mardi 18 janvier 2005

L'évacuation de la douleur.

Et que faire si l’on souffre physiquement et si les douleurs résistent aux médicaments ? Pour éliminer la crainte de la douleur, Epicure va à mes yeux se faciliter la vie ! Ou la douleur est intense mais alors elle est brève, ou elle dure mais elle est faible. Lisons la quatrième des Maximes Capitales :
« La douleur ne dure pas d’une façon ininterrompue dans la chair, mais celle qui est extrême n’est là que le temps le plus court, et celle qui surpasse à peine le plaisir corporel ne dure pas de nombreux jours ; quant aux maladies de longue durée, elles s’accompagnent pour la chair de plus de plaisir que de douleur. »
Certes Marcel Conche, qui veut donner toutes ses chances à Epicure, écrit dans son édition des Lettres et Maximes :
« Il en va, comme on sait, autrement aujourd’hui, où, grâce aux progrès de la médecine, la vie du patient mais aussi les tortures de l’agonie peuvent être longtemps prolongées. »
Mais alors, à supposer qu’il ait raison, comment être épicurien aujourd’hui ? Refuser l’acharnement thérapeutique ? Certainement, mais plus encore, demander l’euthanasie ? Epicure, à dire vrai, a exclu que le suicide puisse concerner le sage ; la 38ème Sentence Vaticane est claire :
« Homme de rien du tout que celui aux yeux de qui nombreuses sont les bonnes raisons de quitter la vie. »
Finissons sur la dernière lettre d’Epicure, celle que, sur le point de mourir, il écrit à Idoménée :
« En vivant le jour bienheureux qui est en même temps le dernier de ma vie, je t’écris ceci : les douleurs de vessie et d’entrailles que j’endure sont telles qu’elles ne peuvent être plus grandes mais elles sont combattues par la joie de l’âme au souvenir de nos raisonnements et de nos entretiens passés. »
Ces derniers mots me laissent rêveur. Cette âme, faite d’atomes et qui ne survit donc pas à la mort, comme elle est forte ! Quelle maîtrise de soi ! Quelle confiance dans les bienfaits de la remémoration ! L’esprit qui n’est rien que matière met paradoxalement le corps entre parenthèses. Y a-t-il une part d'illusion dans ce matérialisme !

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