lundi 20 février 2012

Platon au fond de la caverne ou Les anciens et les modernes à l'opéra.

" Représentez-vous tous les sages à l'opéra, ces Pythagore, ces Platon, ces Aristote, et tous ces gens dont le nom fait aujourd'hui tant de bruits à nos oreilles ; supposons qu'ils voyaient le vol de Phaéton que les vents enlèvent, qu'ils ne pouvaient découvrir les cordes, et qu'ils ne savaient point comment le derrière du théâtre était disposé. L'un d'eux disait : " C'est une certaine vertu secrète qui enlève Phaéton". L'autre : " Phaéton est composé de certains nombres qui le font monter". L'autre : " Phaéton a une certaine amitié pour le haut du théâtre ; il n'est point à son aise quand il n'y est pas". L'autre : " Phaéton n'est pas fait pour voler, mais il aime mieux voler que de laisser le haut du théâtre vide" ; et cent autres rêveries que je m'étonne qui n'aient perdu de réputation toute l'antiquité. À la fin, Descartes et quelques autres modernes sont venus, et ils ont dit : " Phaéton monte, parce qu'il est tiré par des cordes, et qu'un poids plus pesant que lui descend". Ainsi on ne croit plus qu'un corps se remue, s'il n'est tiré ou plutôt poussé par un autre corps ; on ne croit plus qu'il monte ou descende, si ce n'est par l'effet d'un contrepoids ou d'un ressort ; et qui verrait la nature telle qu'elle est ne verrait que le derrière du théâtre de l'opéra." (Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes habités, Premier soir, 1686)

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