jeudi 23 mai 2013

L'Europe comme lit de Procuste.

Isaiah Berlin a écrit L'unité européenne et ses vicissitudes, discours lu le 29 novembre 1959 au troisième congrès de la Fondation européenne de la culture à Vienne. En voici un extrait :
" Il y a (...) quelques découvertes fondamentales que nous devons à l'humanisme romantique - ce même farouche esprit allemand - et que nous n'oublierons pas facilement. Primo : le créateur des valeurs est l'homme lui-même ; il ne peut donc être massacré au nom de quelque chose qui lui serait supérieur, puisqu'il n'existe rien de tel ; c'est ce que Kant entendait lorsqu'il parlait de l'homme comme fin en soi, et non comme moyen d'une fin. Secundo : les institutions sont faites non seulement par, mais aussi pour les hommes ; lorsqu'elles ne le servent plus, elles doivent céder la place. Tertio : les hommes ne doivent pas être massacrés, ni au nom d'idées abstraites, si élevées soient-elles - le progrès, la liberté, l'humanité -, ni au nom d'institutions, car rien de tout cela ne possède de valeur absolue, dans la mesure où toute valeur leur a été conférée par des hommes, qui seuls peuvent rendre les choses précieuses ou sacrées ; ainsi, toute tentative de leur résister ou de les changer n'est jamais un crime contre des commandements divins. Quarto - et ceci découle du reste - : le pire de tous les péchés est d'avilir ou d'humilier les êtres humain pour le bien de quelque schéma procustéen dans lequel on veut les faire entrer contre leur gré, un schéma auréolé d'une autorité objective qui ignore les aspirations humaines." (Le bois tordu de l'humanité. Romantisme, nationalisme et totalitarisme, Albin Michel, p. 197-198)

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