Dans Hippolyte, tragédie d' Euripide, on lit :.
" Que n'avons nous dans nos affections
Un moyen sûr pour discerner sans faute l'ami sincère et le menteur ?
Tous les hommes devraient avoir deux voix,
L'une sonnerait juste, pour l'autre peu importe.
Celle qui trompe serait ainsi réfutée
Par celle qui dit vrai, et l'on ne s'y méprendrait pas. "
Un moyen sûr pour discerner sans faute l'ami sincère et le menteur ?
Tous les hommes devraient avoir deux voix,
L'une sonnerait juste, pour l'autre peu importe.
Celle qui trompe serait ainsi réfutée
Par celle qui dit vrai, et l'on ne s'y méprendrait pas. "
En somme, le mensonge serait impossible puisque les phrases mensongères commenceraient par " je mens ".
Comme Dulcinée du Toboso ne dispose que d'une seule voix, comment savoir ce qu'elle pense vraiment de l'amour que sans l'avoir jamais vue Don Quichotte lui porte ? C'est le souci du chevalier errant qui, ignorant que Dulcinée n'existe que dans son imagination, envoie Sancho Pança à Toboso pour sonder les intentions de la belle. Avant Wittgenstein, Don Quichotte sait déjà que " le corps est la meilleure image de l'âme.". Aussi donne-t-il les directives suivantes à son écuyer :
Comme Dulcinée du Toboso ne dispose que d'une seule voix, comment savoir ce qu'elle pense vraiment de l'amour que sans l'avoir jamais vue Don Quichotte lui porte ? C'est le souci du chevalier errant qui, ignorant que Dulcinée n'existe que dans son imagination, envoie Sancho Pança à Toboso pour sonder les intentions de la belle. Avant Wittgenstein, Don Quichotte sait déjà que " le corps est la meilleure image de l'âme.". Aussi donne-t-il les directives suivantes à son écuyer :
" Garde bien dans la mémoire la façon dont elle te reçoit, et que rien ne t'échappe : si son visage change de couleur pendant que tu lui transmets mon message ; si elle perd son calme et se trouble en entendant mon nom ; si elle ne tient pas en place sur son coussin , dans le cas où tu la trouverais assise sur la riche estrade qui convient à son autorité ; et si elle est debout, regarde donc si elle s'appuie tantôt sur un pied, tantôt sur l'autre ; si elle te répète deux ou trois fois la réponse qu'elle te donne ; si elle passe alors de la douceur à la rudesse, ou change les mots aigres pour des mots tendres ; si elle porte la main à sa chevelure pour l'arranger alors qu'elle n'est pas en désordre. Bref, mon fils, observe tous ses faits et gestes, parce que, si tu me les rapportes avec fidélité, je pourrai en déduire tout ce qu'elle garde caché dans le secret de son cœur, au sujet de mes amours. Car tu dois savoir, Sancho, au cas où tu ne le saurais pas, que, chez les amants, les faits et les gestes que l'on peut surprendre, quand il est question de leurs amours, sont les courriers les plus sûrs pour être informé de ce qui se passe à l'intérieur de l'âme." (Livre II, chapitre X)
Sur ce point, Don Quichotte est aussi bien aristotélicien :
" En tout homme, le véritable caractère se révèle dans le langage, les actes et la façon de vivre, toutes les fois qu'il n'agit pas en vue d'une fin (...) Nous jugeons le caractère des hommes comme nous jugeons leurs corps, par leurs mouvements " (Éthique à Nicomaque, IV, 13-14).
Ce que Thomas d' Aquin a traduit ainsi :
" Ex operationibus exterioribus cognoscuntur interiores mores."
Commentaires
Mais ne faut-il pas que la voix fausse se déclenche involontairement pour éviter le paradoxe ? Car si montrer qu'on ment c'est décider de montrer qu'on ment, on peut voir dans l'utilisation de la voix fausse un substitut non linguistique de "je mens", non ?