dimanche 28 mai 2017

Faire de la philosophie.

Quand on éclaire initialement une année philosophique de classe terminale, on présente, entre conformisme et conviction, l'allégorie platonicienne de la caverne. Grandiose et enthousiasmante mais mensongère le plus souvent au vu de ce qu'on fera de fait découvrir. Aussi, à la fin de l'année, seuls les élèves les moins éclairés pourront-ils penser être sortis de la caverne.
C'est pourquoi, afin de conclure leur bref voyage philosophique, de manière aussi pompeuse certes mais moins (?) trompeuse, on peut leur transmettre ce texte de Nietzsche :
Sur l'horizon de l'infini. Nous avons quitté la terre et sommes embarqués ! Nous avons laissé la passerelle derrière nous, - mieux encore, nous avons laissé la terre derrière nous ! Eh bien ! petit navire, prends garde ! À tes côtés il y a l'océan : il est vrai qu'il ne mugit pas toujours, et parfois sa nappe s'étend comme de la soie et de l'or, une rêverie de bonté. Mais il y viendra des heures où tu reconnaîtras qu'il est l'infini et qu'il n'y a rien de plus terrible que l'infini. Hélas ! pauvre oiseau, toi qui t'es senti libre, tu te heurtes maintenant aux barreaux de cette cage ! Malheur à toi, si tu es saisi du mal du pays, comme s'il y avait eu là-bas plus de liberté, - et maintenant il n'y a plus de " terre " !" " (Le gai savoir, III, 124)
Bien sûr, le professeur de Terminale, généralement, n'a pas plus de terre que ses élèves, lui qui est payé pour faire croire qu' il va leur faire explorer en neuf mois l'océan infini. Il a juste été plus longuement ballotté par les eaux.
Peut-être les professeurs à l'Université sont-ils, eux, payés pour aborder une île, qu'ils ont passé alors des années à découvrir, y construisant pour les plus courageux et les plus doués leur propre fortin. Certes ils ne sont plus envahis par le sentiment de l'infini mais inlassablement ils doivent réparer leur forteresse, endommagée par les attaques plus ou moins éclairées des autres bâtisseurs.
ll y a donc ces navigateurs professionnels, répétitifs et toujours agités, il y a aussi ces nouveaux terriens et leurs châteaux plus ou moins sophistiqués et il y a la masse innombrable des noyés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire