Jacques raconte son histoire à son maître. Ce dernier soupçonne que le valet est tombé amoureux de la paysanne qui l'a recueilli, une fois blessé au genou à la bataille de Fontenoy et, sachant que la paysanne est mariée, commence à jeter l'opprobre sur Jacques :
Les philosophes antiques à notre secours.
ISSN 2270-6968
mercredi 10 septembre 2025
Vivre le déterminisme au quotidien (11) : le fatalisme du Jacques de Diderot (2)
mardi 9 septembre 2025
Vivre le déterminisme au quotidien (10) : le fatalisme du Jacques de Diderot.
" Voilà le Maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup : " Celui-là était encore apparemment écrit là-haut..."." (Contes et romans, La Pléiade, p. 670)
mercredi 6 août 2025
La tristesse du néo.
À Sylvain, pour m'avoir offert l'ouvrage en question.
Marc-Antoine Gavray et Gaëlle Janmart nous proposent dans leur Comment devenir un philosophe grec ? Exercices pratiques (Champs, 2025) un retour aux philosophies antiques, précisément et dans l'ordre, le stoïcisme, l'épicurisme et le scepticisme. En fait il aurait été plus exact d'appeler l'ouvrage : comment se déguiser en philosophe grec ?
dimanche 13 juillet 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (9)
lundi 30 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (8)
dimanche 29 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (7)
Dans la lettre que Spinoza écrit à Henri Oldenburg le 7 février 1676, on lit :
" De même, en effet, qu'il serait absurde qu'un cercle se plaigne que Dieu ne lui ait pas donné les propriétés de la sphère, ou un petit enfant souffrant de la pierre, qu'il ne lui ait pas donné un corps sain, de même, aussi, un homme ayant l'âme impuissante ne saurait se plaindre que Dieu lui ait refusé la force d'âme et la vraie connaissance et l'amour de Dieu, et qu'il lui ait donné une nature à ce point débile qu'il ne puisse contenir ni maîtriser ses désirs." (ibid., p.1064)
samedi 28 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (6)
Dans la lettre que Spinoza écrit à Oldenburg le 11 janvier 1676, on lit :
" Que ce soit nécessairement ou de façon contingente que nous faisons ce que nous faisons, il n'en reste pas moins que ce sont l'espérance et la crainte qui nous mènent." (Oeuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, p. 1060)
vendredi 20 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (5)
dimanche 15 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (4)
Ne plus utiliser le conditionnel passé pour décrire ce qu'on a vécu, c'est difficile mais c'est faisable. En revanche on ne peut pas se passer du conditionnel présent quand on délibère à propos de ce qu'on doit faire, que ce " doit " renvoie à une réflexion prudentielle (on cherche à agir efficacement en vue d'atteindre ses buts) ou à une réflexion morale (on cherche à agir bien). En effet, en fonction des hypothèses imaginées, on formule ses actions au conditionnel présent (" je ferais x si a ou je ferais y si b, etc "). Ce qui veut dire qu'on imagine une multiplicité d'actions possibles réalisables, dans l'ignorance de la seule action déterminée à se réaliser.
Naturellement, sauf à tomber dans une sorte de fatalisme paresseux et faux, la délibération est une des causes nécessaires de l'action qui se réalisera. Cause précieuse comme en témoigne l'appel à réfléchir avant d'agir. Mais alors il faut accepter le fait que croire faussement dans une multiplicité de possibles réalisables est une condition du succès pratique. Ne pas y croire serait paralysant.
On notera que, s'il m'est indispensable de croire que je dois choisir parmi une multiplicité d'actions également réalisables, le succès de l'action choisie est, lui, conditionné par la connaissance des déterminations qui la rendent efficace. Prenons un exemple simple : cuisinier, je délibère sur l'opportunité de faire tel ou tel plat pour telle occasion mais, une fois élu, le plat n'est faisable correctement que si j'ajuste mon action à ses lois de production.
Pour résumer, vivre en déterministe au quotidien coûte des efforts quand il s'agit de penser à ses actions passées (un d'entre eux est de supporter la blessure d'amour-propre causée par la disparition de l'aura héroïque du libre-arbitre) mais n'est pas faisable au moment de décider de ses actions à venir. La croyance dans la contingence de ses actions à venir apparaît comme essentielle à l'action humaine. Or, d'un point de vue déterministe, elle est fausse car il est incohérent de croire dans la nécessité de mes actions passées et dans la contingence de mes actions futures.
La comparaison esquissée à la fin du billet précédent entre la vue naïve sur soi - croire qu'on est doté d'un libre-arbitre - et la vue naïve sur le soleil - croire qu'il tourne autour de la Terre - doit être affinée. En effet perdre l'illusion concernant le soleil est un gain pour la pensée et l'action, alors que perdre l'illusion concernant le libre-arbitre, gain pour la pensée, revient à rendre impossible l'action humaine (réussie ou non).
Ainsi le déterministe radical, à la différence de l'indéterministe, est-il condamné à penser doublement et contradictoirement son action. Au cœur de l'action, il croit avoir à sa disposition une multiplicité de possibles réalisables, parmi lesquels il en promouvra un, le hissant du statut de réalisable à celui de réalisé. Après l'action, il sait que cette croyance est à la fois fausse et indispensable à l'action et plus généralement à la vie.
samedi 14 juin 2025
Comment vivre en déterministe au quotidien ? (3)
Vivre en déterministe oblige donc à ne pas prendre au sérieux le conditionnel passé. En effet je n’ai fait que ce que je pouvais faire. « J’aurais pu faire ce que je n’ai pas fait » est un énoncé faux. Autant dire qu’il aurait pu hier ne pas faire le temps qu’il a fait. Certes, de même qu’on imagine rétrospectivement plusieurs temps possibles pour hier, on imagine aussi bien plusieurs journées d’ hier qu’on n’a pas vécues, les liant peut-être avec la météo : « S’il avait fait moins chaud, je serais sorti plus tôt ». Est-ce également faux ? C’est seulement invérifiable, vu qu’aucune loi scientifique ne peut permettre de faire une expérience de pensée relativement au rapport entre la chaleur extérieure et mes sorties. Bien sûr on peut formuler des énoncés où la relation entre la condition et la conséquence est nécessaire : ainsi est-il vrai que si j’avais eu la varicelle, j’aurais eu des boutons. Mais le point important dans le cadre déterministe où je me situe, c’est que je ne pouvais pas avoir la varicelle.
On a l’impression que certains événements ont failli nous arriver : « j’ai failli me faire écraser ». Il n’en est rien : la voiture qui n’est passée qu’à quelques millimètres de moi ne pouvait pas passer plus près. Ma frayeur rétrospective est nécessaire psychologiquement mais elle n’est porteuse d’aucune vérité. Oui, j’imagine facilement un monde où la voiture m’aurait gravement blessé, voire m’aurait tué, mais ce monde est autant une fiction que celui où je n'aurais pas commis les fautes (morales ou non) que j’ai commises et qui ont eu des conséquences néfastes sur ma vie.
On dit souvent que porter un tel regard sur son passé est dangereux moralement, au sens où la reconnaissance du déterminisme incline à l’inaction, plus précisément n’incline pas à agir pour se corriger, ici moralement. Pensons alors à Ulysse : c’est parce qu’il sait qu'il ne peut pas résister seul au chant des sirènes qu’il parvient à ne pas y céder en se faisant attacher au mât du bateau par ses compagnons. Dit autrement, même si je sais que j’ai une disposition irréversible à agir immoralement, ce n’est pas la connaissance de ce déterminisme qui implique l’inaction, c’est juste l’absence d’un désir éclairé de me transformer. Par désir éclairé, j’entends un désir instruit par la connaissance des nécessités en jeu. Tel le désir du bon médecin de soigner.
Cela dit, même si on sépare la connaissance du déterminisme des accusations d’immoralité personnelle qu’on lui associe, on peut objecter que la pratique d’une conception déterministe de son propre passé, en atténuant la douleur par la suppression de la justification du remords (en effet je ne pouvais pas ne pas commettre la faute en question), affaiblit le désir de se corriger. On peut répondre qu’un tel mécanisme psychologique n’a rien d’universel et correspond à un processus parmi d’autres, sans pour autant minorer le fait que la connaissance vraie du déterminisme peut en effet contribuer à des situations non désirables moralement.
On dira de manière plus justifiée que cette subjectivisation du conditionnel passé - qui perd ainsi toute portée gnoséologique – n’est vraiment pas intuitive et demande un retour réflexif pénible sur son passé. Mais cela est le prix à payer pour tout accroissement de la lucidité, qu’il s’agisse de son propre passé ou de la situation de la Terre par rapport au soleil.