C'est ici qu'il faut parler du surmoi. Il faut d'abord prendre le mot (inventé par Freud) à la lettre : en moi, il y a quelque chose qui pèse sur moi.
Pour en prendre conscience, réfléchissez à ce qu'on appelle la mauvaise conscience. On n'a pas mauvaise conscience par rapport à la société mais par rapport à des parents, des frères et soeurs, des amis, etc. Dans un tel cas, on a conscience qu'on leur a fait quelque chose qu'on n'aurait pas dû leur faire (par exemple, on a trahi un secret, désobéi, etc.) : on a conscience d'avoir commis à leur égard une faute. C'est un sentiment désagréable : pour cette raison, on peut par exemple s'efforcer de penser à autre chose. Mais dans certains cas, la mauvaise conscience est envahissante et très douloureuse.
Mais d'où vient cette mauvaise conscience ?
1) De nous-même (par exemple, on aurait en nous un sens du bien et du mal) ?
2) De Dieu (par exemple, Dieu nous ferait des reproches) ?
3) De la société ?
Si on observe l'évolution d'un bébé, on perçoit qu'il ne semble pas avoir mauvaise conscience et que la mauvaise conscience prend du temps pour s'installer en lui. En fait ce sont ceux qui s'occupent de l'enfant qui vont, bien avant qu'il puisse les comprendre, lui dire avec un certain ton et un certain comportement des phrases commençant par Il ne faut pas, Il faut, Tu dois, etc.
Mais le problème se repose : pourquoi disent-ils cela ?
1) Parce qu'ils ont un sens inné (est inné quelque chose avec lequel on naît) du bien et du mal et que le petit enfant, lui, n'est pas encore assez mûr pour prendre conscience de ce sens du bien et du mal qu'il a en lui ?
2) Parce que Dieu leur commande le bien et le mal et que le petit enfant n'est pas encore assez grand pour prendre conscience de la voix de Dieu ?
3) Parce que la société où ils vivent les a dressés pour faire respecter des interdits ?
La psychanalyse n'a pas réglé ce problème mais a opté pour l'option 3 ! Dit autrement, si quelqu'un s'interdit certaines choses ou s'oblige à faire certaines choses, c'est parce que la société, par l'intermédiaire des parents, l' a éduqué dans cette direction.
Mais comment passe-t-on d'une situation où le petit enfant bute sur des interdits (comme on bute sur un obstacle extérieur à soi, un caillou sur un chemin) à une situation où on s'interdit soi-même quelque chose ?
C'est ici qu'on revient au surmoi : dans mon esprit, une partie, le surmoi, me donne des ordres, me punit (par la mauvaise conscience) si je n'y obéis pas, me récompense si j'y obéis (par la bonne conscience !). Cette partie se constitue avec le temps par l'intermédiaire de l'éducation. Pour Freud, la conscience religieuse comme la conscience morale sont des produits de la société, rien de plus.
Quand j'ai mauvaise conscience, la partie en moi qui est la porte-parole des règles de la société, a le dessus, si on peut dire.
Seulement la conscience que j'ai spontanément du surmoi est très incomplète, pense Freud. Bien sûr j'ai conscience que mon surmoi me pousse à condamner certains de mes désirs mais je n'ai pas conscience que le surmoi m'empêche aussi de penser à certains désirs dont je n'ai donc jamais conscience et qui sont précisément les pulsions inconscientes, sexuelles et/ou agressives. Si bien que si je m'efforçais de réaliser tous mes désirs conscients, il resterait encore les désirs dont je n'ai pas conscience parce qu'en moi le gardien des règles de la société m' empêche d'en prendre conscience, sans que je le sache.
Il faut bien comprendre ce point : si quelqu'un nous dit " ne pense pas à ça ! ", il nous y fait penser (on a conscience de cette chose) ; c'est nous qui pouvons nous dire à nous-même, " ne pense pas à ça ! ". Quand le surmoi empêche nos pulsions inconscientes de devenir conscientes et d'être réalisées, alors tout cela se passe sans que nous en prenions conscience.
On réalise vite que ce n'est donc pas en demandant à quelqu'un ce qu'il se cache à lui-même qu'on peut connaître son inconscient, car s'il se cache quelque chose à lui-même, il en a assez conscience pour savoir qu'il doit se le cacher !
Nous verrons la prochaine fois ce que Freud a imaginé pour parvenir à connaître les pulsions inconscientes de ses patients.