D’abord pourquoi Solon rend-il visite à Crésus ? Hérodote, Plutarque et Aristote convergent : s’il voyage hors d’Athènes pendant dix ans, c’est pour que les lois qu’il y a établies restent tout ce temps en vigueur, « les Athéniens s’étant engagés par des serments solennels à observer pendant dix ans les règlements qu’il leur donnerait. » (Hérodote Histoire I 29 trad. de Larcher 1842). « Examiner les mœurs et les usages des différentes nations » selon Hérodote (ibidem), faire « du commerce sur mer » selon Plutarque (Vie de Solon XV trad. de Anne-Marie Ozanam 2001), voici les prétextes destinés à cacher la politique de Solon. Rencontrer Crésus n’est donc qu’un alibi.
Concernant l'arrivée de Solon à Sardes, capitale où règne Crésus, la version d’Hérodote est franchement moins intéressante que celle rapportée par Plutarque.
Hérodote : « Crésus le reçut avec distinction et le logea dans son palais » (I 30)
Plutarque : « Solon se rendit donc à Sardes, sur l’invitation de Crésus, et il se trouva à peu près dans la situation d’un homme du continent qui descend pour la première fois vers la mer et qui croit la reconnaître dans chacun des fleuves qu’il rencontre. De la même manière, Solon, parcourant le palais et voyant de nombreux princes richement parés marcher fièrement au milieu d’une foule d’appariteurs, prenait chacun d’eux pour Crésus. »
Que veut donc dire Plutarque par cette étrange comparaison ? C’est certainement un trait en faveur de Solon de ne pouvoir même pas imaginer les richesses de Crésus. En tout cas, dès les premières lignes de la vie qu'il lui consacre, Plutarque a décrit Solon comme n’étant pas intéressé par l’argent, même s’il pratiquait le commerce, mais à seule fin de gagner sa vie. Les vers attribués à Solon et cités par Plutarque sont clairs :
Hérodote : « Crésus le reçut avec distinction et le logea dans son palais » (I 30)
Plutarque : « Solon se rendit donc à Sardes, sur l’invitation de Crésus, et il se trouva à peu près dans la situation d’un homme du continent qui descend pour la première fois vers la mer et qui croit la reconnaître dans chacun des fleuves qu’il rencontre. De la même manière, Solon, parcourant le palais et voyant de nombreux princes richement parés marcher fièrement au milieu d’une foule d’appariteurs, prenait chacun d’eux pour Crésus. »
Que veut donc dire Plutarque par cette étrange comparaison ? C’est certainement un trait en faveur de Solon de ne pouvoir même pas imaginer les richesses de Crésus. En tout cas, dès les premières lignes de la vie qu'il lui consacre, Plutarque a décrit Solon comme n’étant pas intéressé par l’argent, même s’il pratiquait le commerce, mais à seule fin de gagner sa vie. Les vers attribués à Solon et cités par Plutarque sont clairs :
« Je veux avoir du bien, mais non injustement » (II 4)
« Souvent méchant est riche, homme de bien est pauvre,
Nous n’échangerons pas pourtant notre vertu
Contre les biens d’autrui. Car elle est chose stable,
Mais les trésors toujours passent d’un homme à l’autre » (III 2)
Nous n’échangerons pas pourtant notre vertu
Contre les biens d’autrui. Car elle est chose stable,
Mais les trésors toujours passent d’un homme à l’autre » (III 2)
Plutarque poursuit:
« Il fut conduit en sa présence. Le roi s’était orné des pierres, des étoffes teintes et des parures d’or richement travaillées qui lui semblaient particulièrement remarquables, exceptionnelles et enviables, pour se faire voir sous l’aspect le plus impressionnant et le plus brillant. » (XXVII 3)
Blaise Pascal oppose les magistrats et les médecins aux rois ; pour en imposer, les premiers se déguisent mais « nos rois n’ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d’habits extraordinaires pour paraître tels ; mais ils se sont accompagnés de gardes, de hallebardes. Ces trognes armées qui n’ont de mains et de forces que pour eux, les trompettes et les tambours qui marchent au-devant, et ces légions qui les environnent, font trembler les plus fermes. Ils n’ont pas l’habit seulement, ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires. »
Crésus, lui, cumule le déguisement de ceux qui n’ont que des « sciences imaginaires » (Pascal) et le déploiement de force, propre aux puissants. Mais Solon a « une raison bien épurée » :
« Mais quand Solon se tint en face de lui, cette vue ne lui inspira aucun des sentiments, aucune des paroles auxquels Crésus s’était attendu ; les gens sensés voyaient bien qu’il méprisait ce manque de goût et cette vulgarité » (XXVII 4)
Pourtant Crésus, ne pouvant pas partager la perspective philosophique, prend le mutisme de Solon pour l’effet d’une trop grande discrétion de sa part :
« Alors Crésus ordonna de lui ouvrir ses trésors, et de l’emmener voir le reste de ses biens et de ses richesses. Solon n’en avait nul besoin : la vue de Crésus suffisait à lui faire comprendre son caractère. » (ibidem)
Plutarque a considérablement enrichi Hérodote qui se contentait de signaler brièvement :
« Trois ou quatre jours après son arrivée, Solon fut conduit par ordre du prince dans les trésors, dont il lui montra toutes les richesses. » (I 30)
Ce qu’a inventé Plutarque, c’est un Solon qui, comme les Persans de Montesquieu, allie l’étonnement naïf du dépaysé à la conscience critique du censeur moraliste.
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