samedi 26 avril 2008

Promenades philosophiques.

A Guez de Balzac qui semble préférer la campagne, Descartes fait dans une lettre du 5 mai 1631 l'éloge de la vie en ville, précisément à Amsterdam:
" Je vais me promener tous les jours parmi la confusion d'un grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous sauriez faire dans vos allées, et je n'y considère pas autrement les hommes que j'y vois, que je ferais les arbres qui se rencontrent en vos forêts, ou les animaux qui y paissent. Le bruit même de leur tracas n'interrompt pas plus mes rêveries que ferait celui de quelque ruisseau." (Oeuvres philosophiques éd.Alquié T.I p 292).
Cette promenade cartésienne - tout à fait néantisante, pour parler sartrien - représente à mes yeux l'envers de la promenade cynique: à dire vrai, ce n'est pas que le Chien dans une forêt transformerait en hommes les arbres, non, mais il serait si attentif à capter les regards pour les dresser par sa gymnastique philosophique qu'il serait bien loin de réduire leurs porteurs à des animaux-machines.
Apparemment moins respectueux que Descartes des occupations des uns et des autres, il leur donnerait tout de même la capacité de juger et de transporter dans leurs têtes pour la plupart les bêtises qu'il s'apprêterait justement à rectifier par sa déambulation jamais privée mais toujours didactique.
Ce n'est pas non plus comme l'épicurien que Descartes déambule dans la ville d'Amsterdam. S'il n'aurait pas le folie de lui enseigner quoi que ce soit, le disciple d'Epicure aurait néanmoins la conscience constante de l'humanité hostile de cette foule active.
Aussi circulerait-il entre les hommes comme le soldat entre les balles, d'une tranchée amicale à une autre tranchée amicale.

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