vendredi 13 mai 2005

Thalès, le spéculateur spéculatif.

« Hiéronymos de Rhodes dit aussi, dans le deuxième livre de ses Mémoires dispersés, que, voulant montrer qu’il était facile de s’enrichir, il loua les pressoirs à huile d’olive alors qu’il prévoyait qu’une importante récolte approchait et amassa de grandes richesses. » (I, 26).
Voilà le démenti qu’inflige Thalès à toutes les servantes. Thalès en homme pratique, tirant parti de la connaissance scientifique du ciel pour faire fructifier ses affaires. Mais ne faisant de l’argent que pour clouer le bec aux détracteurs. Qui peut le plus peut le moins ! C’est d’Aristote peut-être que Diogène Laërce reprend l’anecdote :
« Comme on lui faisait des reproches de sa pauvreté, qu’on regardait comme une preuve de l’inutilité de la philosophie, l’histoire raconte qu’à l’aide d’observations astronomiques et, l’hiver durant encore, il avait prévu une abondante récolte d’olives. Disposant d’une petite somme d’argent, il avait alors versé des arrhes pour utiliser tous les pressoirs à huile de Milet et de Chios, dont la location lui était consentie à bas prix, personne ne se portant enchérisseur. Quand le moment favorable fut arrivé, il se produisit une demande soudaine et massive de nombreux pressoirs, et il les sous-loua aux conditions qu’il voulut. Ayant ainsi amassé une somme considérable, il prouva par là qu’il est facile aux philosophes de s’enrichir quand ils le veulent, bien que ce ne soit pas l’objet de leur ambition. » (Politique A 11, 1259a6 sqq, trad. Tricot)
Démentant d’avance toute interprétation réductrice, Thalès met en évidence que le philosophe dédaigneux de l’argent n’est pas l’homme du ressentiment ! Son mépris n’est pas faiblesse transformée en force mais indice de lucidité (la valeur de l’argent est mesurée à l’aune d’une autre valeur : celle de la connaissance à laquelle il a bel et bien accès). Les vraies richesses sont intérieures ; à la question « qui est heureux ? », il répond :
« Celui qui est sain de corps, plein de richesses en son âme, bien éduqué naturellement. » (I, 37).
Montaigne, lui, a bien compris la leçon :
« Thales accusant quelquefois le soing du mesnage et de s'enrichir, on luy reprocha que c'estoit à la mode du renard, pour n'y pouvoir advenir (ces contradicteurs avaient pu lire Esope mais pas encore Phèdre, encore moins La Fontaine !). Il luy print envie par passetemps d'en montrer l'experience, et ayant pour ce coup ravalé son sçavoir au service du proffit et du gain, dressa une trafique, qui dans un an rapporta telles richesses, qu'à peine en toute leur vie, les plus experimentez de ce mestier là, en pouvoient faire de pareilles. » ( Essais Livre I, chap. XXV Du pédantisme)
Il exagère un peu en transformant le très peu affairé Thalès en champion des affairistes. Mais, grand lecteur de Diogène Laërce et ô combien illustre modèle, Montaigne reste tout de même dans le droit fil d’Aristote.

jeudi 12 mai 2005

Thalès mis en fable.

La Fontaine a aussi choisi le parti de la jeunette, mais celle-ci désormais se cache sous la figure anonyme du « on » et la vignette originale de François Chauveau ne représente pas une jeune femme mais deux hommes âgés qui entre eux tirent manifestement la leçon de la chute. Ainsi la condamnation a gagné en maturité et en objectivité. Mais ce n’est pas seulement la « garce milésienne » qui a changé de traits, c’est aussi Thalès lui-même qui perd ceux du philosophe pour se métamorphoser en astrologue :
« Un astrologue un jour se laissa choir Au fonds d’un puits. On lui dit : Pauvre Bête, Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? » ( Fables II, 13 L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits )
Certes Diogène Laërce nous apprend que Thalès était astronome et lui attribue même des découvertes importantes :
« Selon certains, il semble avoir été le premier à s’être adonné à l’astronomie et à avoir prédit les éclipses solaires (et les solstices) comme le dit Eudème dans son Histoire des connaissances astronomiques (…) Le premier aussi il découvrit le passage (du soleil) d’un tropique à l’autre et, selon certains, il fut le premier à dire que la dimension du soleil - par rapport au cercle héliaque, tout comme la dimension de la lune – (le passage entre crochets a été reconstitué par Diels) par rapport au cercle lunaire, représentait un sept-cent-vingtième » (I, 23-24)
Comme l’astrologue donc, il fait des prédictions. Cependant ce que La Fontaine attaque dans cette fable, ce n’est pas le calcul de l’astronome mais la prophétie de l’astrologue :
« Le firmament se meut ; les astres font leur cours, Le soleil nous luit tous les jours, Tous les jours sa clarté succède à l’ombre noire, Sans que nous puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d’éclairer, D’amener les saisons, de mûrir les semences, De verser sur les corps certaines influences. »
Thalès ne faisait qu’ « inférer la nécessité » de tel ou tel événement céleste. Rien chez lui ne donne prise à la violente condamnation de la Fontaine :
« Charlatans, faiseurs d’horoscopes, Quittez les cours des princes de l’Europe. »
Dans la controverse sur l’astrologie, La Fontaine est donc du côté des adversaires. Certes sa critique n’est guère moderne : c’est l’impénétrabilité de la Providence divine qu’il oppose à la volonté de ceux qui pensent percer les mystères de l’avenir.
« Quant aux volontés souveraines De celui qui fait tout, et rien qu’avec dessein, Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ? Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? A quelle utilité ? Pour exercer l’esprit De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ? Pour nous faire éviter des maux inévitables ? Nous rendre dans les biens de plaisir incapables ? Et causant du dégoût pour ces biens prévenus, Les convertir en maux devant qu’ils soient venus ? C’est erreur, ou plutôt c’est crime de le croire. »
C’est au fond parce que la Providence est très providentielle que la possibilité n’a pas été donnée à l’homme de lire son avenir dans les figures des astres. Mais c’est aussi parce que le hasard existe : fort rationnellement alors, La Fontaine met bien en évidence que par définition le hasard exclut la prévision (la statistique est loin...).
« Or du hasard il n’est point de science : S’il en était, on aurait tort De l’appeler hasard, ni fortune, ni sort, Toutes choses très incertaines. »
Ce hasard, il semble que Thalès ne lui ait guère donné de réalité. En effet Diogène lui attribue une série d’apophtegmes, dont celui-ci :
« Le plus puissant de tous les êtres : la Nécessité, car elle maîtrise toutes choses. » (35)
La liberté humaine semble même avoir été exclue par lui :
« Quelqu’un lui demanda si un homme pouvait commettre une injustice à l’insu des dieux. « Il ne peut même pas en avoir l’idée (à leur insu), dit Thalès. » (36)
Philosophie d’astronome, pensera-t-on. Et certes de l’astronomie à l’astrologie, il y a eu longtemps passage et chez les meilleurs. Mais rien ne suggère pourtant que Thalès ait donné prise aux vitupérations de La Fontaine.

mercredi 11 mai 2005

Thalès à la sauce de Montaigne.

Je vais passer d’Epicure à Thalès, d’une philosophie hellénistique à une sagesse présocratique. Autrement dit, du dernier livre des Vies et doctrines des philosophes illustres au premier. Ce livre I est consacré aux Sages. Leur nombre et leur identité sont discutés, mais malgré les divergences que Diogène rapporte précisément (I, 40-44, trad. de Richard Goulet), le chiffre de sept est retenu et Thalès est présenté comme le premier d’entre eux. L’appeler sage, c’est lui donner un titre qui le met au-dessus des philosophes. Le sage détient la sagesse alors que le philosophe y tend. D’après Diogène Laërce, c’est Pythagore qui aurait le premier fait la distinction :
« (il considérait que) nul (homme) n’est sage, si ce n’est Dieu. La philosophie était trop facilement appelée « sagesse » et « sage » celui qui en fait profession – celui qui aurait atteint la perfection dans la pointe extrême de son âme -, alors qu’il n’est que « philosophe » celui qui chérit la sagesse. » (I, 12)
On sait aujourd’hui qu’en réalité c’est dans les dialogues de Platon qu’on découvre pour la première fois la notion de « philosophie » mais Platon lui-même cite Thalès comme le premier des sept sages ( Protagoras 343a). Mais surtout, à travers une anecdote rapportée aussi par Diogène, il fait de la conduite de Thalès l’emblème de la conduite philosophique. Voici d’abord la version la plus tardive de la chute de Thalès :
« On dit que conduit hors de la maison par une vieille femme pour observer les astres, il tomba dans un trou et que la vieille lui dit, en l’entendant se lamenter. « Eh bien Thalès, tu n’es pas capable de voir où tu mets les pieds et tu prétends connaître les choses du ciel. » (I, 34)
Thalès n’a pas le beau rôle : il se plaint et surtout il est conduit par une vieille femme qui semble donc le guider. Or, « il disait en effet, à ce qu’on rapporte, qu’il était reconnaissant à la Fortune pour les trois motifs suivants: « D’abord parce que je suis né homme et non bête sauvage, ensuite homme et non femme, troisièmement grec et non barbare. » (I, 33) Dans le Théétète de Platon, Thalès se retrouve aussi avec une femme mais celle-ci joue le rôle qui lui revient si l’on se fie à la hiérarchie de Thalès !
« Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette ( Léon Robin traduit : « toute mignonne et pleine de bonne humeur », on est très loin de la vieille femme), de le railler, ce dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe au ciel, lui qui ne savait voir ce qu’il avait devant lui, à ses pieds. » (174a, trad. de Diès)
Cette bonne, venue de la campagne, à l’intelligence courte, va symboliser l’incompréhension ordinaire dont est victime le philosophe, représenté ici excellemment par Thalès :
« Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher. C’est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s’il est homme ou s’il appartient à quelque autre bétail. Mais qu’est-ce que l’homme, par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou sa passivité propres, voilà quelle est la recherche et l’investigation à laquelle il consacre ses peines. » (174ab)
En somme le philosophe « dans la lune » est le dernier avatar de Thalès. On comprend certes que "ne pas avoir les pieds su terre" est presque un devoir s’il y a quelque chose à découvrir au Ciel mais si le Ciel est vide ? Faut-il se moquer ou non de Thalès ?

lundi 9 mai 2005

Du dernier des philosophes au premier des sages.

Je vais passer d’Epicure à Thalès, d’une philosophie hellénistique à une sagesse présocratique. Autrement dit, du dernier livre des Vies et doctrines des philosophes illustres au premier. Ce livre I est consacré aux Sages. Leur nombre et leur identité sont discutés, mais malgré les divergences que Diogène rapporte précisément (I, 40-44, trad. de Richard Goulet), le chiffre de sept est retenu et Thalès est présenté comme le premier d’entre eux. L’appeler sage, c’est lui donner un titre qui le met au-dessus des philosophes. Le sage détient la sagesse alors que le philosophe y tend. D’après Diogène Laërce, c’est Pythagore qui aurait le premier fait la distinction :
« (il considérait que) nul (homme) n’est sage, si ce n’est Dieu. La philosophie était trop facilement appelée « sagesse » et « sage » celui qui en fait profession – celui qui aurait atteint la perfection dans la pointe extrême de son âme -, alors qu’il n’est que « philosophe » celui qui chérit la sagesse. » (I, 12)
On sait aujourd’hui qu’en réalité c’est dans les dialogues de Platon qu’on découvre pour la première fois la notion de « philosophie » mais Platon lui-même cite Thalès comme le premier des sept sages ( Protagoras 343a). Mais surtout, à travers une anecdote rapportée aussi par Diogène, il fait de la conduite de Thalès l’emblème de la conduite philosophique. Voici d’abord la version la plus tardive de la chute de Thalès :
« On dit que conduit hors de la maison par une vieille femme pour observer les astres, il tomba dans un trou et que la vieille lui dit, en l’entendant se lamenter. « Eh bien Thalès, tu n’es pas capable de voir où tu mets les pieds et tu prétends connaître les choses du ciel. » (I, 34)
Thalès n’a pas le beau rôle : il se plaint et surtout il est conduit par une vieille femme qui semble donc le guider. Or, « il disait en effet, à ce qu’on rapporte, qu’il était reconnaissant à la Fortune pour les trois motifs suivants: « D’abord parce que je suis né homme et non bête sauvage, ensuite homme et non femme, troisièmement grec et non barbare. » (I, 33) Dans le Théétète de Platon, Thalès se retrouve aussi avec une femme mais celle-ci joue le rôle qui lui revient si l’on se fie à la hiérarchie de Thalès !
« Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette ( Léon Robin traduit : « toute mignonne et pleine de bonne humeur », on est très loin de la vieille femme), de le railler, ce dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe au ciel, lui qui ne savait voir ce qu’il avait devant lui, à ses pieds. » (174a, trad. de Diès)
Cette bonne, venue de la campagne, à l’intelligence courte, va symboliser l’incompréhension ordinaire dont est victime le philosophe, représenté ici excellemment par Thalès :
« Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher. C’est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s’il est homme ou s’il appartient à quelque autre bétail. Mais qu’est-ce que l’homme, par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou sa passivité propres, voilà quelle est la recherche et l’investigation à laquelle il consacre ses peines. » (174ab)
En somme le philosophe « dans la lune » est le dernier avatar de Thalès. On comprend certes que "ne pas avoir les pieds su terre" est presque un devoir s’il y a quelque chose à découvrir au Ciel mais si le Ciel est vide ? Faut-il se moquer ou non de Thalès ?

dimanche 8 mai 2005

Diogène Laërce commenté par Nietzsche : Épicure/Platon.

Dans la partie où Diogène présente les calomnies dont Epicure a été l’objet, il écrit :
« Quant aux platoniciens, il les appelait « flatteurs de Denys » (X, 8)
Platon fut en effet l’ami de Dion, beau-frère du tyran Denys de Syracuse, et il tenta de gagner à ses idées politiques le tyran Denys le Jeune. Nietzsche commente précisément ce passage dans Par-delà le bien et le mal en 1886 :
« Que les philosophes peuvent être méchants ! Je ne sais rien de plus venimeux que la plaisanterie que s’est permise Epicure à propos de Platon et des platoniciens : il les appelait « dionysiokolakes », ce qui signifie, au sens premier et littéral du mot : flatteurs de Denys, c’est-à-dire domestiques de tyran et lécheurs de bottes ; mais cela veut dire encore : « ce ne sont tous que des comédiens, sans rien d’authentique » (car dionysiokolax était le sobriquet populaire qu’on donnait au comédien) : et c’est ce dernier sens qui fait à proprement parler la méchanceté du trait d’Epicure contre Platon : il s’irritait de la mise en scène et des airs majestueux auxquels s’entendaient si bien Platon et ses disciples et dont il était incapable, lui, le vieux pédagogue de Samos, qui, tapi dans son jardinet d’Athènes, écrivit trois cents livres, peut-être par colère contre Platon, qui sait ? Et par esprit d’émulation ? Il fallut cent ans pour que la Grèce découvrît enfin qui était en réalité ce dieu des jardins, Epicure. Mais le découvrit-elle vraiment ? » (Des préjugés des philosophes, 7)
Mais ne nous trompons pas, sous cette défense apparente de Platon, Nietzsche est du côté d’Epicure. Ce qu’Epicure et Nietzsche ont eu en commun, c’est le refus de croire dans un autre monde qui justifierait et expliquerait le nôtre. Platon l’a décrit sous le nom de monde des Idées (eidos) et Nietzsche en traque la représentation sous toutes les métamorphoses. Certes il ne traite pas Platon de dionysiokalax mais il écrit en 1885 dans la préface de l’ouvrage déjà cité :
« La plus grave, la plus tenace et la plus dangereuse de toutes les erreurs a été celle d’un dogmatique, de Platon, l’inventeur de l’esprit pur et du Bon en soi. »
Dans les dernières lignes qu’il consacre à Platon, il est encore plus direct et plus dur :
« Platon est lâche devant la réalité – par conséquent il se réfugie dans l’idéal. » (Le crépuscule des idolesCe que je dois aux anciens, 2)
Mais dans cette fin d’œuvre, Epicure lui-même se trouve réduit à être un représentant de la décadence et ainsi étrangement rapproché des chrétiens :
« Ainsi j’ai appris à comprendre Epicure, l’opposé d’un Grec dyonisien, et aussi le chrétien qui, de fait, n’est qu’une sorte d’épicurien et qui avec son principe « la foi sauve » ne fait que suivre le principe de l’hédonisme aussi loin que possible – jusque par-delà toute probité intellectuelle. » (Nietzsche contre Wagner)
Les philosophes ne sont pas méchants entre eux mais toute philosophie se bâtit sur les ruines de plusieurs autres.

samedi 7 mai 2005

Épicure, le dernier verre.

« Il est mort d’une rétention d’urine causée par la pierre, comme le dit Hermarque dans ses lettres, après une maladie qui a duré quatorze jours ; Hermippe raconte qu’alors il entra dans une baignoire de bronze tempérée d’eau chaude, demanda du vin pur et l’avala. Après avoir enjoint à ses amis de se remémorer ses doctrines, ainsi mourut-il » (X, 15)
Jean-François Balaudé a-t-il raison de qualifier la mort d’Epicure de « mort ordinaire comparée à tant d’autres morts de philosophes » ? N’est-ce pas plus une mort épicurienne qu’une mort banale ? D’abord elle partage avec les autres morts philosophiques le fait d’être la dernière leçon. Non seulement le philosophe a toute sa tête mais ses ultimes paroles confirment sa vie entière. Ensuite si cette mort n’est pas une démonstration de la force de la volonté mais bien plutôt l’aboutissement d’une maladie, n’est-ce pas parce l’école épicurienne n’a pas pour héros Hercule ? Enfin cette mort est pleinement philosophique car il n’est pas le premier qui meurt d’avoir bu du vin pur. Par ordre, il y a d’abord Stilpon :
« Hermippe dit que Stilpon mourut âgé, après avoir bu du vin afin de mourir plus vite. » (II, 120 trad. de Marie-Odile Goulet-Cazé)
A la lumière de ce texte, on peut imaginer qu’Epicure, en buvant le vin non coupé d’eau, se suicide. Ce n’est pas l’occasion d’une ultime jouissance mais une douce euthanasie. C’est aussi le signe de la frugalité du philosophe qu’un simple verre de vin pur puisse le tuer, certes c’est tout autant l’indice d’une immense faiblesse physique. Ensuite il y a Arcésilas :
« Il mourut fou, selon Hermippe, pour avoir bu trop de vin pur. » (IV, 44 trad. de Tiziano Dorandi)
Etrange mort que celle-ci : un sage qui finit fou, rien à voir avec celle d’Epicure, sauf l’usage du vin pur, mais ici en excès. Enfin la mort de Chrysippe, déjà commentée (note du 19-04-05). Ici aussi, peu de vin mais un mortel vertige ; reste que c’est dans le cadre d’un sacrifice que Chrysippe boit l’alcool fatal alors qu’Epicure le fait en étant dans sa baignoire. Cette différence illustre magistralement ce qui sépare le stoïcien de l’épicurien : le premier vit au sein de la cité, le second se retire dans ses appartements. A elles quatre, ces morts composent un singulier éloge du mélange et de l’eau ! Aujourd’hui encore, c’est Nietzsche qui aura le dernier mot.
« Je ne saurais conseiller assez énergiquement l’abstention absolue de l’alcool à toutes les natures d’espèce spirituelle. L’eau fait l’affaire… J’ai une prédilection pour les endroits où l’on a partout l’occasion de puiser de l’eau à des fontaines (Nice, Turin, Sils) ; un petit verre d’eau me court après comme un chien. In vino veritas : il semble bien que pour la notion de « vérité » me voilà encore en désaccord avec tout le monde. Chez moi l’esprit plane au-dessus de l’eau… » (Ecce Homo Pourquoi je suis si malin 1)
On se rappelle certes que Socrate philosophe tout en buvant mais cela veut seulement dire qu’il a par la force de la volonté réussi à transformer, à l’inverse du Christ, le vin en eau…

vendredi 6 mai 2005

Épicure, maître des cérémonies.

Dans son testament, Epicure institue une réunion mensuelle, précisément le vingt de chaque mois de Janvier, dans le but de célébrer sa mémoire. Cette auto-commémoration ne me rappelle en rien les mœurs des autres écoles. J’ai plutôt le souvenir de cités érigeant des statues en l’honneur des philosophes disparus. Mais cette impression de culte du chef s’atténue quand on apprend que ce n’est pas seulement en son honneur qu’Epicure organise ce rite mais aussi pour rendre hommage à Métrodore. Diogène Laërce n’est guère éclairant sur Métrodore de Lampsaque ; c’est un disciple « parmi les plus remarquables » (X, 24) ; il meurt sept ans avant Epicure à 53 ans et ce dernier écrit un livre qui porte son nom. C’est aussi à Polyainos, autre disciple, et à ses trois frères qu’il consacre un jour de célébration : pour Polyainos au mois d’août et pour ses frères en décembre. Si Epicure n’a laissé aucun ouvrage sur Polyainos, en revanche il a fait du nom de chacun de ses frères le titre d’une œuvre : AristobuleNéoclésChérédème. Ce n’est pas népotisme mais conversion opérée dans le cadre de la famille.
« Ses trois frères pratiquaient la philosophie avec lui, sur ses injonctions » ( 3)
Moins esprit de famille qu’esprit philosophique partagé par les membres d’une même famille. En somme, Epicure institue un rite d’hommage aux philosophes les plus véridiques : ni culte des amis, ni culte de la Vérité mais culte des amis en tant qu’ils sont porteurs de la Vérité. L’année est ainsi ponctuée de tendres rappels à l’ordre. A travers le souvenir de l’ami se réaffirme l’adhésion au Vrai. Une clause du testament met nettement en relief qu’il ne faut s’attacher aux membres de la famille que dans la mesure où ceux-ci s’attachent à Epicure :
« Qu’Amynomaque et Timocrate prennent soin du fils de Métrodore, Epicure, et du fils de Polyainos, pourvu qu’ils philosophent et vivent dans la compagnie d’Hermarque. » (19)
La fille de Métrodore ne devra pas sortir du cercle mais prendre comme mari un disciple remarqué par Hermarque :
« De même, qu’ils accordent leur soin à la fille de Métrodore, et qu’une fois en âge, ils la donnent en mariage à celui qu’Hermarque, parmi ceux qui philosophent avec lui, aura choisi, pourvu qu’elle soit disciplinée et obéisse à Hermarque. »
C’est la reproduction, au sens bourdieusien du terme ! Ce qui se constitue dans ce souci de régler les relations à l’intérieur du Jardin, à travers ces mesures autant philosophiques que familiales et amicales, c’est un espace privé qui ,avec ses lois et sa perpétuation dans le temps, double l’espace public et en constitue comme un envers rassurant. Le Jardin m’apparaît comme un espace autonome qui garantit à chacun la possibilité de vivre sagement sans crainte des étrangers. Ouvert aux prostituées (Mammarion, Hédéia, Erotion, Nikidion) et aux esclaves ( Mys, Phidias, Lycon, Phaidrion), il est fermé aux événements de l’agora. Il ne correspond pas à une expérience dont les promoteurs viseraient l’extension à l’échelle de la polis tout entière. Il est institué explicitement sur fond de rejet de la politique et de mépris de la foule :
« Ses dispositions (Diogène parle d’Epicure) aussi bien de piété pour les dieux que d’amour pour sa patrie ne peuvent se décrire ; en effet, par excès d’honnêteté, il s’est même gardé de tout contact avec la vie politique. » (10)
L’honnêteté n’étant qu’une des vertus dont cette sagesse attend la tranquillité de l’esprit, ce n’est pas par éthique qu’Epicure et les siens s’enferment entre quatre murs mais par prudence, dans le seul but d’être heureux. Et je pense à ces lignes de Nietzsche, écho déformé mais séduisant de ce que je viens de lire :
« Restez plutôt à l’écart ! Fuyez dans une retraite cachée ! Mettez vos masques et usez de votre subtilité pour qu’on vous prenne pour d’autres ! – ou qu’on vous craigne un peu ! Et surtout n’oubliez pas le jardin, je vous prie le jardin aux grilles dorées ! Et entourez-vous d’hommes qui soient comme un jardin, - ou comme une musique sur l’eau, quand tombe le soir et que bientôt le jour ne sera qu’un souvenir ; choisissez la bonne solitude, la solitude libre, enjouée, légère qui vous donne le droit de rester bons en quelque manière. » (Par-delà le bien et le mal II, 25 trad. de Henri Albert, révisée par Jean Lacoste)
Epicure, seul dans son Jardin avec tous ces faux autres et ces vrais lui-mêmes que sont ses amis. Epicure, seul avec les multiples reflets de son excellence.

jeudi 5 mai 2005

Épicure, un propriétaire.

Diogène Laërce ne sait pas si Epicure est né à Athènes ou dans la colonie athénienne de Samos. Mais, comme il consacre plus de lignes à cette deuxième possibilité, c’est elle que la tradition a retenue. Après diverses pérégrinations, il s’installe à l’ouest d’Athènes, «dans la banlieue » (comme dit un peu anachroniquement Balaudé), au Jardin, une propriété qu’il achète 80 mines (environ 8000 francs-or d’après une note de Robert Genaille) (X, 9). Dès que Laërce évoque le Jardin, il y associe les amis. C’est le lieu d’où Epicure part (rarement) voir ses amis. Mais c’est aussi le lieu vers où ils convergent :
« Eux venaient à lui de toutes parts » (11)
Le Jardin m’apparaît comme un pôle fixe d’attraction dans une Grèce traversée par « une période de troubles graves » C’est en même un lieu d’installation (les amis viennent y vivre) au point que cet endroit me semble être la colonie d’Epicure à l’intérieur d’Athènes ! C’est aussi un territoire unifié par « un régime de vie, le plus frugal et le plus simple ». On y boit généralement de l’eau, quelquefois du vin, sans dépasser alors un quart de litre. Le Jardin fait secte, je n’ai rien trouvé d’équivalent chez les cyniques, les stoïciens ou les sceptiques. Epicure se fixe et fixe autour de lui. Epicure est un propriétaire. Ses amis vivent chez lui :
« Il n’était pas d’avis que l’on dût mettre ses biens en commun, comme Pythagore qui disait qu’entre amis tout est commun. »
La défense de la propriété individuelle ne manque pas d’originalité : c’est parce que les propriétaires sont amis les uns des autres qu’il n’est pas utile d’instituer une propriété collective :
« Un tel précepte ne peut revenir qu’à des gens méfiants et s’ils sont méfiants, ils ne sont pas amis. »
Cette secte est une communauté d’infimes propriétaires solidaires vivant dans le cadre de la propriété épicurienne. Ce qui est à moi sera à toi dès que tu en auras besoin mais tu en auras rarement besoin car ton ordinaire est moins que rien et tes excès un rien :
« Il dit lui-même dans ses lettres qu’il a son content avec seulement de l’eau et du pain de froment et il écrit : « Envoie-moi un pot de fromage, afin que je puisse, quand le voudrai, faire grande chère. »
De ce Jardin j’apprends en lisant le testament d’Epicure qu’il a des dépendances. C’est un curieux texte, ce testament, il n’a rien en tout cas de spirituel. Le maître y lègue très soigneusement ses biens, et précisément le Jardin, à deux inconnus, Amynomaque et Timocrate, dont Richard Goulet pense dans son grand œuvre Le dictionnaire des philosophes antiques qu’ils sont « des sympathisants athéniens de l’école qui acceptaient de servir de gérants pour assurer la continuité matérielle de l’institution. » La raison en est que son successeur à la tête de l’école, Hermarque, étant originaire de Mytilène, ne pouvait hériter légalement du Jardin. Le nouveau maître et « ceux qui philosophent avec lui » en auront seulement l’usufruit. Epicure par ce testament transforme explicitement sa propriété en propriété au service de l’école épicurienne. La transmission continuelle de ce bien de scholiarque à scholiarque est l’acte juridique qui va de pair avec la transmission fidèle de la pensée d’Epicure. Propriété des idées et propriété des choses, Epicure les transmet à sa postérité d’un même mouvement.

mercredi 4 mai 2005

Épicure, trop blanc, trop noir.

Finalement, cette vie d’Epicure est bien embarrassante. La raison en est que Diogène a choisi son camp. Comme jamais jusqu'à présent, il est, sans nuances, du côté des apologistes. D’où à la fois l’hyperbole de l’éloge et la médiocrité des accusations. Cet Epicure ne m’offre pas de prises : trop petit ou trop grand, il ne fait rien d’énigmatique. J’aime bien le gris et je ne trouve ici que du blanc et du noir. Le noir n’est même pas amusant: a)il a écrit des lettres licencieuses b)il a prostitué un de ses frères c)il a eu des relations avec des prostituées d)il reprend à son compte les doctrines des autres e)il est flagorneur f)il est ignorant g)il vomit deux fois par jour en raison de ses excès, etc. Le blanc est bien fade :
« Sur cet homme en effet, on a suffisamment de témoignages de son insurpassable bienveillance envers chacun : sa patrie, qui l’a honoré de vingt statues, ses amis, si nombreux que des villes entières ne suffiraient pas à en donner la mesure, ses disciples, tous possédés par les charmes de son enseignement, à l’exception de Métrodore de Stratonice, qui passa chez Carnéade, peut-être parce qu’il était accablé par ses insurpassables bontés (un seul disciple fait défaut et la raison en est dans son excès de générosité !), sa succession qui, lorsque presque toutes les autres se sont éteintes, se maintient toujours et d’innombrables fois libère une direction de l’un des disciples après celle d’un autre, sa reconnaissance envers ses parents, ses bienfaits envers ses frères, sa douceur à l’égard de ses serviteurs etc. » (X, 9-10)
Quitte à le dénigrer, je préfère le mordant du stoïcien Epictète qui décrit ainsi sinon Epicure en personne, du moins ses disciples :
« Que veulent ces gens-là, sinon dormir sans être déranges ni gênés, se lever en bâillant et se laver le visage, puis écrire et lire à leur fantaisie, puis bavarder quelque peu en se faisant complimenter par leurs amis pour ce qu’ils disent, puis partir à la promenade et, après s’être promenés un peu, se baigner, manger, puis dormir, et sur quel lit doivent dormir de telles gens ! Qu’en pourrait-on dire ? On peut le deviner. » (Entretiens III, XXIV, 38 trad. de Bréhier)
J’aime beaucoup ce portrait de l’épicurien en jouisseur paresseux et je me demande si Epictète ne décrit pas exactement ce qu’est en somme l’épicuriste… Quant à l’éloge, je préfère la superbe démesure de Lucrèce, magnifiquement rendue par la traduction de Bernard Pautrat :
« Toi le premier qui pus, en de telles ténèbres, élever un flambeau d’une telle clarté et mettre de la vie les charmes en lumière, c’est toi, honneur des Grecs, que je suis, déposant dans l’empreinte des tiens la trace de mes pieds ; non pas tant que je sois avide de lutter, mais plutôt par amour brûlant de t’imiter ; car l’hirondelle, en quoi irait-elle lutter, avec le cygne ? En quoi pourraient se ressembler la course du chevreau sur ses pattes tremblantes et celle du cheval avec sa force ardente ? Tu es le père, toi, le découvreur des choses, C’est toi qui nous fournis en paternels préceptes, Et comme, dans les prés tout fleuris, les abeilles Goûtent à tout, de même ô héros, dans tes livres Nous autres dévorons tous tes dits d’or, oui, d’or Les plus dignes de vivre à perpétuité. » ( De natura rerum Chant III 1-13)
Mais, bon, je trouve tout de même dans ce texte de Diogène des miettes qui me mettent en appétit. Comme celle-ci :
« Apollodore l’épicurien déclare dans le premier livre de son ouvrage Sur la vie d’Epicure qu’il est venu à la philosophie par mépris pour ses professeurs de lettres ( cette expression a un drôle de côté anachronique ! Robert Genaille choisit plus noblement « grammairiens »), du fait qu’ils étaient incapables de lui expliquer le passage concernant le chaos chez Hésiode. » (X, 2)
J’imagine l’élève Epicure butant sur le vers :
« Au commencement exista le Chaos » (trad. tirée du très précieux site http://remacle.org/)
Car il n’y pas de commencement, pas plus que de fin, dans la cosmologie épicurienne. Et quand il lisait quelques lignes plus loin « Du Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure » (ibid.) il devait demander au grammairien d’expliquer cette genèse et le pauvre grammairien de n’en pouvoir mais et de le renvoyer à l’autorité de sa source. Comme la philosophie épicurienne va désenchanter le monde en remplaçant ces entités mi-abstraites, mi-imaginables par les atomes et leurs incessantes et toujours changeantes combinaisons ! Mais ce n’est pas lui qui l’invente, l’atomisme :
« Hermippe dit qu’il a été maître d’école, et que c’est ensuite, après avoir découvert les livres de Démocrite, qu’il s’est élancé vers la philosophie. »(X, 2)
Epicure ou Hésiode dépassé par Démocrite.

mardi 3 mai 2005

Métablog.

Quand j’ai commencé ce blog, je pensais que je diversifierais mes sources et j’envisageais une promenade du côté des textes d’Epictète, de Sénèque, de Platon, de Sextus Empiricus ou d’un autre. Mais ne voilà-t-il pas que ce Diogène Laërce me passionne tant que je ne veux pas encore l’abandonner ! Pourtant je l’ai longtemps tenu pour négligeable, cet anonyme compilateur ; c’est que je ne m’intéressais pas encore à l’exercice de présentation et d’analyse des vies exemplaires. Je sais bien que je pourrais les trouver ailleurs, dans la littérature ou au cinéma. Mais alors j’aurais tant de manières de les éclairer, ces vies, que j’en ai déjà le tournis. En revanche, en lisant Laërce, j’ai un impératif : éclairer la vie à la lumière seulement de la doctrine professée par le philosophe en question. Mais par qui continuer maintenant ? Je réalise que si j’ai examiné avec soin les vies des cyniques, des stoïciens et des sceptiques, en revanche la vie d’Epicure est restée dans l’ombre. En plus, comme c’est à Laërce qu’on doit de nous avoir transmis presque tous les textes d’Epicure dont on dispose, il est dommage de laisser sans commentaire ce qui les introduisait : quelques pages où il narre sa vie. Et je crois savoir ce qui attend après ceux qui me lisent : une remontée aux sources. C’est aussi des plus anciens philosophes que Laërce nous entretient, de ceux qu’on appelle les présocratiques, de Thalès par exemple ou de Pythagore. Je n’ai pas le cœur pour l’instant à laisser de côté ces vies encore plus légendaires, encore plus éloignées mais qui me fourniront tant de manières de vivre et de manières de voir. Les Vies et doctrines des philosophes illustres, c’est un peu en ce moment un grand livre de cuisine qui me présenterait des recettes merveilleuses mais infaisables. Je les goûte en pensée, ces vies, à défaut d’être en mesure d’en vivre une à cette hauteur-là. Et qui sait ? Un lecteur, au hasard d’une page, y trouvera le petit morceau dont il aura besoin pour recoller ou continuer ou enrichir ou changer ou refaire ou comprendre ou … la sienne. Ainsi je transmets le souvenir de ces vies jamais vécues sans doute mais bel et bien écrites. Je sais qu’elles sont faites de bric et de broc, de rumeurs, de lectures (et d’erreurs de lecture), de préjugés et de parti-pris ; je n’ignore pas non plus que le texte que je lis est le produit de traductions qui ne vont pas de soi et qui pourraient quelquefois être raisonnablement contestées. Mais enfin de ces contingences et de ces hasards innombrables est né ce texte-là que j’ai sous les yeux et c’est à lui que je me réfère, en oubliant ce qu’il aurait pu être si et si… Ce texte est une œuvre : elle aurait pu ne pas être, elle pourrait être différente, mais elle est ici et maintenant avec ses traits bien définis qui la déterminent très précisément et m' empêchent, aidé par la foule des commentateurs et des traducteurs, de dire n’importe quoi. Je voudrais pour finir citer les dernières lignes de la préface de Jacques Brunschwig au livre qu’il a traduit ; elles me paraissent valoir en effet pour tout l’ouvrage :
« Le livre IX se prête ainsi à de multiples lectures : la lecture du curieux, à laquelle il apporte une ample moisson de « petits faits » qui ne sont peut-être pas tous « vrais », mais qui font image et se gravent immédiatement dans la mémoire ; la lecture du savant et de l’érudit, à laquelle il fournit de nombreux matériaux valables par eux-mêmes et propres aussi à entrer dans de multiples comparaisons ; la lecture méditative, enfin, de qui ne se lasse pas de s’interroger sur les rapports toujours énigmatiques entre « la vie » et « les pensées », ces deux plans à jamais accolés et distincts, depuis que Diogène Laërce les a juxtaposés, peut-être moins innocemment qu’il n’y paraît, dans le titre même et dans le contenu de son ouvrage. » (p.1042)
Je ne connaissais pas ces lignes avant de me lancer dans cette entreprise mais c’est avec plaisir que je veux bien prendre ma place parmi les « lecteurs méditatifs » de Diogène Laërce !

Commentaires

1. Le jeudi 1 juin 2006, 23:08 par Val580
Eh ben bravo et bon courage !