jeudi 27 février 2020

Greguería n°306

" Las ostras son de rústica peña por fuera, pero por dentro son de la más fina porcelana.''
" À l'extérieur, les huîtres sont de rudes rochers mais à l'intérieur elles sont la porcelaine la plus délicate."

mercredi 26 février 2020

Greguería n°305

" El fracaso se debe a que el mundo se renueva incesantemente y hemos llegado tarde."
" L'échec est dû à ce que le monde se renouvelle sans cesse et que nous sommes arrivés tard."

mardi 25 février 2020

Greguería n°304

" En Carnaval los tuertos tienen los dos ojos... Por eso es un gran día de fiesta para ellos. "
" À Carnaval, les borgnes ont les deux yeux... Aussi est-ce un grand jour de fête pour eux."

Commentaires

1. Le mardi 25 février 2020, 13:49 par gerardgrig
Ramón nous livre une conception utopique du carnaval, qui rachèterait tout pour tout le monde. Dans un carnaval, il y a des fautes contre la logique, la vraisemblance ou le goût, qui ne passent pas. Dans les Pieds Nickelés de Pellos, les trois compères doivent se déguiser, et ils échangent des vacheries sur le déguisement improbable qu'aurait chacun. À Filochard le borgne, on lui dit qu'il serait mal venu qu'il se déguise en Godefroi de Bouillon, parce qu'un bouillon qui n'aurait qu'un oeil serait une faute culinaire.
On pourrait aussi dire que ce genre de remarque attire le mauvais œil.
2. Le jeudi 19 mars 2020, 08:54 par Philalèthe
Ce généreux Carnaval peut être vu aussi comme l'allégorie du maquillage de nos stigmates.

lundi 24 février 2020

Greguería n°303

" Dad a los hombres que además de pobres son borrachos, limosna para que se emborrachen, porque es ese el mejor dinero de caridad que se les puede dar...¿ Se comprende lo que sería vivir ochenta años, victima de la desigualidad, hijo de la caridad, sosteniendo la salud y un espiritu claro y evidente ? Que mueran jóvenes y alcoholizados, que tenga alguna exaltación su vida de camino a la muerte."
À la différence des précédentes greguerías, extraites de Total de greguerías (1962), celle-ci est publiée en 1922 (Greguerías selectas, Casa Editorial Calleja, Madrid, p. XXXIV). Entre ces ces deux éditions (il y en eut bien d'autres entre-temps), il y a une différence manifeste : dans le premier ouvrage, les greguerías peuvent couvrir plusieurs pages, comme celle sur les jambes des femmes (p. 79 à 86). En revanche, toutes celles du dernier recueil de greguerías du vivant de Ramón sont très courtes et c'est sous la forme brève qu'elles sont passées à la postérité.
" Aux hommes qui en plus d'être pauvres sont des ivrognes, donnez l'aumône pour qu'ils s'enivrent, parce qu'en argent c'est la meilleure offrande qu'on peut leur donner... Ne comprend-on pas ce que serait vivre quatre-vingts ans pauvre, victime de l'inégalité, rejeton de la charité, en essayant de garder la santé et un esprit clair et lucide ? Qu'ils meurent jeunes et ivres, que la vie qui les conduit à la mort ait quelque exaltation ! "

Commentaires

1. Le lundi 24 février 2020, 22:17 par gerardgrig
Ramón s'essaie à la provocation et au paradoxe en ce qui concerne la pauvreté. Il y a eu le "Salauds de pauvres !" de Marcel Aymé et le "Assommons les pauvres !" de Baudelaire. Là, nous avons droit à une vie d'esthète, que l'on brûle par les deux bouts, pour mourir jeune et faire un beau cadavre. Il vaut mieux rêver avec Ramón, car dans les faits tout revient au même. Avec une vie de mendiant clochard, on ne va pas jusqu'à quatre-vingts sans ! Il y a aussi une forme de fraternisation anarchiste du bohème madrilène, qui bamboche sans souci du lendemain, avec le clochard à qui il souhaiterait d'avoir le même sort que lui.
2. Le jeudi 19 mars 2020, 08:59 par Philalèthe
Droguez ceux que vous ne pouvez pas soigner !

dimanche 23 février 2020

Greguería n° 302

" Si te conoces demasiado a ti mismo, dejarás de saludarte."
" Si tu te te connais trop, tu cesseras de te saluer. "

vendredi 21 février 2020

Greguería n°301

" El rey cree que su calavera es de marfil y ningún cortesano se atreve a pronunciar la palabra " hueso "."
" Le roi croit que son crâne est en marbre et aucun courtisan n'ose prononcer le mot " os "."

Commentaires

1. Le vendredi 21 février 2020, 14:22 par gerardgrig
Ramón semble rendre hommage à "L'homme de cour" de Gracián. On pense aussi surtout aux "Habits neufs de l'empereur" d'Andersen, qui affirmait d'ailleurs que son conte avait des origines espagnoles. Il y a sans doute encore un tropisme espagnoliste dans cette gregueria. Néanmoins, dans le domaine cognitif, les médecins ont découvert un syndrome des habits de l'empereur. On ne sait pas si le courtisan agit par égoïsme, ou s'il y a chez lui un défaut de morale épistémique.
2. Le vendredi 21 février 2020, 22:26 par Philalèthe
Je l'ai choisie pour sa dimension presque universelle !

jeudi 20 février 2020

Greguería n°300

" Entierro : ruido de caballos con zapatos nuevos."
" Enterrement : bruit de chevaux et chaussures neuves."

mercredi 19 février 2020

Greguería n°299

" Aligerad la pesadumbre de la muerte. Decid al saber la muerte de un amigo : " Otro que se ha ido al colegio en el que volveremos a ser condiscípulos."
" Allégez le fardeau de la mort. Quand vous apprenez la mort d'un ami, dites : " Encore un qui est allé à l'école où nous serons de nouveau condisciples."

lundi 17 février 2020

Greguería n°298

" Maquina de tren filosófica : esa que se pasea sola por las vias marginales."
" Locomotive philosophique : elle déambule, sans wagons, le long des voies secondaires."

La science, les illusions et les raisons d'agir.

Dans Recherche d'une église (1934), Jules Romains met dans la bouche du normalien Jallez les réflexions suivantes :
" (...) Pour faire n'importe quelle chose, il faut y attacher un minimum d'importance. Napoléon croyait qu'il était très important de dominer l' Europe. Hugo croyait qu'il était très important que son nom fût répété dans trois mille ans. Le croyaient-ils, oui ou non ? Hein ? Il me semble que ça ne fait pas de doute. C'est parce qu'ils croyaient très fort qu'ils ont dépensé une si prodigieuse énergie. Or tu n'as qu'à écrire sur le passé, à côté des chiffres qui mesurent l'ambition de Napoléon et celle de Hugo, deux ou trois mesures astronomiques. Ça suffit. Dès qu'on ne croit plus à l'importance des buts, il ne reste plus qu'un ressort pour agir : le besoin d'oublier notre néant, comme dit Pascal, ou si tu préfères un dilettantisme désespéré. Tu me diras aussi le simple plaisir d'agir, sans réfléchir plus loin ? Peut-être. Mais je doute qu'on puisse agir aussi longtemps sans se faire des réflexions qui équivalent à : " Mon but est important. Aujourd'hui où je me sens fatigué, je vais tout de même donner un coup de collier, parce que ça en vaut la peine." À ce moment-là, si ta pensée a pris la mauvaise habitude de te rappeler à l'oreille l'âge moyen des étoiles rouges, tu es fichu ; je veux dire que tu te mets à fumer des cigarettes dans ton fauteuil. Et le plus grave, c'est que tu n'as aucun sentiment d'infériorité, ah ! mais non ! Personne ne réussira à t'intimider en te disant : " Regardez les autres. Est-ce qu'ils sont assez bêtes pour s'occuper de l'âge des étoiles rouges ? Ils en ont entendu parler comme vous. Vous n'êtes pas le seul à avoir passé votre dernière partie de baccalauréat. Mais eux, ça ne les a pas troublés." Exactement comme si tu étais mouton de boucherie, dans un wagon de la Vilette, mais mouton clairvoyant, et qu'on te dise : " Quoi ! Vous êtes tout triste parce que vous pensez qu'on vous abattra cet après-midi ? Quelle drôle d'idée de se tourmenter d'avance ! Regardez vos copains, ça ne les trouble pas..." Tu n'as pas passé par une période comme ça ?
Jerphagnion ne répondit pas tout de suite. Ses paupières battaient. Puis il dit :
- ... J'ai pensé ces choses-là, naturellement. Mais pas au point d'en être affecté. Et maintenant je me demande pourquoi. On est bien forcé d'avouer que si on se met en face de ces pensées-là, et qu'on les laisse agir sur soi, on doit réagir comme tu as fait. Le seul moyen d'y échapper, c'est de ne pas rester en face. Oui, il faut ou les ignorer à fond, comme le bougnat du coin, ou les recueillir distraitement, comme un écolier apprend la liste des sous-préfectures... Alors quoi ? Suis-je léger, moi aussi ? Suis-je de ces types dont nous parlions un jour, dont tu parlais plutôt, sur qui les idées glissent ? Évidemment, il faut vivre et on s'habitue à tout. Je pense à l' astronome de l'Observatoire qui, en ce moment-ci, l'œil à son équatorial, est en train de se ronger le foie, parce que son collègue vient d'avoir, à sa place, une promotion de deux cents francs. Celui-là est vacciné contre l'infini... Mais, moi, je n'ai pas l'excuse de l'être... Oh ! je sais bien qu'il y a une noble réponse.
- Laquelle ?
- Celle de Pascal, justement... que la véritable grandeur est de l'ordre immatériel, donc résiste à tous les écrasements par comparaison. Qu'un beau vers, ou qu'un trait d'héroïsme est quelque chose d'incommensurable au volume des nébuleuses ou à l'âge des étoiles rouges.
- Oui, mais retire de l'ambition de Napoléon la croyance que la surface de l'Europe est quelque chose d'important. Dès qu'on ne croit plus qu'aux grandeurs immatérielles, honnêtement, sans tricher, est-ce qu'on travaille encore beaucoup ? Est-ce qu' on " en met " comme ceux qui croient aussi aux matérielles ? On accepte de se distraire, peut-être, mais est-ce qu'on " produit " ? Tu vois le sens que je donne au mot ? Je le prends dans ce qu'il comporte d'abondant, de courageux, de tenace. Produire : couvrir un morceau d'espace autour de soi avec des choses solides, qui ne sont pas là pour vous divertir seulement, mais pour valoir par elles-mêmes, et pour durer. Ce qui exige un effort très dur, à continuer même les jours où l'on a la flemme, ce qui suppose surtout des compromissions avec la matière, et l'idée que les temps, les espaces terrestres ne sont pas négligeables. Si on les tient pour négligeables, on écrira peut-être un court poème mystérieux. Ou quelques maximes. On fignolera une statuette d' ivoire. Ou bien l'on participera d'un œil désabusé à des conférences de diplomates, en prenant plaisir à brouiller les cartes, à compliquer les parties. Mais on ne bâtira pas l'Acropole. On ne fera pas La Légende des Siècles. On ne fondera pas un empire." (Les hommes de bonne volonté, Robert Laffont, 1988, p. 1095-1096)