Quel philosophe contemporain oserait aujourd'hui juger Socrate avec la liberté de ton de Bertrand Russell ?
" Le Socrate de Platon fut, durant longtemps, un modèle pour les philosophes qui vinrent après lui. Que devons-nous en penser du point de vue moral ? (Je m'intéresse seulement à l'homme tel que le définit Platon.) Ses mérites sont évidents. Il est indifférent aux succès mondains, dépourvu de crainte au point de rester calme, sociable et gai jusqu'au dernier moment, attachant plus de prix à ce qu'il croit être la vérité qu'à toute autre chose. Il a cependant de graves défauts. Il se montre peu honnête et sophiste dans ses arguments et dans sa pensée intime ; il se sert de son intelligence pour prouver les conclusions qui lui sont agréables plutôt que pour faire une recherche désintéressée de la connaissance. Il y a quelque chose d'un peu forcé et d'onctueux chez lui. Son courage, en face de la mort, aurait été plus remarquable s'il n'avait pas cru qu'il allait jouir d'une éternelle félicité dans la compagnie des dieux. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, il n'était pas scientifique dans ses méthodes de réflexion mais décidé à prouver que l'univers s'accordait avec ses règles éthiques, ce qui est une trahison de la vérité et un grave péché philosophique. Comme homme, nous pouvons croire qu'il fut admis dans la communion des saints mais, comme philosophe, il aurait besoin d'un long séjour dans un purgatoire scientifique." ( Histoire de la philosophie occidentale, p.182-183, Belles-Lettres )
" The Platonic Socrates was a pattern to subsequent philosophers for many ages. What are we to think of him ethically? (I am concerned only with the man as Plato portrays him.) His merits are obvious. He is indifferent to worldly success, so devoid of fear that he remains calm and urbane and humourous to the last moment, caring more for what he believes to be truth than for anything else whatever. He has, however, some very grave defects. He is dishonest and sophistical in argument, and in his private thinking he uses intellect to prove conclusions that are to him agreeable, rather than in a disinterested search for knowledge. There is something smug and unctuous about him, which reminds one of a bad type of cleric. His courage in the face of death would have been more remarkable if he had not believed that he was going to enjoy eternal bliss in the company of the gods. Unlike some of his predecessors, he was not scientific in his thinking, but was determined to prove the universe agreeable to his ethical standards. This is treachery to truth, and the worst of philosophic sins. As a man, we may believe him admitted to the communion of saints; but as a philosopher he needs a long residence in a scientific purgatory."