Vous avez nécessairement entendu parler de ce qu'on appelle la cure psychanalytique. Combien de films, de séries montrant un.e psychanalyste écoutant parler une personne couchée sur un divan !
Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est de vous montrer que ce que va dire cette personne au psychanalystique ne ressemble en rien à ce qu'elle est habituée à dire partout ailleurs.
En effet, dans toutes les relations que vous avez avec les autres (vos parents, vos amis, des étrangers, etc.), vous ne dites pas certaines choses.
Même dans une relation intime où vous vous confiez à une personne précise, il y a des idées qui vous passent par la tête que vous ne dites pas parce que vous les trouvez hors-sujet. Il y a aussi beaucoup d'échanges où vous cachez certaines choses parce qu'elles vous gênent par exemple ou sont douloureuses. Dit autrement, vous ne dites jamais complètement ni exactement tout ce qui vous vient à l'esprit, et cela, même avec la personne avec laquelle vous vous sentez le mieux. Une des raisons est qu'en fait n'importe quoi nous vient à l'esprit : vous avez dû remarquer que, même dans les moments où vous cherchez à vous concentrer, des idées complètement étrangères à ce que vous faites, vous viennent à l'esprit, avec plus ou moins d'insistance. C'est pourquoi quand on apprend à faire de la méditation, par exemple, quand on apprend à se concentrer seulement sur son souffle, ce n'est pas du tout facile car on est tout le temps dérangé par des souvenirs, des projets, etc.
Or la règle avec le psychanalyste freudien est que vous lui disiez non seulement tout ce que vous avez caché aux autres et aussi à vous-même (quand, par exemple, vous chassez de votre esprit une idée qui vous est pénible), mais aussi tout ce qui vient à l'esprit.
Vous ne ferez plus alors de distinction entre les pensées importantes, à dire (bien sûr, l'importance varie en fonction du contexte : ce qui est important à dire chez le boulanger n'est pas ce qui est important à dire chez le médecin) et les pensées parasites. Tout ce qui vous passe par la tête est important pour le psychanalyste, même si c'est pour vous incohérent, ridicule, déplacé, insignifiant, etc.
" Et si rien ne me vient à l'esprit ? " demanderez-vous. Eh bien, alors vous vous tairez, ça sera le silence mais votre psychanalyste saura que ce n'est pas le silence de celui qui a honte et qui ne veut pas dire quelque chose ; ça ne sera pas un silence gêné ou coupable, ça sera le silence de celui qui n'a rien à dire car rien ne lui vient à l'esprit. En général, un tel silence ne dure pas longtemps.
La conséquence de tout cela, c'est que vous ne pouvez pas savoir d'avance ce que vous allez dire à votre psychanalyste : vous êtes complètement différent de l'acteur qui a appris son rôle.
On peut alors de demander à quoi peut bien servir ce flux de paroles par forcément centré, pas forcément cohérent, pas forcément intéressant (vous voyez par contraste que le médecin, lui, vous demande de vous centrer sur la raison pour laquelle vous le consultez, d'être cohérent et si possible, de dire des choses significatives).
Mais le psychanalyste n'est pas un médecin !
C'est un interprète : il ne va pas croire à ce que vous dites, il va se demander pour quelles raisons vous dites ce que vous dites au moment où vous le dites. Il va interpréter ce que vous dites pendant la séance comme on interprète un lapsus, en cherchant à identifier quelque chose qui n'est pas dit mais qui explique pourquoi vous dites ce que vous dites au moment où vous le dites. Pour un psychanalyste, sous le sens apparent de ce que vous dites, il y a un sens caché, que vous ne pouvez pas dire.
Plus précisément, il va chercher à identifier ce qui, dans vos paroles, expriment une pulsion qui vous est inconsciente ou une surveillance de votre surmoi, dont vous n'avez pas connaissance.
Au fil des séances (une cure psychanalytique dure des mois, voire des années), le psychanalyste va vous familiariser avec votre inconscient et votre surmoi, pour vous aider à comprendre comment vous " fonctionnez " avec les autres, étant entendu qu'en général vous le consultez parce quelque chose ne marche pas dans les relations avec vous-même et/ou avec les autres.
" Et il me donnera des médicaments ? ". Non, ce sont les psychiatres - qui sont des médecins - qui sont autorisés à donner, si besoin est, des médicaments. Le psychanalyste, en fait, ne vous soigne pas : en vous écoutant et en interprétant ce que vous dites à la lumière de la théorie de la psychanalyse (dont nous n'avons vu que quelques éléments), il fait que vous vous voyez vous-même sous un jour nouveau, ce qui inévitablement vous conduit à ne plus vous conduire comme avant (imaginez le cas suivant : Monsieur X arrive chez le psychanalyste en étant persuadé que tous les autres sont ses ennemis et lui en veulent ; petit à petit, tout au long des séances, le psychanalyste le conduit à penser que c'est lui qui voit tout le monde comme ennemi et en veut à tous : inévitablement, il en ressortira transformé !).
On vient de réaliser à quel point les mots qu'on dit et ceux qu'on nous dit jouent un rôle important dans la conscience qu'on a de soi et des autres. Il est temps de se consacrer désormais à une réflexion sur le langage.