samedi 18 mai 2019

Greguería n° 41

Greguería nº 41

" Profanación : cuando ellas imitan al Cristo de Velázquez con un mechón sobre la cara. "
" Profanation : quand avec une mèche sur le visage elles imitent le Christ de Velázquez. "
Ajouts du 22-07-2019 :
" El Cristo de ojos cerrados nos mira por su herida del costado con pestañas de sangre."
" Le Christ aux yeux fermés nous regarde par sa blessure du côté, aux cils de sang."
" Al quedarse en el sillón de la peluquería con un mechón sobre la frente, unos se creen Napoleón y otros el Cristo de Velázquez."
" En se retrouvant dans le fauteuil du salon de coiffure avec une mèche sur le front, certains se prennent pour Napoléon et d'autres pour le Christ de Velázquez."

Commentaires

1. Le samedi 18 mai 2019, 13:49 par gerardgrig
Ramón fait ressortir l'érotisme trouble dont est capable la peinture religieuse. Et ne parlons pas de la sculpture. D'ailleurs, une mystique espagnole comme Thérèse d'Avila a suscité beaucoup de commentaires à cet égard. Comme la danseuse orientale, elle montrait que l'extase amoureuse préparait l'extase religieuse.
2. Le lundi 20 mai 2019, 12:38 par Philalethe
Moi, dans le visage du Christ, je ne vois (mal)heureusement plus que le 4 ...
3. Le lundi 20 mai 2019, 22:22 par gerardgrig
Il est vrai que le martyre de Saint Sébastien était beaucoup plus suggestif, dès la Renaissance.

vendredi 17 mai 2019

Greguería n° 40

" ?Las mujeres de Picasso están mejor con sombrero o sin sombrero? "
" Les femmes de Picasso sont mieux avec ou sans chapeau ? "

Commentaires

1. Le lundi 20 mai 2019, 20:57 par gerardgrig
Avec Picasso, et les femmes de Picasso, on aborde un vaste sujet. Actuellement, la mode est à la déconstruction du mythe Picasso, même si l'on sauve les périodes bleue et rose qui ont précédé le cubisme. Le livre de Ramón sur Picasso et le cubisme est introuvable. Ramón était sûrement moins naïf que le public de son époque sur le sujet. Dans cette gregueria, il pose une question bizarre, hors-cadre, impertinente. On dirait qu'il ne se faisait pas un mythe de Picasso, même s'il savait l'apprécier. Il lui préférait sans doute Dali ! En tout cas, il pensait peut-être que "Guernica" ne valait pas le "Tres de mayo" de Goya.
2. Le mardi 21 mai 2019, 05:54 par Philalethe
Je dispose de ce livre mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire !
3. Le mercredi 29 mai 2019, 16:58 par gerardgrig
Le rapport d'imitation de Ramón à Picasso ou Dali est intéressant, d'un point de vue financier et marchand. Dans les cafés madrilènes et argentins, Ramón devait monnayer ses greguerias illustrées et signées, comme Picasso faisait avec ses dessins sur des bouts de nappes, dans une forme d'économie alternative. Néanmoins, Ramón ne fut jamais un homme d'affaires, comme Picasso et Dali, qui ont bénéficié de bulles spéculatives qui durent encore, et de l'aide d'institutions culturelles. Ramón se ruina partout, à force de tout donner de lui. À la fin de sa vie, Dali a laissé le souvenir d'un artiste qui poussait un chariot la nuit dans les caves du Ritz, chargé de rames de papier recouvertes de sa signature dupliquée à l'infini, et destinées à être commercialisées.

jeudi 16 mai 2019

Greguería n° 39, platonicienne.

" Los árboles sólo saben que existen gracias a su sombra."
" Les arbres savent qu'ils existent seulement grâce à leur ombre."

Commentaires

1. Le vendredi 17 mai 2019, 10:24 par gerardgrig
La biologie végétale nous révèle des secrets sidérants sur les plantes. Ce que dit cette gregueria a peut-être été vérifié. Il y a une forme de science populaire, née au contact quotidien de la nature pour survivre, qui intéresse les poètes, et qui inspire parfois les savants.
2. Le lundi 20 mai 2019, 12:48 par Philalethe
C'est dans l'air du temps... Après l'humanisation des animaux, vient celle des végétaux… Le panpsychisme, lui, humanise même l'inanimé.

mercredi 15 mai 2019

Greguería n° 38, cioranienne.


" Lo más terrible de nuestro libro de direcciones es que sacarán de él las señas de nuestros amigos para enviarles nuestra propia esquela de defunción."
" Le plus terrible de notre carnet d'adresses, c'est qu'on en tirera les coordonnées de nos amis pour leur envoyer le faire-part de notre propre décès."

mardi 14 mai 2019

Greguería n° 37

" El aparato más sabio del mundo es el de la cascada de agua para el retrete, con cuya cadena en la mano todos somos Moisés milagrosos."
" Le mécanisme le plus sage au monde est celui de la chasse d'eau des toilettes : la poignée en main, nous sommes tous des Moïse, faiseurs de miracles."

Commentaires

1. Le mercredi 15 mai 2019, 08:05 par gerardgrig
En termes heideggeriens, on dira que le geste de tirer la chasse sauve le Dasein, en réintégrant la religion dans le monde de la technique.
2. Le jeudi 16 mai 2019, 17:32 par Philalèthe
D'après Aristote, Héraclite a encouragé des visiteurs à le rejoindre dans sa cuisine en leur disant : " Ici aussi il y a des dieux." Mais certains savants ont jugé bon de traduire  ἰπνὀς par latrine, Aristophane l'employant dans ce sens. Donc le divin n'attend peut-être pas la chasse pour se manifester.

lundi 13 mai 2019

Greguería n° 36

" Libro : hojaldre de ideas."
" Livre : feuilleté d' idées."
Minceur grave du livre électronique de n'être plus qu'idées sans feuilleté.

Commentaires

1. Le mardi 14 mai 2019, 16:19 par gerardgrig
Il est inhabituel de prendre le livre pour une métaphore de la pâtisserie : une pâte feuilletée. Mais on évite de penser à la poussière, quand on dévore des livres. Le feuilleté, c'est aussi l'atlas avec ses cartes, pour la topologie de l'ouvert et du recouvrement. En géométrie différentielle, on parle également du feuilletage, mais de celui des variétés en sous-variétés, et il s'agit plutôt de recourber les pages du livre pour les corner. En outre, une œuvre elle-même peut être un espace topologique de revêtement de lieux portés par des plans différents, comme la "Recherche du temps perdu" de Proust. Voir le surprenant "La Mathesis de Marcel Proust" de Jean-Claude Dumoncel, qui développe l'étude du rapport entre Proust et Grothendieck, étude qui avait été initiée par Antoine Compagnon et le mathématicien Alain Connes. Soit dit en passant, Alain Connes est passé à la littérature, comme Cédric Villani. On n'ira pas jusqu'à dire que les matheux se barbent, et qu'ils finissent tous par faire de la littérature, de la philosophie ou de la politique. Si l'on reste dans la gastronomie, il y a un livre à lire d'urgence, mais ce serait plutôt un pavé au roquefort : "Les Vices du savoir".
2. Le mercredi 15 mai 2019, 21:47 par gerardgrig
J'ai trouvé "Les vices du savoir" au Quartier Latin. Je crois qu' il s'agit d'un feuilleté. Le livre est une véritable somme. Et quelle audace ! Il fallait oser l'éthique seconde de la croyance, avec les tableaux des vertus et des vices intellectuels, après l'éthique première évidentialiste. L'éthique seconde corrige aussi les excès de rationalité. Entretemps, le chapitre sur l'agir épistémique, et le chapitre épineux sur la croyance religieuse passée à la moulinette évidentialiste, nous redonnent un peu de courage dans le fatalisme ambiant. Après un entracte salutaire derrière le poêle de Bavière de Descartes, on aborde enfin la dialectique transcendantale, tant attendue, des paradigmes des vices du savoir, avec la triade curiosité-futilité-bêtise. La toute fin, qui aborde les vices politiques, dont l'injustice épistémique qui touche l'Université alignée sur la loi de l'entreprise et du marché, est très forte.
3. Le jeudi 16 mai 2019, 17:43 par Philalethe
Je vais bientôt le recevoir…
L'auteur me l'avait décrit comme "un manuel de survie intellectuelle".
Mais ce manuel-là, avec tant de feuillets, peut-on l'avoir en main, comme un poignard pour nous protéger des vices épistémiques, eux qui nous assaillent comme des nuées permanentes de moustiques ?
4. Le jeudi 16 mai 2019, 23:13 par gerardgrig
L'évidentialisme, qui donne un noyau épistémique à l'éthique, n'est pas un pessimisme. Il repose sur l'autonomie du sujet et il s'oppose au pragmatisme des croyances. Certes, on paie le prix de ses croyances, quelles qu'elles soient, mais on en est toujours responsable, dans la mesure où l'on doit y regarder à deux fois, comme on dit familièrement, avant de croire. C'est pourquoi l'agir épistémique est un néo-kantisme assumé. Dans les paradigmes des vices du savoir, l'évidentialisme convient à une forme supérieure de la bêtise, comme la sottise. Quand on descend jusqu'à la bêtise des légumes et des fruits, pour être cohérent on parie sur le panpsychisme.

dimanche 12 mai 2019

Greguería n° 35

" Nos pasamos la vida haciendo una miniatura del cosmos, y al final se nos cae y se nos rompe."
" Nous passons notre vie à faire une miniature du cosmos, et à la fin elle nous échappe et se casse."

samedi 11 mai 2019

Greguería n° 34


calavera bailarina,1939. Huile sur toile .Collection Merz .
" "¡Qué hermosos ojos negros!" es el piropo que está reclamando la calavera. "
" " Quels beaux yeux noirs ! ", c'est le compliment que réclame la tête de mort."

Commentaires

1. Le dimanche 12 mai 2019, 14:53 par gerardgrig
Le rapprochement de la gregueria avec les images doubles de Dali, auquel Ramón consacra un livre, était inévitable. Cette combinaison d'images s'associe idéalement avec la putréfaction et la scatologie comme fond des choses, ce qui est aussi une forme de dédoublement. On ne peut pas voir les deux images en même temps, et il y a un battement entre elles, propice à l'inversion et à l'égalisation des conditions : la tête de mort semble appeler le même compliment, pour ses yeux noirs, que la ballerine, dans une danse macabre. On pense aussi au "Viva la muerte !" qui serait au fond de l'âme espagnole, si elle existe. On a surtout le souvenir que ce cri fut récupéré par les fascistes espagnols, mais il traduit un sentiment tragique de la vie, un "amor fati". Quant aux images doubles de Dali associées à la mort, elle semblent avoir eu une influence capitale sur lui. La psychanalyse s'en mêle et donne un rôle symbolique à la Mère. Dali avait un frère mort avant lui, qui s'appelait aussi Salvador. Comme Mark Twain avec son jumeau mort, il n'a jamais su s'il était lui ou son frère.

vendredi 10 mai 2019

Greguería n° 33

" Las teclas negras son el luto que guarda el piano por los pianistas muertos."
" Les touches noires, c'est le deuil des pianistes morts, que porte le piano."

jeudi 9 mai 2019

Greguería n° 32

C'est une greguería tardive, écrite entre 1952 et 1955, publiée dans le Diario póstumo (Barcelona, Plaza y Janés, 1972) :
" La vida es asi : "¿Se ha acomodado bien ? Pues entonces ¡fuera!" "
" La vie est comme ça : " Vous vous êtes mis à l'aise ? Bon, alors dehors ! "