Les philosophes antiques à notre secours.
ISSN 2270-6968
mardi 25 février 2025
Qui se moquerait aujourd'hui de la grenouille ?
mardi 18 février 2025
Le profiteur déguisé en chercheur de vérité : le renard et le corbeau.
lundi 17 février 2025
La cigale et la fourmi aujourd'hui ?
lundi 16 décembre 2024
En lisant Italo Calvino (2)
dimanche 15 décembre 2024
En lisant Italo Calvino (1)
C'est une nouvelle écrite en 1955, elle a pour titre L'aventure d'un photographe, on peut la lire dans Les amours difficiles (Folio nº 7275). Elle commence ainsi :
" Quand arrive le printemps, par centaines de milliers, les citadins sortent le dimanche avec leur étui en bandoulière. Et ils se photographient."
Ils n'attendent plus le printemps, ni le dimanche et ils n'ont plus besoin de sortir : ils photographient désormais chaque jour et toute l'année, à l'intérieur comme à l'extérieur. Pour sûr, ils continuent de " se " photographier mais " se " renvoie maintenant autant ou même plus à la personne du photographe qu'aux autres. Or c'est le " geste de l'enfant avec son petit seau " et le " reflet du soleil sur les jambes de leur femme " que Calvino donne comme exemples de photo, associés, c'est vrai, à celle du paysage (" ce torrent des Alpes "). En gros, ils photographiaient alors leur famille et la nature.
" Ils rentrent chez eux contents comme des chasseurs à la gibecière pleine à ras bord, ils passent leurs journées à attendre avec une douce anxiété de voir leurs photos développées."
Ils ne font plus l'expérience du ras bord car il n'y a jamais de trop-plein, et ils n'attendent rien, sinon peut-être l'occasion de la prochaine photo, de toute façon instantanément là dans sa perfection, le développement papier étant en général sorti des esprits. Ils ne sont plus des chasseurs, car, à la différence de l'expérience de la chasse, il n'y a plus à guetter l'objet de la prochaine photo : leurs munitions sont infinies autant que leurs cibles. S'il y a peut-être anxiété, c'est par rapport non à la qualité de la photo mais à celle de la réception de la photo : ils craignent qu'elle ne soit pas likée.
"(Anxiété à laquelle certains ajoutent le plaisir subtil de manipulations alchimiques dans la chambre noire, à l'âcre odeur d'acide et interdite aux intrusions des proches) "
Plus d'odeur ni d' obscurité ni de solitude, plus d'évaluation sensorielle, voire sensuelle, des réactions chimiques. Plus de plaisir subtil mais la satisfaction ordinaire et vite oubliée que leurs doigts ont touché comme il faut pour faire varier l'image, variation réversible et cumulable avec une infinité d'autres (" tu as tout, pas besoin de choisir ! "), l'apprentissage de la miraculeuse efficacité en ce domaine s'étant lui-même réduit à guère plus qu'un instant.
À ma surprise, à sa description qui évoque un monde passé, l'écrivain ajoute .
" et (ils) ne semblent prendre possession tangible de la journée passée que lorsqu'ils ont sous les yeux leurs photos ; alors seulement (les choses photographiées, cf les trois exemples présentés plus haut) acquièrent l'irrévocabilité de ce qui a été et ne peut plus être mis en doute. Le reste peut bien se noyer dans l'ombre incertaine du souvenir."
vendredi 1 novembre 2024
Une expérience de bon.ne élève en classe de philosophie.
" Les paroles devenaient de plus en plus légères. Comme tous les jours. Il commençait simplement, puis les paroles s'élevaient ; il devenait difficile alors de le suivre. Si elle se retournait, Inès savait qu'elle surprendrait les yeux ensommeillés de ses compagnes. Elle y verrait, à tout le moins, incompréhension et ennui. Comme tous les jours. Quand les paroles de fray Ossorio devenaient compliquées, elle se savait élue, détachée des autres ; elle seule pouvait suivre et comprendre ses propos. En réalité, fray Ossorio, sans le savoir, ne parlait que... pour elle. Ses paroles étaient comme le pont tendu, chaque matin, entre l' âme d'Inès et la Divinité, comme l'échelle permettant à Inès de s'éloigner, de se perdre dans la félicité, toujours poussée par les paroles de fray , s'y accrochant. Elle savait qu'aussitôt le silence revenu, elle retomberait. Quand l'homélie se terminait, quand fray Ossorio retournait à l'autel et entonnait le Credo, l'âme d'Inès redescendait, retournait sans sa boîte, s'éloignait du Seigneur. Et ce jusqu'au lendemain." (Gonzalo Torrente Ballester, Au gré des vents, 1960, in Les délices et les ombres, p. 399, Actes Sud, 1998)
Il y a aussi des conversions philosophiques qui empruntent moins aux initiations religieuses. Il se peut aussi que le nom de qui profère les paroles-échelle ne soit pas, comme pour Inès, omniprésent dans l'esprit de l'élève, ou nom du professeur écouté ou nom du philosophe lu et médité, mais aussi paradoxal que cela paraisse, il est ordinaire que l'accès à la raison philosophique impersonnelle passe par une seule personne, aux paroles de laquelle l'élève est attentif. Il se peut que l'attraction des paroles s'étende aux gestes, aux intonations, au corps tout entier de qui parle, mais l'illusion du professeur est de croire que c'est lui qui est aimé : non, il n'est aimé qu'en tant que disant ces paroles, et celles-ci n'ont de prix qu'au sein d'une institution spécifique, dans un monde social donné.
vendredi 18 octobre 2024
Spinoza : par rapport à qui peut-on être qualifié de lâche ?
Partons de la définition qu' à la fin de la partie III de l'Éthique, Spinoza donne de pusillanimitas, mot que Bernard Pautrat (2023) traduit par lâcheté : elle est clairement relationnelle et exclut que la lâcheté soit une caractéristique intrinsèque de la personne (comme la couleur de ses yeux par exemple ou la capacité de raisonner) :
" Pusillanimitas dicitur de eo, cujus Cupiditas coercetur timore periculi, quod ejus aequales subire audent."
lundi 14 octobre 2024
Spinoza, équivoque sur la cruauté.
jeudi 4 avril 2024
Enseigner la philosophie : débarrasser le chêne du lierre qui le parasite ?
On lit dans Lamiel (chapitre 5) de Stendhal le dialogue suivant entre le docteur Sansfin qu'on imaginera professeur de philosophie et Lamiel, qui jouera alors le rôle de l'élève :
mardi 13 février 2024
Éduquer et rejeter.
Comment constituer une pédagogie qui d'une part, comme il se doit, favorise le développement du meilleur de chaque élève, en reposant sur une certaine confiance, et d'autre part, respecte la vérité de la dernière phrase de l'Éthique de Spinoza ?
" Omnia praeclara tam difficilia, quam rara sunt." " Tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare. " (traduction de Bernard Pautrat).
On entend par contraste la rengaine ressassée de la garderie à l'université : " Tout ce qui est remarquable est facile autant que fréquent."
En écho au problème posé, ces lignes de Denis Kambouchner à propos du monde des " généreux ", tel que Descartes l'entend :
" Leur société restera donc, non par vocation (comme les critiques récentes de l'humanisme le suggèrent à l'envi), mais par la force des choses, une société partielle et minoritaire." (La question Descartes, Gallimard, 2023, p. 287)
Y aurait-il un mensonge au sein de la pédagogie la plus honorable ? L'association que fait Platon dans La République entre éduquer et cacher, éduquer et exclure est-elle donc inévitable ?