Dans L'irrationalité, Traité critique de l'homme économique (II) (2010), Jon Elster fait un inventaire des états (ou effets) essentiellement secondaires. Je rappelle que ce sont des états "qui ont la propriété de se dérober devant la main qui les cherche" (p.93). Voici en abrégé la liste des états qu'il retient :
- faire impression sur quelqu'un.
- croire une chose.
- être heureux.
- obtenir la gloire.
- oublier une chose.
- ne pas penser à une chose.
- ne pas faire attention à quelqu'un.
- être spontané.
- réussir.
- être naturel.
- s'offenser.
- avoir une mine grave.
- faire impression sur quelqu'un.
- croire une chose.
- être heureux.
- obtenir la gloire.
- oublier une chose.
- ne pas penser à une chose.
- ne pas faire attention à quelqu'un.
- être spontané.
- réussir.
- être naturel.
- s'offenser.
- avoir une mine grave.
Elster explique que chaque fois qu'on veut directement un de ces états, on ne l'obtient pas, pour la seule et bonne raison qu'on le vise directement.
À cette liste, j'ajouterai "être humble", comme m'en convainc un passage de Sainte-Beuve consacré à un des fondateurs du jansénisme, Saint-Cyran :
À cette liste, j'ajouterai "être humble", comme m'en convainc un passage de Sainte-Beuve consacré à un des fondateurs du jansénisme, Saint-Cyran :
" Il considérait l'humilité (ce sont ses propres termes) comme l'ombre que ceux qui courent plus fort n'attrapent point pour cela, et il ne croyait pas qu'il y eût un meilleur moyen de la posséder, que d'arrêter son activité naturelle pour s'anéantir en soi-même, et que de se tourner tellement vers le soleil divin, et si en plein dans le juste sens de son rayon, que tout ombre autour de nous disparût." (Port-Royal, Livre II, p.373, La Pléiade).
En visant directement Dieu, on obtient indirectement l'humilité désirée.
Commentaires
Mais la définition de ces états comme ceux "qui ont la propriété de se dérober devant la main qui les cherche" est un peu égarante car elle laisse entendre que l'on a un but et que l'on a un effet secondaire *de ce même but* . C'est vrai de certains des états décrits par Elster, comme vouloir être naturel ou spontané, qui ne s'obtient pas en voulant paraître naturel , mais en l'étant. Mais c'est plus problématique pour la gloire ou la croyance. Je peux chercher à croire que p , mais ne n'obtiendrai pas pour autant par effet secondaire la croyance que p, de même pour la gloire. La route causale
reste encore indéterminée.
Ce qui reste obscur, pour moi c'est le lien entre le but primaire recherché t l'effet secondaire.
Acceptez que je n'écris pas pour vous instruire (!) mais pour clarifier mes idées.
Il me semble que l'idée est la suivante : si on a par exemple comme but de s'endormir, on n'obtient pas le résultat qu'on vise précisément parce qu'on le vise. L'effet "s'endormir" est secondaire par rapport à un autre but que celui de s'endormir. Par exemple, s'endormir peut être l'effet secondaire obtenu quand on a comme but de ne pas s'endormir. Mais est-ce que ça marche si on a comme but premier de ne pas s'endormir en vue du but de s'endormir ? J'en doute.
Pour "vouloir obtenir la gloire", Elster cite Sénèque : "On est poursuivi par les bienfaits lorsqu'on n'en réclame pas le prix" (Les Bienfaits). Ici l'effet secondaire est en fait l'effet inverse de celui qui est visé. La route causale est simple : c'est en faisant tout ce qu'il faut pour ne pas l'avoir qu'on a l'effet, on l'obtient : "la gloire s'attache de préférence à ceux qui la fuient".
Concernant la croyance, c'est plus compliqué car ce n'est pas en faisant tout ce qu'il faut pour ne pas croire que p qu'on croira que p. En revanche on peut peut-être croire que p en cherchant à croire que p, Pascal dit qu'en cherchant à faire comme si on croyait en Dieu, on finira par croire en Dieu. Autre possibilité : si on cherche de bonnes raisons de croire que p, on arrivera peut-être à croire que p mais alors on peut peut-être dire que la croyance est un effet secondaire de la découverte des bonnes raisons qu'on se fixait comme but de découvrir.
Il semble en tout cas que sous le concept d'effet secondaire se cachent pas mal de mécanismes distincts.
Un classique moderne peut exister. Il faudra que le style ne paraisse pas, s'efface en douce. Quelques uns seulement y parviennent. Chez les autres , tout effet de style tourne au manièrisme. C'est pourquoi les retours au classicisme semblent forcés comme quand on s'efforce d'être naturel , rationnel, moral .
Cela définit aussi l'aristocratie,qui sans effort, quand elle est vraie, est capable de parler au peuple. Le drame du bourgeois,puis du petit bourgeois, puis du mini bourgeois d'aujourd'hui, est qu'il se force.
Ne faut-il pas une éducation longue et approfondie pour que par un tel training le style se manifeste ainsi sans effort de style ?
Vu que notre éducation -au niveau de l'apprentissage de la langue au moins- est le contraire de cela et que plus aucun canon esthétique n' a le monopole en s'imposant comme soit-disant naturel, les classicismes seront condamnés à être des formes aussitôt contestées et hantées par la nostalgie.
Ceci dit, pour avoir un style classique, il fallait l'avoir voulu, c'est juste la naturalité de ce style qui est un effet secondaire.
Quant aux rapports sociaux, on ne va tout de même pas regretter qu'ils aient cessé de passer pour naturels !
Je ne suis pas sûr de m'être fait comprendre. De même que chercher à
paraître naturel, ou chercher à croire , ne peut pas produire le naturel, ni la
croyance, chercher à avoir du beau style ne peut pas produire le style. C'est
un effet essentiellement secondaire.
A cela j'ajoutais que le style classique est celui qui , par définition,
cherche le moins ces effets, et est le "naturel" ; cela ne veut pas qu'il en
soit totalement dépourvu
Vôtre
R.B.
Merci tout de même d'avoir pris la peine de la reformulation !
Bien cordialement.