Tant que le soleil est allégorique, on peut le regarder en face ; certes le prisionnier échappé de la caverne aura besoin de temps mais il y arrivera (La République, VII, 516b).
En revanche, quand le soleil est le vrai, il est comme la mort, on ne peut pas le regarder en face, La Rochefoucauld l'a écrit (maxime 26, édition de 1678).
Mais peut-on raisonner au soleil ? Ce n'est pas l'avis de Théodore-Malebranche qui presse Ariste de s'enfermer à l'intérieur, et ce dernier se prend au jeu :
" Ariste : (...) Doublons le pas... Grâce à Dieu, nous voici arrivés au lieu destiné à nos entretiens. Entrons... Asseyez-vous... Qu'y a-t-il qui puisse nous empêcher de rentrer en nous-mêmes pour consulter la Raison ? Voulez-vous que je ferme tous les passages de la lumière, afin que les ténèbres fassent éclipser tout ce qu'il y a de visible dans cette chambre et qui peut frapper nos sens ?
Théodore : Non, mon cher. Les ténèbres frappent nos sens aussi bien que la lumière. Elles effacent l'éclat des couleurs. Mais à l'heure qu'il est, elles pourraient jeter quelque trouble, ou quelque petite frayeur dans notre imagination. Tirez seulement les rideaux. Ce grand jour nous incommoderait un peu, et peut-être trop d'éclat à certains objets... Cela est fort bien ; asseyez-vous." (Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, Vrin, 2017, p. 158)
Rendre le sensible insignifiant, ce n'est donc pas le rendre invisible : trop de lumière et les couleurs prendront le pouvoir, dopant l'imagination ! Pas de lumière et l'imagination, cette fois impressionnée par le noir, fera encore des siennes !