Dans le texte platonicien de l'allégorie de la caverne, l'évasion du prisonnier est une sortie vers les hauteurs du Bien. En revanche l'évasion est sans issue vraiment libératrice dans ces trois strophes extraites du Cygne de Baudelaire :
" Un cygne qui s'était évadé de sa cage,
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec
Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le coeur plein de son beau lac natal :
" Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ?"
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,
Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s'il adressait des reproches à Dieu."
Comme il est différent ce cygne baudelairien des cygnes platoniciens, tant reliés ici-bas à l'au-delà qu'ils chantent en mourant :
" Eux, dès qu'ils sentent qu'il leur faut mourir, le chant qu'ils chantaient déjà auparavant, ils le chantent alors de façon plus fréquente et plus éclatante, tout à la joie d'aller retrouver le dieu qu'ils servent." (Phédon 85a)
Oiseaux d'Apollon, ils partagent avec Socrate la prescience des biens qu'ils trouveront après la mort (ibid., 85b).
Entre le cygne baudelairien, définitivement loin du ciel, et le cygne socratique, qui y est déjà en pensée, peut-être la mouche wittgensteinienne occupe-t-elle une place intermédiaire, se butant contre les parois du piège mais potentiellement libérée..
Certes le ciel de la mouche wittgensteinienne n'est pas le Ciel.