vendredi 4 mai 2007

Digressions VIII: les philosophes antiques et la grève ! (fin)

Mon lecteur, ayant entendu dire qu’un stoïcien a été un grand empereur romain et se plaisant alors à penser qu’ il pourrait tirer de cette ultime philosophie comme une politique, s’en va consulter un de ses représentants, qui lui tient à peu près ce discours :
« Vous le savez sans doute, nous ne ne jugeons pas le métier comme une condition de la vie bonne et heureuse; nous sommes pourtant sensibles à la déraison et aux passions qui troublent la vue exacte des choses. Aussi dans la mesure où les hommes puissants, sous les ordres desquels vous travaillez, se comportent avec vous non comme avec un autre homme égal en raison et en dignité mais comme avec l’objet de leur fureur ou de leur mépris ou de leur indifférence, vous devez réagir. »
Et le lecteur de se réjouir à l’idée qu’enfin le souci philosophique ne détourne pas radicalement des choses politiques. Mais le stoïcien poursuit ainsi :
« A vous d’aller trouver les mauvais maîtres et de leur exposer aussi posément que vous le pouvez les erreurs que leurs conduites manifestent. Sachez ainsi les détourner de la valeur illusoire qu’ils donnent aux fins qui les agitent. Tournez leur regard vers ce qui vaut en vérité et alors, défaits de la croyance qui leur fait donner à l’argent, au pouvoir, à la célébrité le prix qu’ils n’ont pas, ils changeront de vie… »
Le lecteur ne peut se retenir de l'interrompre:
« Mais leurs passions sont si anciennes qu’elles sont comme des croûtes épaisses qu’aucune raison ne peut attaquer et c’est perdre son temps que de chercher à les convertir : ils ne veulent rien entendre ! C’est pour cela que nous voulons des actions qui les apeurent, les inquiètent, les troublent… »
« Vous faites fausse route ! Si les paroles raisonnables ne les modifient pas, renoncez, regagnez votre place et accomplissez comme il faut votre fonction. Rappelez-vous que de toute façon votre salut ne dépend pas de votre statut. Redites-vous ces lignes de Marc-Aurèle: "Dès l'aurore, dis-toi par avance: "je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable." Evoquez notre maître, l’esclave Epictète, la patience indifférente dont il faisait preuve quand Epaphrodite le maltraitait. Si vous avez fait tout ce qui dans les limites de la raison était en votre pouvoir pour les rendre plus raisonnables, c’est que le Destin leur a donné à vie le rôle d’insensés. Ce n’est pas vous qui distribuez les rôles et n’oubliez pas : quel que soit le vôtre, en aucune manière, il ne vous condamne à vous conduire de manière à vous perdre. N’attendez plus le salut du succès de vos actions, vous n’avez qu’une chose à faire : vous représenter la réalité telle qu’elle est et agir en conséquence. Et pour cela, pas besoin d’un chef qui prête plus d’attentions à vos besoins… »
Et le lecteur de se dire que ces philosophes antiques ne sont pas, sur le point qui l’intéresse, de bonne consultation. Ils ne paraissent concevoir l’action que comme l’expression de convictions intemporelles. Ils n’agissent pas dans l’intention d’atteindre quoi que ce soit qu’ils n’auraient pas mais dans le but de montrer que rien ne leur manque. Il se dit qu’à leurs yeux il a tort d'attendre quelque chose de l’avenir. Il pense tristement que les philosophes antiques ne sont pas utiles à ceux qui ne veulent que leur ressembler à moitié et que finalement ils sont à prendre ou à laisser !

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