mercredi 2 août 2017

Les deux morts de l'individu ou voir tout nom propre comme un nom commun.

Soit Socrate.
Marc-Aurèle s'efforce de penser son individualité exceptionnelle comme éphémère :
" Pense continuellement à tant d'hommes, de toute profession et de toute race qui sont morts ; descends jusqu'à Philiston, à Phibos, à Origanion. Passe maintenant aux autres tribus. Il nous faut nous transporter là-bas où sont tant d'orateurs habiles, tant de graves philosophes, Héraclite, Pythagore, Socrate (...) De tous ceux-là pensent qu'ils sont gisants depuis longtemps." (Pensées, VI, 47, La Pléiade, p.1187)
On note que bien qu'individu à première vue unique, Socrate est tout de même déjà membre d'un ensemble (une tribu). Mais Marc-Aurèle va plus loin dans la réduction de l'individualité quand il écrit :
" À travers la substance de l'univers, comme à travers un torrent, tous les corps s'en vont, liés intimement à l'univers et concourant à son oeuvre, comme les parties de notre corps sont liées les unes aux autres. Combien la durée a-t-elle absorbé de Chrysippe, combien de Socrate, combien d' Épictète ! ( ou selon la traduction de Pierre Hadot : " Combien d'hommes, comme Chrysippe, comme Socrate, comme Épictète, l'éternité a-t-elle engloutis !" ) . Fais la même réflexion à propos de tout homme, quel qu'il soit, et de toute chose." (VII, 19, ibid., p. 1193)
L'individu Socrate, mort ordinaire, est mort une seconde fois en donnant son nom à un type (un type d'homme exceptionnel). L'individuel, même rare, n'est donc pas l'incomparable.

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