Quel sens donner à l’emploi du conditionnel présent (je ferais) ou passé (j’aurais fait) si les seuls possibles correspondent aux choses nécessaires ? X est possible si et seulement si x est nécessaire, ce qui donne 3 types de possibilités : la possibilité des choses qui ont eu lieu (vu que x a eu lieu, x était possible et nécessaire ; celle des choses qui ont présentement lieu (il est possible et nécessaire que j’écrive présentement ces mots qui apparaissent sous mes yeux) ; celle des choses qui auront lieu : il est possible et nécessaire que je mon corps ait vieilli dans un an, s’il est possible et nécessaire que je vive encore dans un an.
Le dernier possible dont je viens de parler correspond au futur de la nécessité sue. Je sais nécessaire que le corps s’altère avec le passage du temps. Mais, pour la plupart des événements à venir dont la nécessité ne peut pas être connue dès aujourd’hui, ce qui est nécessaire, c’est que se réalise ou non tel fait : par exemple il est nécessaire qu’il pleuve ou non le 28 août 2044 à Dijon. Le fait de la pluie ou de la non-pluie sur Dijon à cette date sera nécessité par le passé du monde, mais notre esprit ne peut connaître lequel des deux possibles imaginables est actuellement réel. Un des deux possibles pensés est en réalité ontologiquement impossible, mais la faiblesse de notre connaissance ne permet pas de déterminer lequel. Avec le temps qui passe, le possible réel sera connu d’abord comme probable, voire comme nécessaire (si par exemple la présence d’un anticyclone sur toute la France le 27 août 2044 permet dès ce jour de savoir qu’il ne pleuvra pas le lendemain).
On voit qu’à partir de cette finitude constitutive de l’esprit humain, on peut ou non poser l’existence d’un esprit infini caractérisé par le savoir éternel de toute la nécessité passée, présente et à venir . Il faut en effet rajouter à l’ignorance de la nécessité future, celle de la nécessité passée (il pleuvait ou non sur la pointe du Raz le 27 août 1744, mais aucune archive, aucun témoignage, aucun prélèvement ne permet de le savoir) et celle de la nécessité présente (à cet instant précis, il y a nécessairement par exemple un certain nombre fini et précis de personnes dans les limites administrative de la commune de Paris mais ce nombre est inconnaissable).
Cette nécessité dont la connaissance est limitée par notre finitude est sue en tant que nécessité mais reste indéterminable épistémiquement bien que déterminée ontologiquement.
Si on se limite à la connaissance de la nécessité de notre vie personnelle, on est frappé par sa pauvreté :
a) La connaissance de notre passé se réduit à celle des faits dont je n’ai aucune bonne raison de douter : concernant la vie de mon corps, comme concernant celle de mon esprit je dispose de miettes dont je sais donc, si je suis déterministe, qu’elles ne pouvaient pas être autres qu’elles n’ont été (par exemple il était nécessaire que je développe telle maladie et que j’en prenne connaissance tel jour de telle année dans telles conditions)
b) La connaissance de mon présent varie selon ce que je pose comme moment présent (cette heure ou cette minute) mais reste limitée par la direction et l’intensité de mon attention ou de celle d’autrui portée sur moi, mais aussi grande que soit cette attention, elle ne portera que sur une petite partie des faits qui ont lieu (par exemple la description vraie de mon cœur pendant l’échographie laisse dans l’ombre les autres organes). Quant à celle de mon esprit, elle reste suspendue à la croyance ou à la non-croyance dans une vie inconsciente de l’esprit, et est relative au choix de la terminologie et donc de la théorie psychologique permettant de me décrire mentalement.
c) Quant à celle de mon avenir, la seule chose que je sais de manière indubitable est que je dois mourir, les modalités en étant inconnues (dans le cas du suicide, la connaissance des modalités ne peut dépasser le probable : il est très probable, si je suis efficace, que je meure des suites des actions que je fais en vue de mourir).