Est-ce Einstein que Ramón caricature, avec une insolence de potache ? Il imaginait bien le Cid avec des nœuds dans la barbe. En réalité, Ramón ne nous fera pas le coup de la beauté intérieure. Il serait prêt à dire que c'est ce que les gens moches ont inventé pour se reproduire. Il préfère trouver de la beauté à la laideur, pour mieux la supporter, en suivant la méthode stoïcienne. Ici, il évoque la sympathie mystérieuse qui existe entre les formes de la nature, notamment dans le règne végétal, et l'imaginaire de la figure humaine. La pensée est la violette, qui a une riche histoire mythologique. Elle signifie le souvenir des morts dans les cimetières. On a une pensée pour eux. Ramón fait un jeu de mots, s'il s'agit de reconnaître le génie du grand homme.
En réalité, la pensée et la violette sont des espèces voisines du genre "Viola". La pensée est la violette avec le sourire en plus, à cause de ses pétales latéraux orientés vers le haut. Elle peut comporter des dessins de visages. Ici, l'illustration de la gregueria ressemble à un test de Rorschach que nous propose la nature. Que voyons-nous dans les taches de la pensée ? On dirait un génie hirsute de la fin du XIXeme siècle. Ou est-ce un quidam doté d'une gueule d'enfer, que Ramón a croqué par hasard à la terrasse d'un café, pour le ranger dans un cabinet de curiosités botaniques ? Ramón fait-il ou non un "dessin à clé" ? Dans la nature, à quoi servent ces taches en forme de visages, dont l'utilité semble bien moins évidente que le dessin d'une guêpe sur l'orchidée ? Y a-t-il un langage des fleurs que validerait l'étymologie populaire ? La violette est étymologiquement la fleur d'Io. Elle a été christianisée en herbe de la Trinité, car selon le peuple la nature a le langage de Dieu. Étymologiquement, la pensée est plutôt neutre. Elle est là pour nous rappeler quelqu'un, ce que suggèrent ses formes vagues de visages.
La paréidolie visuelle est une illusion d'optique qui nous fait trouver des formes humaines dans la nature. On voit des dessins de visages dans des pensées. Dans cette gregueria, Ramón dit l'inverse. C'est le visage qui ressemble à la fleur. Cela s'apparente à la caricature qui appuie sur la ressemblance d'un visage avec un fruit ou un légume, pour faire ressortir la bêtise du modèle. Mais ici, Ramón obtient un résultat opposé. La ressemblance du visage horrible avec la pensée semble lui donner une certaine beauté paradoxale.
Commentaires
C'est une greguería !