Diogène consacre quelques pages aux amours de Platon. Lisons les quelques épigrammes que Platon est censé avoir écrites à ceux qu’il aimait.
« Tu contemples les astres, mon Aster ; puissé-je être le ciel, pour te contempler avec des yeux innombrables. » (III 29)
Aster veut dire « étoile » en grec: Luc Brisson ne sait pas si le mot est un nom propre ou si la métaphore de l’astre illustre la beauté de Phèdre. Quant à l’activité de cet Aster, elle n’aurait rien à voir avec l’intérêt qui fit chuter Thalès mais serait seulement le produit d’un jeu de mots, un peu comme si l’on écrivait : « Que fait une star ? Elle regarde les étoiles. »
Reste que ce texte, involontairement sans doute, illustre clairement la position de l’amant par rapport à l’aimé. Le premier regarde le second qui ne le regarde pas...
On peut lire ces vers aussi à la lumière de l’allégorie de la Caverne. Cet aimé starifié a, comme le prisonnier au terme de sa longue remontée vers le jour, le regard dirigé vers le haut. Mais l’amant Platon, infidèle à ses aspirations philosophiques, rêve, lui, d’être en haut pour mieux voir ce qui est en bas. Non plus deux yeux pour contempler mille étoiles mais mille étoiles pour contempler deux yeux...
« Aster, jadis tu brillais parmi les vivants, étoile du matin, alors que maintenant, trépassé, tu brilles, étoile du soir, parmi les morts. » (29)
Aster est donc devenu un astre ; Epicure dans la Lettre à Ménécée dit que le sage est comme un dieu parmi les hommes. Platon, comme tous les amants, est assez insensé pour s’imaginer que, sur le fond terne de tous les autres, seul brille l’aimé.