Dans cette gregueria, l'incongruité de Ramón, qui s'appuie souvent sur la référence aux objets techniques de la modernité, n'épargne pas la tauromachie. Pour lui, la corrida était la métaphore de la violence inhérente à la vie humaine. Cette gregueria évoque une forme de voyeurisme de la mort du taureau, chez celui qui le tue, et qui en conservera une trace sur la plaque photosensible de son esprit, à la manière d'un photographe, pour en jouir. Une fascination perverse pour l'image de la victime que l'on photographie en la tuant, c'est tout à fait l'argument du film "Le Voyeur" de Michael Powell (1960).
Je vois cette greguería moins dénonciatrice que finement descriptive. Le matador ajuste sa position et précisément celle de son bras droit afin d'exécuter du mieux possible l'estocade. Il paraît alors viser comme le photographe dans son viseur : tout va alors se jouer en un instant, l'épée devant non seulement ne pas heurter un os, mais ne pas non plus produire une hémorragie qui ferait que le taureau vomisse son sang. Instantanéiser (ce néologisme correspond au néologisme espagnol) la mort, c'est moins alors l'éterniser que la rendre foudroyante.
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