 17:56 par Philalèthe
Je n'ai pas lu, Gérard, cette greguería de la même façon que vous : j'y ai vu un lit apprêté avec une précision chirurgicale.
5. Le lundi 23 décembre 2019, 15:13 par gerardgrig
Le procédé de Ramón fonctionne donc très bien. Il fait toujours la guerre aux mots, parce qu'ils ont un sens. L'idéal de sa quête métaphysique, ou plutôt antimétaphysique, c'est le jeu de mots, le "comprend-qui-pourra", la blague basique de café.