Dans le troisième livre des Confessions, Rousseau écrit.
"Mon âme à l'épreuve de la fortune n'a connu de vrais biens ni de vrais maux que ceux qui ne dépendent pas d'elle." (Oeuvres complètes I La Pléiade p. 103)
Hors contexte, la formule est parfaitement stoïcienne (à la condition expresse bien sûr de renvoyer "elle" à la fortune et non à l'âme !). Mais il suffit de mentionner la phrase qui la précède:
"Peu d'hommes ont autant gémi que moi, peu ont autant versé de pleurs dans leur vie, mais jamais la pauvreté ni la crainte d'y tomber ne m'ont fait pousser un soupir n'y répandre une larme."
et ce qui la suit:
"... et c'est quand rien ne m'a manqué pour le nécessaire que je me suis senti le plus malheureux des hommes."
pour réaliser que Rousseau n'a fait qu'une description psychologique: en effet ce passage, contrairement aux apparences, n'exprime aucune norme. On ne peut bien sûr pas soutenir non plus que Rousseau est naturellement stoïcien, non seulement parce que par définition le stoïcisme implique l'effort mais aussi parce que cette indépendance involontaire par rapport à la fortune (et précisément ici à la richesse et à la pauvreté) va de pair avec la souffrance.
Le dernier passage cité peut être compris de deux manières:
a) c'est parce qu'il n'a pas manqué du nécessaire qu'il a été malheureux.
b) c'est quand il ne manquait pas du nécessaire qu'il a été malheureux.
Si on privilégie la première interprétation, Rousseau se contredit car si "la pauvreté ni la crainte d'y tomber ne (lui) ont fait pousser un soupir n'y répandre une larme", en revanche la richesse l'a rendu misérable et donc son âme dépend de la fortune (paradoxalement quand elle lui est favorable). Il ne reste plus qu'à soutenir qu'il y a une corrélation contingente entre l'état de l'âme de Rousseau et l'état de la (sa) fortune.