Le capitaine Prasch debout devant son abri, tout barbouillé de sang, il brandit au-dessus de sa tête un tête empalée sur un bâton. Il parle : " C'est mon premier prisonnier italien, c'est moi qui ai fait ça avec mon propre sabre. Mon premier prisonnier russe, je l'avais fait torturer avant. Mes préférés pour ça, c'est les Tchèques. Je suis natif de Graz. Tous ceux que j'ai rencontrés en Serbie je les ai abattus sur le champ. De mes propres mains, j'en ai tué une vingtaine, parmi eux des civils et des prisonniers, et j'en ai fait fusiller au moins cent cinquante. Tout soldat qui tardait à monter à l'assaut ou qui se planquait pendant un feu roulant, je l'ai abattu moi-même. J'ai toujours frappé au visage mes subordonnés, qui avec ma canne, qui avec mon poing. Toutefois j'ai aussi beaucoup fait pour eux. En Serbie, j'ai violé une jeune Serbe mais ensuite je l'ai abandonnée aux soldats, et le lendemain j'ai fait pendre la fille et sa mère au parapet d'un pont. La corde s'est cassée et la fille, encore vivante, est tombée dans l'eau. J'ai sorti mon revolver et j'ai tiré jusqu'à ce qu'elle coule, morte. J 'ai toujours rempli mon devoir jusqu'au dernier souffle de l'homme et de sa monture. Je fus décoré et promu. J'ai toujours été à mon poste. La guerre exige une solide concentration de toutes les forces. Il ne faut pas perdre courage. Haut les coeurs ! " Il lève plus haut le bâton." (Karl Kraus, Les derniers jours de l'humanité, Acte V, scène 55, 1919, Agone, 2005, p.691-692)