Diogène de Sinope écrit dans une courte lettre pseudépigraphe adressée à Rhésos:
"Phrynicos de Larissa, mon disciple, brûle de voir Argos, nourricière de chevaux, mais comme il est philosophe, il ne te demandera pas grand chose." (Lettres de Diogène et Cratès Actes Sud p.87)
Ce qui me donne l'idée de quatre sages conseils portant sur les voyages.
D'abord d'inspiration cynique:
"Tu ne voyageras pas car seuls le font ceux qui attendent du plaisir d'un tel déplacement mais tu sais que tu vas déjà à ta perte en recherchant le plaisir là où tu es; certes il se peut que tu sois chassé de ta ville mais là-bas comme ici tu auras toujours de quoi vivre selon la nature. Quant aux hommes que tu rencontrerais au bout du monde, n'imagine pas qu'ils ne soient pas comme ici: aux trois quarts fous."
Ensuite l'épicurien avertirait:
"Ne quitte surtout pas la communauté de tes amis ! A te hasarder sur le chemin, tu ne ferais que risquer de perdre ce qui ici déjà assure ton bonheur. Certes la beauté des paysages inconnus attire les hommes ordinaires mais la campagne calme et douce qui entoure notre cité doit te donner tout le plaisir que peut t'apporter la vue des belles formes naturelles. Ne sais-tu pas que si tu cours le monde à la recherche de paysages encore plus éblouissants, tu mourras toujours trop tôt ?"
Enfin le stoïcien rappellerait:
"Est-ce ton devoir de voyager ? Examine ce que te commande ta fonction et ne dépasse pas les limites décentes qu'elle implique. Sache en effet que le voyage, et cela d'autant plus qu'il est inhabituel et lointain, mettra à l'épreuve ton principe directeur. Il te faudra de la force pour savoir ni condamner ni louanger les usages nouveaux que tu découvriras. Une réserve excessive ferait des gens de la nouvelle cité autant de personnes hostiles à ton égard et une souplesse infinie te réduirait à faire ce qu'eux jugent dignes de faire. Voyage donc peu et à condition expresse que la nécessité t'y oblige, en outre prends soin de voir cette excursion en dehors de nos frontières comme une épreuve et un exercice ! Ne sois pas l'homme de ta ville dans la cité des autres, ne deviens pas non plus un des leurs. Conduis-toi ici comme ailleurs en homme raisonnable et ne respecte les moeurs étrangères, comme les nôtres d'ailleurs, que dans la stricte mesure où la raison le commande !"
Commentaires
"Lorsque je penche la tête, l’on aperçoit de tout mon visage que mon nez. Lui seul dépasse de ma capuche. Assis parterre, les jambes contre la poitrine, je visite Paris. De l’intérieur de ma Capuche, je voyage… Je n’aime pas les explorateurs ou les touristes. Ils courent à l’avenir. Ils se dépensent à chercher une image qui leur ressemble. La curiosité et le souvenir les angoissent. De ma capuche, je lis. Je lis justement le voyage de Baudelaire. Voyager pour fuir l’ennui…. Mais est-ce que l’ennui ne se déplace pas avec nous ? Voyager pour sortir de soi… Mais si l’on ne s’amène pas, que trouve-t-on ? Voir « des soleils bas taché d’horreur mystique illuminant de long figement violet (…) des femmes dont les dents et les ongles sont teints, des archipels sidéraux… » n’arrive pas à faire oublier que le voyageur n’est « qu’un enfant accroupi plein de tristesse qui lâche (dans une flaque) un bateau frêle comme un papillon de mai. » Pour Baudelaire, il n’y a qu’un voyage : celui qui va de la vie à la mort. Le reste n’est que vaine agitation. De l’autre côté de ma capuche, tous ses vivants emmêlent leurs cris, leurs pas rapides… Sur cette place, la mairie de Paris a installé une patinoire. Les gens se pressent. Ils patinent et s’éclaboussent. Ils se bousculent joyeusement… Ils glissent sur le froid sans se soucier que ce froid silencieux les rattrapera tous… La vie n’a pas de sens. Ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Ils vivent leur vie debout sur la mort…"