dimanche 14 juillet 2019

Greguería n° 85

" El vanidoso pavo real tiene en la cola un coro de impertinentes de señora."
" Le vaniteux paon royal a sur la queue un choeur composé de faces-à-main de dame."

Commentaires

1. Le samedi 20 juillet 2019, 12:30 par gerardgrig
Les observations de la nature de Ramón ont une force comique. Il humanise la nature à outrance, en la ramenant à son monde limité et daté à lui. Dans le cas du paon, il y a une intention morale ou une critique sociale évidentes, tandis que les faces-à-main des dames évoquent les théâtres et les salons de son temps. La gregueria 51 du bourgeon qui éclot comme une rupture d'anévrisme fait penser à l'angoisse des fêtards des cafés madrilènes, quand ils anticipent leur fin. La gregueria 65 d'histoire naturelle des sauriens primitifs est un jeu de société, celui des ombres chinoises. Et il y a la gregueria spéléologique 63, et la finalité fantaisiste du stalactite. Que signifie cette vision désinvolte et trop distrayante de la science ? Est-ce du scepticisme ? Ramón montre l'ignorance humaine sans fard et il en rit.
2. Le vendredi 26 juillet 2019, 16:50 par Philalethe
Et puis désormais quand les paons me tournent le dos, je me sens encore regardé !

samedi 13 juillet 2019

Greguería n° 84

" Los locos son los que han encontrado una estratagema para no tener que pensar."
" Les fous sont ceux qui ont trouvé un stratagème pour ne plus avoir à penser."


jeudi 11 juillet 2019

Greguería n° 83

" Cuando en la guerra oímos hablar de divisiones, se nos presentan los soldados en forma de esa operación aritmética, y el cociente final depende de cómo fueron divididas las divisiones. ¡ Atroz cuando no dan sino 0000 ! "
" Quand pendant la guerre nous entendons parler de divisions, nous nous représentons les soldats par le moyen de cette opération arithmétique, et le quotient final dépend de la manière dont sont divisées les divisions. C'est atroce quand on n'a rien que 0 ! "

mercredi 10 juillet 2019

Greguería n° 82

" Proyectadas por una lámpara indiscreta, dos sombras gigantescas que ocupan el écran de varias medianerías nos regalan unos metros de pelicula gratis."
" Projetées par une lampe indiscrète, deux ombres gigantesques, qui occupent l'écran de plusieurs murs mitoyens, nous offrent quelques mètres de film gratuit."

Commentaires

1. Le vendredi 12 juillet 2019, 00:45 par gerardgrig
Ramón, que savait-il exactement des sciences de son temps ? Il y aurait à faire une épistémologie des greguerias. Ramón semble être gestaltiste en psychologie. Il y a des greguerias qui font penser à la Théorie de la Forme : la 70 et son homme-fleur, la 75 et son fauteuil hanté, le point sur un i de Musset, le château inversé en tête de mort de la 79. Dans la 82, les ombres portées, qui évoquent le cinéma en plein air, semblent illustrer la loi de familiarité de la Gestalt.
2. Le mardi 16 juillet 2019, 14:55 par Philalethe
S'agit-il d'un baiser ? Aujourd'hui, quelquefois, par le selfie, il est diffusé bien au-delà des murs mitoyens et les protagonistes se rêvent en acteurs !
3. Le samedi 20 juillet 2019, 11:52 par Philalethe
Dans son autobiographie, Automoribundia, Ramón, quand il raconte sa naissance, décrit ses premières perceptions comme étant des ombres : " (...) sombras largas y difusas, sombras vagas, como esas que en le techo de la habitación que da a la calle se reproducen, se mueven, se cruzan, se difuminan y se suceden suavemente." (" ombres longues et diffuses, ombres vagues, comme celles qui au plafond de la pièce qui donne sur la rue se reproduisent, se déplacent, se croisent, s'estompent et se succèdent doucement."). Mais à l'inverse de ce que décrit la greguería nº 82, ce sont cette fois des ombres projetées à l'intérieur.
4. Le lundi 22 juillet 2019, 14:14 par gerardgrig
Ramón était adepte de la psychanalyse "à la sauvage". Il était proche de Groddeck, qui était en marge du mouvement analytique, et duquel il appréciait la psychosomatique. En Espagne, Ortega y Gasset a commencé à parler de Freud. Dans "Le Docteur invraisemblable", Ramón utilise la psychanalyse comme matériau romanesque, comme Pierre Jean Jouve.

mardi 9 juillet 2019

Greguería n° 81

" He podido aislar el microbio de la risa. Si la risa no fuese un microbio, no nos reiríamos con ciertas obras abyectas ni en ciertos momentos en que es recomendada la seriedad... Los que cuentan chistes malos son los portadores de ese microbio."
" J'ai pu isoler le microbe du rire. Si le rire n'était pas un microbe, nous ne ririons pas avec certaines oeuvres abjectes ni à certains moments où le sérieux est recommandé... Ceux qui racontent des mauvaises blagues sont les porteurs de ce microbe. "

lundi 8 juillet 2019

Greguería n° 80

" Hay un niño en las playas que entierra en la arena un señor que lee el periódico distraído."
" À la plage il y a toujours un enfant qui enterre sous le sable un monsieur qui lit distraitement le journal."

Commentaires

1. Le lundi 15 juillet 2019, 12:37 par gerardgrig
Dans cette gregueria, Ramón évoque les vacances d'un monde disparu, celui de la Belle Époque. On dirait une illustration pour "La Mort à Venise", représentant Gustav von Aschenbach et Tadzio. L'enterrement du vieux dandy dans le sable fait penser au désir de la mort qui est le sujet de la nouvelle.
2. Le mardi 16 juillet 2019, 15:00 par Philalethe
On peut aussi voir cette greguería comme une allégorie universelle, les modalités de l'enterrement changeant. La lecture du journal est alors une des modalités du divertissement.

dimanche 7 juillet 2019

Greguería n° 79

" Los castillos son impresionantes porque, mirados al revés, son las calaveras de los siglos."
" Les châteaux sont impressionnants parce que, regardés à l'envers, ils sont des siècles les têtes de mort. "

samedi 6 juillet 2019

Greguería n° 78

“ Al pasear por la alameda hay un momento de característica mala suerte en que comienzan a no verse las siluetas de mujer que pasan, eclipsadas por los troncos de los árboles, coincidentes nuestras miradas con los eclipses.”
“En se promenant dans la peupleraie, il y a un moment vraiment malchanceux où on commence à ne plus voir les silhouettes de femmes qui passent, éclipsées par les troncs des arbres, nos regards coïncidant avec les éclipses.”

Commentaires

1. Le dimanche 7 juillet 2019, 12:27 par gerardgrig
Dans cette gregueria, qui déplore la déception comique de l'amateur de jolies femmes qui n'a jamais un point de vue idéal sur ce qu'il aimerait regarder, il y a l'intérêt de Ramón pour les sciences et les techniques de son temps. Cela donne un mélange savoureux de futilité et d'intérêt savant pour l'effet stroboscopique dont les flashs sont réglés sur la mauvaise fréquence. Le voyeurisme est l'affaire des intellectuels.
2. Le mardi 16 juillet 2019, 15:03 par Philalethe
Cette gregueria date aussi de l'époque où les images de femmes n'abondaient pas. Aujourd'hui on coupe à volonté les arbres.
3. Le mercredi 17 juillet 2019, 15:54 par gerardgrig
Ramón exploite la connotation érotique de l'éclipse. Par contre, l'éclipse de tasse de la gregueria 23 était neutre. Ramón n'était pas Pierre Loti et il ne pensait pas à la possibilité de la fille au fond du verre de saké. Dans la présente gregueria, Ramón pointe la mauvaise foi du plaignant, car dans l'illustration il distingue tout de même des formes féminines. En réalité, l'éclipse est la métaphore du strip-tease, qui cache en montrant et qui montre en cachant, et que le Paris de la Belle Époque a inventé.
4. Le jeudi 18 juillet 2019, 11:06 par gerardgrig
Aujourd'hui, dans le monde du Burlesque, l'artiste Lunart-X, qui m'a appris le cerceau de fitness pour des abdominaux sans danger et sans galère, a le pseudo de la dame censée promettre la lune, avec la science des phases de l'éclipse. Socrate aussi vantait les performances de la danseuse, mais l'effeuillage était un rituel sacré, qui célébrait les forces de la vie et avec lequel il ne fallait pas plaisanter.

mercredi 3 juillet 2019

Greguería n° 77

" Cuando se ve que el mono es igual al hombre es cuando desnuda de su cáscara a la banana."
" Le moment où l'on voit que le singe est pareil à l'homme, c'est quand il dépouille la banane de sa peau."

mardi 2 juillet 2019

Greguería n° 76

" Consejo superfilosófico : "Hágase una fotografía, y si sale, es que existe"."
" Conseil superphilosophique : " Faites une photo de vous, et si vous y apparaissez, c'est que vous existez."

Commentaires

1. Le samedi 6 juillet 2019, 13:24 par gerardgrig
Ramón anticipait-il sur la pratique du selfie des réseaux sociaux ? La photo est une réponse au problème de l'identité personnelle. Locke se l'était posé, mais il ne pensait pas à la solution de la " camera obscura", l'ancêtre de l'appareil photo. Néanmoins, Ramón semble être dans l'exagération ("superphilosophique"), ce qui n'est pas la marque d'un discours philosophique. Il cherche à nous mettre dans l'insécurité, en nous communiquant une légère angoisse passagère de la vie quotidienne. Clément Rosset fera de même quand il dira que si on lâche quelqu'un dans la nature sans papiers d'identité, il ne sait plus qui il est.