“Un jour qu’il était monté à cheval, il en descendit aussitôt, en déclarant qu’il prenait garde de n’être pas atteint par l’orgueil associé au cheval. » (III 39)
Platon représente ici à mes yeux l’anti-modèle du stoïcien. Ce dernier a si bien discipliné son jugement que le cheval ne peut être rien de plus qu’un mammifère quadrupède et que le chevaucher revient à s’asseoir simplement sur le dos d’un tel animal. La pensée du stoïcien enlève l’aura prestigieuse des objets au point que le diamant n’est qu’un minéral et que la seule manière correcte de le définir serait au fond de donner sa formule chimique.
Si l’on est bien entraîné, une telle réduction objective des choses sociales va de pair avec la vie désintéressée, libérée du souci de plaire et d’avoir. Alors le cheval monté ne contamine pas davantage la pensée que le cheval perçu ou imaginé.
Même s’il est utile d’être cavalier pour accomplir au mieux la fonction de lui requise, le cavalier au contact de l’animal n’en perd pas la maîtrise de ses représentations. Même au galop, le stoïcien maîtrise et la monture et l’idée de la monture : emporté ni par la bête ni par la bêtise des associations d’idées.
Mais Platon ici n’est pas à l’abri du monde, dans la forteresse de sa pensée bien faite. Très humaine, sa pensée est en relation avec ce qu’il vit : dans la foulée de la monte vient l’orgueil du cavalier, comme s’il était impuissant à penser les choses une fois pour toutes dans leur éternité vraie.
Envahi par ce qu’il condamne, il ne lui reste alors plus qu’à s’éloigner à grand pas de ce qui l’échauffe, le cheval réel et social.