samedi 22 juin 2013

La Forme et l'aimé.

Lisant le Phédon de Platon, je découvre une comparaison originale, dans la bouche de Socrate s'adressant à Simmias :
" Tu sais bien ce qu'éprouvent les amants à la vue d'une lyre, d'un manteau ou de n'importe quel objet utilisé habituellement par celui qu'ils aiment : dès qu'ils prennent connaissance de la lyre, aussitôt ils forment dans leur pensée l'idée du garçon à qui la lyre appartient. Eh bien, c'est cela, une réminiscence. " ( éd. Brisson, 73d )
Platon présente ici une analogie : l'aimé est à l'objet qu'il possède (et qui fait naître dans l'amant l' image de l'aimé) ce que la Forme (ou l' Idée) est à la chose particulière qui l'instancie, qui l'exemplifie (par exemple tel homme par rapport à la Forme de l' homme). De même que l'amant peut penser à l'aimé parce qu' il en a le souvenir, même si dernier n'est plus sous ses yeux, de même l'âme peut penser à la Forme, parce qu'elle l'a connue dans un temps antérieure. Dans les deux cas, la pensée de la réalité matériellement absente passe par la médiation de la perception d'une chose qui est donnée, là, sous les yeux, sous la main.
Ainsi le philosophe, tel l'amoureux, aime les Formes ; les choses, les êtres particuliers qui l'entourent, qu'il perçoit, ne sont que les voies d'accès à ces Formes.
À partir de là, on peut s'amuser à dire : celui qui ne voit dans la chose concrète rien d'autre qu'elle-même est comme un amoureux fétichiste, qui par exemple prend tel mouchoir de son amie pour substitut de cette dernière au lieu de voir en elle la trace de l'amie et de partir à sa recherche.
Les non-philosophes, comme les fétichistes, ne partent pas à la chasse ; ils s'en tiennent à ce qu'ils voient.

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